Automobile : face à la Chine, Renault mise sur… la Chine (H.fr-6/06/24)

La stratégie du groupe est avant tout financière. © Azusa Nakanishi / Yomiuri / The Yomiuri Shimbun via AFP

Le constructeur au losange multiplie les partenariats industriels et financiers avec le géant de l’électrique Geely. De quoi faire craindre de nouvelles délocalisations.

Par Stéphane GUERARD.

L’ambiance sociale d’une entreprise se mesure à de petits riens. À Renault Lardy, plus d’une centaine de salariés ont participé, ce 6 juin, à un rassemblement, à l’appel de la CGT et de SUD, pour protester contre le déménagement forcé des syndicats de leurs locaux actuels, avec salles de réunion propices à l’accueil des salariés, vers les bureaux plus exigus du CSE (comité social et économique).

« Il s’agit d’une entrave à l’activité syndicale, dénonce Florent Grimaldi, élu CGT. Le centre technique a beau être décrit comme le fer de lance de la recherche et développement de Renault-Ampère pour la motorisation et les batteries électriques, ses effectifs ont été divisés par deux en cinq ans. Et ce n’est peut-être pas fini, puisque la future Twingo électrique va être développée en Chine. »

À l’heure où l’Union européenne tente de limiter les importations de véhicules électriques en provenance de Chine, à la demande des constructeurs du Vieux Continent, les grandes marques automobiles françaises multiplient les alliances avec leurs homologues asiatiques.

Une co-entreprise partagée à 50%

Mi-mai, Stellantis a lancé une coentreprise avec la start-up Leapmotor en vue d’implanter 200 points de vente en Europe, qui commercialiseront deux véhicules made in China, dont une petite citadine à moins de 20 000 euros, concurrente directe de la Citroën ë-C3. Pour le PDG Carlos Tavares, cet accord « permet d’apprendre plus vite, tout en faisant du profit ».

Il y a huit jours, Renault a repris l’initiative en annonçant le lancement officiel de Horse. Cette société, regroupant ses activités liées aux motorisations thermiques (essence, diesel) et hybrides, est devenue une coentreprise dont le siège social se trouve à Londres, partagée à 50 % avec Geely.

Le rapprochement avec ce géant chinois de l’électrique suit le plan de réorganisation du groupe français, lancé en 2020, par le tandem Senart-Di Meo. En parallèle à une coupe claire dans les effectifs (10 000 emplois supprimés depuis 2020, soit 20 % des effectifs), ce plan organise l’externalisation d’activités, avec la création d’Ampère pour les activités électriques. Et, donc, Horse, dont les activités présentes en France sont en voie de délocalisation vers l’Espagne et la Roumanie.

La stratégie est avant tout financière. Car si Renault n’est pas parvenu, début 2024, à introduire Ampère à la Bourse parisienne, ratant ainsi un joli pactole, « la déconsolidation de Horse impacte positivement la marge opérationnelle de 1,6 milliard d’euros », note la CGT, contribuant aux résultats « record » de la marque au losange en 2023 (2,2 milliards d’euros de profits, dont plus de 500 millions d’euros répartis en dividendes aux actionnaires).

De nouvelles délocalisations attendues

Mais les conséquences sont bel et bien industrielles. « Les constructeurs européens trompent leur monde en pointant la concurrence chinoise. Ils profitent de la transition électrique pour repartir d’une feuille blanche. Leur modèle, c’est : des travailleurs chinois ou aux niveaux de salaire de là-bas, des subventions européennes, des clients allemands à fort pouvoir d’achat », résume Florent Grimaldi, de la CGT Lardy.

Dans le cas de Renault, Geely paraît un partenaire central. En mettant la main sur 50 % de Horse, le groupe, fondé en 1997 à Hangzhou, ne se contente pas de changer de dimension grâce à cette nouvelle société forte de 19 000 salariés, sur 17 sites de production et 5 centres de recherche à travers le monde, le tout pesant 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel prévisionnel. Il met aussi la main sur 120 ans de savoir-faire et de brevets de l’ex-Régie dans le thermique, puis l’hybride, mais aussi l’hydrogène.

Dans l’électrique aussi, activité grâce à laquelle Renault est censé assurer son avenir, Geely est central. Le développement de la nouvelle Twingo Legend a été confié à « un partenaire d’ingénierie chinois », selon un porte-parole de la division Ampère cité par Reuters, capable de réaliser le travail en deux ans et pour moins cher.

Geely est subodoré, le géant de l’électrique étant déjà coactionnaire de la filiale Renault Korea Motors. Seuls « le style et l’ingénierie avancée sont réalisés en France », dixit cette même source, la production de la petite citadine devant aller en Slovénie, lieu de fabrication de l’ancien modèle. La Legend servirait-elle de ballon d’essai, avant de nouvelles délocalisations ? Renault Lardy, qui a fini le développement de la Renault 5, le craint.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/automobile/automobile-face-a-la-chine-renault-mise-sur-la-chine

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