
Bigard, moins on en parle, mieux l’entreprise se porte. Même ses salariés sont réticents à évoquer leur quotidien. Fait-il bon travailler à Quimperlé (29) ? Il faut aller chercher du côté de la CGT pour obtenir une réponse.
Par Gwen RASTOLL.
Brisons là le suspense : non, les salariés de Bigard ne nous diront pas que leur entreprise est inhumaine, qu’elle paie mal et au lance-pierre. Côté salaires, « les emplois dans l’agroalimentaire sont un peu mieux payés que l’ensemble des emplois qu’on peut trouver dans le pays de Quimperlé », explique Yves Bernicot, vice-président de Quimperlé communauté. Un constat qui englobe toutefois les autres poids lourds locaux de l’agroalimentaire, comme Peny, à Saint-Thurien.
Pour les salaires, ils sont peut-être légèrement plus élevés que la moyenne dans l’agroalimentaire mais, à l’échelon 1, ce n’est que huit centimes de plus que le Smic.
« Bigard n’est peut-être pas une mauvaise boîte mais c’est parce que les syndicats, et en particulier un syndicat, ont accompagné le développement social de l’entreprise, nuance Xavier Morvant, délégué syndical central CGT. Le treizième mois, les primes de vacances ou l’arrêt de la fameuse pause pipi… Tout cela, on l’a obtenu par des luttes et des grèves. Pour les salaires, ils sont peut-être légèrement plus élevés que la moyenne dans l’agroalimentaire mais, à l’échelon 1, ce n’est que huit centimes de plus que le Smic. Et il y a un usage important des »tâcherons », des gens qui sont payés à la pièce et ne sont pas salariés… On voit passer des Roumains. Mais comme il n’y a pas de communication et qu’on ne mélange pas les équipes, difficile de savoir combien ils sont. » Bigard serait confronté à des difficultés de recrutement.
Cette culture du secret, qui transpire à tous les étages, muselle les revendications. Parler des troubles musculosquelettiques qui cassent les corps avant la retraite semble presque déplacé. « J’ai une tendinite qui me bloque l’avant-bras, à force de répéter le même geste, et mon dos est foutu. Mais je ne me plains pas, Bigard m’a payé ma maison et les études des enfants », témoigne, évidemment anonymement, un ancien salarié.
« De nouveaux responsables qui mettent la pression »
Ce que constate la CGT, c’est un durcissement du fantôme de dialogue social. « Le groupe est confronté à une baisse de la consommation et les abattoirs se battent pour récupérer les bêtes, qui sont de moins en moins nombreuses. Il y a une pression qui s’est installée sur les sites, avec de nouveaux chefs « formés » pour chasser les fortes têtes. Les cas de salariés sanctionnés ou convoqués se multiplient », assure Xavier Morvant.
Le député insoumis François Ruffin s’est rendu à Quimperlé en 2022. Il avait été marqué par les échanges avec les salariés de Bigard : « Un gars au nettoyage m’avait expliqué : « Maintenant, les salariés ne vont plus en pause. On n’a que dix minutes. Comme le lieu de repos est loin, le temps d’enlever notre équipement, la charlotte et tout ça, s’habiller, se déshabiller, désormais, ça doit se faire en dehors du temps de travail… Donc, ça ne vaut plus le coup, pour une mini-pause. Toute minute doit être exploitée. Bigard père nous a dit qu’au fond, notre temps productif était de 5 h 30 » ».
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