
Par Nadim FEVRIER.
La France insoumise (LFI) va présenter 10 propositions de lois à l’Assemblée nationale le 28 novembre 2024. C’est le jour de sa « niche parlementaire », le seul jour de l’année où un groupe d’opposition parlementaire peut défendre ses textes de loi et choisir l’ordre du jour de l’hémicycle de l’Assemblée. Lors d’une conférence de presse ce jeudi 10 octobre, les députés rapporteurs de ces différentes propositions de loi se sont succédé pour présenter leurs textes respectifs. Des propositions de lois largement majoritaires dans le pays.
Cette niche parlementaire « permettra, pour la première fois, à l’Assemblée nationale, de débattre et de voter les propositions issues du programme du Nouveau Front Populaire, qui, je le rappelle, a été placé en tête des élections législatives le 7 juillet dernier », a souligné Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire insoumis. La première proposition de loi présentée dans l’hémicycle sera celle pour abroger la retraite à 64 ans, imposée par 49.3 aux Français. Notre article.
Abroger la réforme des retraites : le combat pugnace de LFI
Le fait que cette proposition de loi soit placée en tête dans l’ordre de la niche parlementaire témoigne de l’importance donnée à LFI à cette question. Pour rappel, la même proposition de loi avait été déposée par les insoumis lors de leur niche parlementaire en 2023. Yaël Braun-Pivet et le reste du camp présidentiel avait alors manœuvré pour censurer a priori cette proposition de loi. Le Bureau de l’Assemblée nationale, tordant allègrement les règles de la chambre basse du Parlement, ont évité à Emmanuel Macron un débat sur cette réforme inique et le risque majeur pour lui que cette abrogation soit effective.
Marque de leur pugnacité, les insoumis récidivent cette année, déterminés à faire abroger une loi rejetée par 93 % des actifs, qui a donné lieu au plus grand mouvement social depuis Mai 68. Anais Belouassa Cherifi, députée LFI de Lyon, sera la rapportrice de texte. « Nous continuons de mobiliser tous les outils à notre disposition pour mettre en application le programme arrivé en tête des élections législatives, celui du Nouveau Front Populaire », a souligné la députée insoumise.
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Instaurer un référendum révocatoire : comme un parfum de VIᵉ République
« Les voies de recours contre le coup de force d’Emmanuel Macron sont insuffisantes. Le peuple souverain, lorsqu’il donne un mandat, doit pouvoir le retirer. », insiste Bastien Lachaud, député LFI et rapport de cette proposition de loi. Ce nouveau droit deviendrait ainsi l’expression de la souveraineté populaire en toutes circonstances. L’objectif : que la volonté du peuple ne se réduise pas à un simple bulletin glissé dans l’urne à chaque échéance électorale ou à la participation à de rares référendums dont l’initiative de la proposition est entre les mains des représentants, de même que le résultat sur lequel certains dirigeants peuvent s’asseoir, comme lors du référendum de 2005.
Face à ce constat, instaurer un droit à la révocation des élus permettrait de favoriser l’implication citoyenne des élus et des électeurs, tout en modifiant la nature des campagnes électorales en accordant une importance toute particulière à la délibération collective autour des programmes électoraux. Vertueux à tous les niveaux, ce droit nouveau s’appliquerait en attendant que le peuple souverain redéfinisse les règles du jeu politique en écrivant une VIème République après la convocation d’une Assemblée constituante.
Une résolution contre le Mercosur et les accords de libre-échange : LFI se pose en défenseuse des agriculteurs et en pointe sur les questions écologiques
La crise agricole du début de l’année 2024 a placé les projecteurs sur eux : les traités de libre-échange. Des traités votés par l’ensemble des groupes politiques, à l’exception notable des insoumis au Parlement européen. « Ils bénéficient à une ultra-minorité et sont mortifères sur le plan social et écologique », souligne Arnaud Le Gall, député LFI et rapporteur de la proposition de loi en question. Concernant le Mercosur, « la commission européenne veut accélérer, l’Allemagne est à fond pour cet accord et veut absolument aboutir le plus vite possible. Nous n’avons pas du tout confiance dans les capacités de la France à résister à la manoeure qui se prépare ! »
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Sortir du libre-échangisme pour entrer dans le protectionnisme écologique, voilà la solution proposée par les insoumis au long terme. L’objectif : protéger les agriculteurs de notre pays et relocaliser une large partie de la production agricole, pour ne plus dépendre de matières premières produites dans des conditions sociales et écologiques délétères. À l’heure de l’accélération du dérèglement climatique et du fait la fragilité grandissante de nos matières premières, la France doit pouvoir se nourrir à la hauteur de ses besoins.
De la reconnaissance de la pénibilité des métiers « féminisés »
Les métiers « féminisés » sont occupés à plus de 75 % par des femmes et 60 % des femmes occupent ces métiers. En France, 87 % des infirmiers sont des infirmières, 91 % des aide-soignants sont des aides-soignantes, 97 % des aides à domicile et des aides ménagères sont aussi des femmes, comme 73 % des agents d’entretiens, de même 76 % des caissiers et des vendeurs, ainsi que 92 % des AESH. « Le constat est simple : le Code du Travail a toujours été fondé sur des critères genrés, qui pénalisent les femmes », souligne Gabrielle Cathala, députée LFI et rapportrice de cette proposition de loi.
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Les objectifs affichés par LFI pour ce texte de loi sont les suivants : rétablir les critères de pénibilités supprimés par Macron en 2017 et en créer de nouveaux qui visent à reconnaître la pénibilité ou les risques professionnels dits émotionnels pour les femmes. Celles-ci trvaillent en grande majorité auprès de personnes âgées, handicapés, de mineurs en difficultés, de personnes victimes de violences psychologiques ou sexistes et sexuelle. Par ailleurs, certains critères déjà en place pénalisent les femmes, mais protègent les hommes, notamment sur la question du port de charges lourdes. Un autre aspect de la pénibilité au travail que les insoumis aimeraient changer.
Régulariser les praticiens et pharmaciens hors UE : une solution pour lutter contre les déserts médicaux et le trop faible nombre de soignants
Un tiers de la population français vit dans un désert médical. Malgré de nombreuses alertes depuis des années, notamment par les insoumis, le difficile accès au soin et le manque de personnel soignant ne semble pas intéresser le camp présidentiel. Difficile d’en attendre quoi que ce soit, alors qu’il a supprimé 21 000 d’hôpitaux en 5 ans. En introduction de son propos, le député LFI Damien Maudet raconte une scène, devenue monnaie courante dans le pays, aux urgences de Limoges, dans sa circonscription.
« Encore en début de semaine, à Limoges, il y avait 80 patients dans les services d’urgence alors qu’il existe là-bas un peu moins de 20 boxs. Autant de vous dire qu’il y avait des patients qui étaient hospitalisés dans les couloirs des urgences. […] Il n’y a pas assez de médecins, de soignants pour ouvrir des lits ! », raconte-t-il.
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En France, il existe 5 000 praticiens et pharmaciens à diplômes hors Union européenne (PADUE). Ils représentent 12 % des effectifs de médecins. Leurs contrats sont précaires. Ils sont payés un peu au-dessus au niveau du SMIC, alors que certains hôpitaux ne tiennent uniquement grâce à leur présence. Ils ne sont pas formellement reconnus comme médecins.
Cette situation fait qu’ils ne peuvent pas aider à résorber le nombre de déserts médicaux dans notre pays. Du fait d’un numerus clausus purement comptable à un concours dédié, la France se prive de nombreux médecins. La proposition de loi insoumise vise à supprimer le numerus clausus de leur concours et à ce que les Agences Régionales de Santé leur attribuent des autorisations temporaires d’exercer leur métier.
Garantir la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat
Sans surprise, cette proposition est portée par le député LFI Paul Vannier, spécialiste des questions d’éducation à la FI. Pourfendeur des dérives du collège privé réactionnaire Stanislas, il vise, par ce texte de loi, à « introduire un malus qui diminuerait le financement public des établissements privés sous contrat qui contribuent le plus à la ségrégation socio-scolaire ».
À titre d’exemple, ces établissements ont trois fois moins de boursiers que les établissements publics. Pourtant, les établissements privés sous contrat sont financés sur fonds publics à plus de 75%. Soit le plus haut niveau au sein des pays de l’OCDE, sans aucune contrepartie. Cela représente 12 à 15 milliards d’euros par an. Par ailleurs, la mesure défendue par le député insoumis était présente au sein de programme du Nouveau Front Populaire.
Un moratoire contre les projets routiers et autoroutiers : l’A69 en ligne de mire
Il est urgent que la France sorte de ce modèle tout routier passéiste et dangereux et qu’elle entre définitivement dans l’ère de la bifurcation écologique nécessaire », insiste la députée LFI Anne Stambach-Terrenoir. Celle-ci est députée LFI et rapportrice de la proposition de loi sur un moratoire concernant les projets et autoroutiers. Une mesure également présente dans le programme du NFP. Si tous les projets en cours étaient abandonnés, l’État pourrait récupérer 18 milliards d’euros. Face à l’urgence climatique, leur anachronisme est criant, car ils encouragent toujours le modèle du tout-voiture et du tout-camion.
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À ce titre, le projet A69 Toulouse-Castres est le plus connu. En résumé : cette autoroute va longer une route nationale faisant le même trajet, permettant de gagner seulement quelques minutes de transport, mais en perdant 400 hectares de terres et en menaçant toute la biodiversité aux allentours. « Ces projets ne sont plus d’intérêt général majeur, les alternatives ne sont pas assez étudiées […] Il est urget de décréter un moratoire ! », insiste la députée insoumise.
Bloquer les prix de l’énergie : une proposition insoumise-phare pour protéger les Français face à l’inflation
1 Français sur 2 n’arrive pas à payer ses factures d’énergie. « J’ai rencontré une mère isolée avec un bébé qui se retrouve avec 4000 euros d’impayés de factures, des gens qui n’allument la lumière chez eux que quand ils mangent, parce qu’ils ont peur de l’explosion des factures. », témoigne la députée insoumise Alma Dufour, rapportrice de la proposition de loi. « En 3 ans, le tarif réglementé a augmenté de 45,3% et le gaz a doublé. Dans les Outre-mer, c’est la catastrophe », alerte-elle également.
Bloquer les prix est possible, contrairement à tous ceux que les néolibéraux crient sur les plateaux. C’est d’ailleurs inscrit dans le code du commerce. Ces derniers ont eux la preuve que les solutions autres que celles-ci ne fonctionnaient pas. En effet, le bouclier tarifaire porté par le camp présidentiel n’a pas fait baisser les factures d’électricité des Français. Ce dispositif a pourtant coûté 70 milliards d’euros.
La Cour des Comptes a publié l’année dernière un rapport accablant sur ce fameux bouclier. Ces 70 milliards « ont été englouti par les multinationales de l’énergie. Les trois plus grands fournisseurs d’électricité ont fait 100% de marges l’année dernière gràce à l’impot des Français ! », s’est exclamée Alma Dufour. « Nous proposons un blocage des prix d’urgence et de revenir au tarif réglementé de vente de l’électricité pour toutes et tous », conclut la députée LFI.
Automatisation de l’insription sur les listes électorales : LFI veut garantir à chacun la possibilité de voter
De trop nombreux Français n’ont pas pu voter aux dernières élections législatives, pourtant cruciales pour le pays, parce qu’ils n’étaient pas ou mal-inscrits sur les listes électorales. La France compte. 10 millions de Français en âge de voter sont non ou mal-inscrits selon l’INSEE. Ce chiffre pourrait être bien plus important. « Ce texte vise à faire du droit de vote un droit complet, qu’on devrait pouvoir exercer de manière automatique, sans obstacle », souligne Claire Lejeune, députée LFI et rapportrice de cette proposition de loi.
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Seule LFI avait pris à bras le corps ce sujet. Souvenez-vous, lors de la campagne des élections européennes, le mouvement insoumis avait lancé une vaste campagne intitulée « Les riches/racistes/golfeurs, et vous ? ». LFI avait créé un site internet permettant de vérifier en un clic sa situation et donner des informations sur les démarques à effectuer si elle devait être modifiée. Cettte proposition de loi s’inscrit dans l’engagement plus large des insoumis à ramener tous les citoyennes et les citoyens aux urnes.
Limiter les écarts de salaires de 1 à 20 en entreprise : LFI veut faire cesser les inégalités mirobolantes de rémunérations
« Si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi ». Ce 16 avril 2024, le PDG de Stellantis Carlos Tavares se fendait de cette formule provocante pour justifier son salaire de PDG – près de 100 000 euros par jour. La formule et le niveau indécent de sa rémunération ont déclenché une vive polémique. « Chiche ! », lui a répondu le député LFI Matthias Tavel en annonçant le dépôt d’une proposition de loi pour fixer un salaire maximum dans les entreprises. L’objectif ? Limiter de 1 à 20 les écarts entre la plus grande rémunération et le plus petit salaire au sein des entreprises.
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N’ayant pu être étudiée à l’Assemblée nationale suite àa la dissolution, Mattthias Tavel rédépose à nouveau sa proposition de loi. « C’est donc une loi de protection de l’intérêt général et de moralisation économique. Des salaires de 36,5 millions d’euros ne sont pas acceptables. Un être humain ne peut pas gagner 1 700 fois plus qu’un autre. Ce ne sont pas des écarts moralement dans une société civiliée. C’est aussi une loi de justice sociale pour les salariés de ses entreprises ! »
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Source: https://linsoumission.fr/2024/10/11/lfi-niche-parlementaire-2024/