
Ces 10 et 11 septembre, se sont tenues, à Paris, les Assises nationales des maisons de retraite médicalisées. Au menu, loi « Bien vieillir », loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge et tensions entre le public et le privé.
Par Pauline ACHARD.
Les Assises nationales des Ehpad se sont achevées ce mercredi 11 septembre, après deux denses journées de séances plénières, ateliers et master class à la Maison de la mutualité, à Paris. Le mot d’ordre est clair. Les intervenants de tous bords ont exhorté le nouveau premier ministre, Michel Barnier, à faire du grand âge une « priorité ».
Dans un contexte où 64,5 % des Ehpad publics et 54,3 % des privés étaient en déficit en 2022, pris en étau entre la défiance du public et la flambée des charges, le secteur a de quoi se faire des cheveux blancs. Entre les effets de l’épidémie de Covid, l’inflation et les révélations du livre les Fossoyeurs (Fayard), de Victor Castanet, sur la maltraitance au sein du groupe Orpea, ayant terni l’image de ces structures, le secteur doit gérer à bout de bras une population vieillissante. En effet, selon les dernières projections de l’Insee, 15 % de la population auront plus de 75 ans en 2040.
Rentrée des lobbyistes
Cet événement, organisé par la société de conseil Planète grise, est aussi l’occasion, pour son directeur général, le lobbyiste de la Silver économie (activités et enjeux économiques liés aux personnes de plus de 60 ans – NDLR), Luc Broussy, de faire sa rentrée politique.
À quelques jours de la formation d’un nouveau gouvernement, l’ancien représentant des maisons de retraite à but lucratif a ainsi déroulé le tapis rouge à des invités de marque. À commencer, dès mardi matin, par le maire du Havre, président d’Horizons, déclaré candidat à l’Élysée, Édouard Philippe, suivi l’après-midi du président du Cese, Thierry Beaudet, de Benoît Hamon, puis, le mercredi, de Cédric O, ou encore de la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.
En toile de fond des différentes thématiques abordées pendant cette édition 2024, la mise en œuvre de la réforme relative au bien-vieillir et à l’autonomie, adoptée le 8 avril. Certains intervenants, à l’instar du président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, Dominique Libault, se sont félicités de mesures présentes dans le texte, pourtant jugé très insuffisant par les oppositions.
Parmi elles, « le décloisonnement des structures » ou l’expérimentation dans 18 départements préfigurateurs d’une nouvelle instance de coordination, le Service public départemental de l’autonomie (SPDA), qui doit être généralisée dans tout le pays dès 2025.
« Une vision à long terme et des moyens »
De son côté, Sophie Binet, s’est dite, lors de sa prise de parole de ce mercredi, « sidérée par l’incapacité du gouvernement à faire des choix politiques courageux ». Face à l’organisateur des Assises, Luc Broussy, la syndicaliste, a par ailleurs souligné que les « affrontements sociaux les plus violents avaient lieu dans les structures privées ». Le lobbyiste a rétorqué, embarrassé, que la situation était identique au sein de la fonction publique, avant d’évoquer la présence de nombreux directeurs d’Ehpad privés dans la salle.
La secrétaire générale de la CGT a martelé que le scandale Orpea avait révélé les mauvaises pratiques du privé à but lucratif, ayant entraîné le public avec lui dans sa chute. « Leur vocation réside, selon elle, dans le fait de dégager des bénéfices pour se verser des dividendes (dont les niveaux ont atteint des records en 2023 – NDLR), en optimisant notamment la masse salariale. »
De même que le maire PS d’Alforville, Luc Carvounas, et d’autres invités, Sophie Binet appelle le futur exécutif à remettre sur la table le projet de loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge qu’avait promis Emmanuel Macron au début de son premier quinquennat, avant d’être bloqué par le gouvernement Castex en 2021, faute de financements.
« Nous avons plus que besoin d’une vision à long terme et de moyens », a abondé, mardi, Xavier Compain, l’édile de Plouha (Côtes-d’Armor), qui a saisi en mai, avec 14 autres maires, la justice administrative pour dénoncer le « non-respect par l’État des droits fondamentaux de la personne dans les Ehpad publics dont ils ont la responsabilité ».
À l’occasion de la table ronde « Quand les maires montent au front », le communiste, accompagné de son homologue de Plourin-lès-Morlaix, Guy Pennec, a appelé l’ensemble des mairies concernées à se joindre au mouvement qui revendique « 10 à 12 milliards d’euros par an » pour « remettre à flot les Ehpad » au niveau national.
De son côté, Édouard Philippe a préféré mettre en garde contre un potentiel effet mirage d’une loi grand âge : « Je sais combien il y a une appétence et un besoin d’un dispositif législatif et d’avancer, (…) mais se dire qu’avec le vote d’une loi grand âge tout ira mieux, c’est tomber dans un travers ».
À l’étage, dans le « petit théâtre Maubert », les petits-fours et exposants tout sourires de lits high-tech, et autres robots émotionnels en forme de phoques, n’ont pas éclipsé les tensions montantes qui émergent au sein du secteur, lequel traverse une crise sans précédent, sans réponse concluante des pouvoirs publics et alors que les contours du projet de loi de financement de la Sécurité social sont toujours inconnus.
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