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Le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire, rendu public ce mercredi 2 juillet, pointe un « défaut d’action » du premier ministre François Bayrou contre les violences subies par les élèves de Bétharram, l’établissement catholique du Béarn.
Par Clémentine EVENO.
Parmi les 300 pages du rapport parlementaire sur la « prévention des violences dans les établissements scolaires » et leur « contrôle par l’État », rendu public ce mercredi 2 juillet, un passage en particulier met en cause un « défaut d’action » de François Bayrou sur les violences physiques et sexuelles subies par les élèves du collège-lycée Bétharram. Si la commission d’enquête relève que le premier ministre n’a pas suffisamment agi contre ces violences, elle ne devrait toutefois pas saisir la justice.
« Les rapporteurs constatent qu’à défaut d’action que l’ancien ministre de l’éducation nationale et président du conseil général alors informé avait les moyens d’engager, ces violences physiques et sexuelles sur les élèves de Bétharram ont perduré pendant des années », est-il inscrit dans le rapport. Les rapporteurs Paul Vannier (La France insoumise) et Violette Spillebout (Renaissance) ajoutent que la perpétuation de ces violences est attestée par « les nombreuses plaintes déposées par d’anciens élèves pour des faits postérieurs aux années 1990 ».
Rappelons que le premier ministre était un homme politique influent dans sa région du Béarn, avec la présidence du département des Pyrénées-Atlantiques, en charge de la protection de l’enfance, de 1992 à 2001. De 1993 à 1997, il occupait également les fonctions de ministre de l’Éducation.
Le premier ministre accusé d’avoir menti afin de « dissimuler (son) inaction »
Mais lorsque François Bayrou avait été interrogé pendant plus de cinq heures le 14 mai par la commission d’enquête, ce dernier avait rejeté avec virulence les accusations de mensonge ou d’intervention dans les années 1990 auprès de la justice dans cette affaire. Par la suite, il avait publié sur un site internet dédié l’ensemble des pièces produites lors de son audition qui prouvaient à ses yeux « l’inanité » des accusations qui le visaient.
Dans le rapport, l’élu insoumis Paul Vannier estime que le premier ministre a « révélé avoir préalablement menti à la représentation nationale en niant toute information au sujet de ces violences ». Un mensonge qui « pouvait viser à dissimuler (son) inaction » alors qu’il était « informé de faits de violences physiques dès 1996 », date de la première plainte pour violence physique, « et de faits de violences sexuelles dès 1998 », quand un ancien directeur de l’établissement, le père Silviet-Carricart, est mis en examen pour viol.
Toujours selon le député insoumis, François Bayrou avait « connaissance » de ces violences puisqu’il avait commandé en 1996 un rapport de l’inspection de l’Éducation nationale « qui documente, par exemple, le châtiment du perron » et qu’il avait rendu visite au juge d’instruction Christian Mirande en 1998 « expressément pour l’interroger » sur la mise en examen du père Carricart. C’est à ce titre que Paul Vannier avait demandé à la présidente socialiste de la commission Fatiha Keloua-Hachi, jeudi 26 juin, que trois personnes, dont François Bayrou, soient poursuivies devant la justice pour « faux témoignages ». Cette dernière avait par la suite refusé d’accéder à cette demande.
L’élue pointe toutefois, dans son avant-propos, l’audition de Françoise Gullung, lanceuse d’alerte de Bétharram. Fatiha Keloua Hachi juge « triste » que « l’acharnement », vécu par l’ancienne enseignante de mathématiques quand elle a dénoncé ces violences, soit « encore légitimé par certains, et parmi eux François Bayrou lors de son audition ». Et d’ajouter que l’ancienne professeure d’histoire resterait « longtemps » dans les esprits « tant elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour arrêter les horreurs commises, bien seule à l’époque à avoir pris ses responsabilités ».
Politiquement, ce rapport est un nouveau coup de semonce pour le chef du gouvernement. D’autant que le rapport s’intéresse à un autre cas qui le concerne, celui du collège Saint-Jean de Pélussin (Loire), également objet d’une enquête de Mediapart parue ce mercredi.
En 1995, deux enseignantes de ce collège ont saisi le procureur de la République après avoir recueilli la parole d’élèves victimes d’agressions sexuelles de la part du directeur de l’établissement, le prêtre Jean Vernet, qui sera condamné des années plus tard. En 1996, le rectorat est à nouveau alerté de faits de violences physiques dans cet établissement catholique, par d’autres membres, maintenus à leurs postes malgré les alertes. Les deux lanceuses d’alerte envoient alors un courrier au ministre de l’Education, François Bayrou, « pour signaler des faits d’humiliations, de châtiments corporels abusifs et de violences physiques mettant en cause trois surveillants et deux enseignants ». En absence de réponse, une deuxième lettre est envoyée en janvier 1997 à l’Elysée, qui demande des comptes au ministère. Celui-ci, via le chef de cabinet Nicolas Pernot (aujourd’hui directeur de cabinet à…Matignon) répond que « Lorsqu’une procédure judiciaire est en cours […], l’action disciplinaire ne peut intervenir qu’après le jugement pénal ». Or, même après que l’affaire ait été classée sans suite à l’été 1997, aucune inspection n’est ordonnée. Comme pour Bétharram, François Bayrou a été alerté, mais n’a rien fait.
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