Lénine aimait citer Tchernychevski pour qui « la lutte révolutionnaire ce n’est pas une promenade sur la perspective Nevski ».
La Bolivie illustre la complexité des processus révolutionnaires, les contradictions qui traversent les forces émancipatrices elles-mêmes, bien au-delà de la « lutte entre les deux lignes, » chère à Mao Tsé Toung.
On se souvient qu’un coup d ‘état de l’oligarchie avait renversé le président Evo Morales qui dut se réfugier. La résistance du peuple fut telle que finalement les putschistes durent quitter le pouvoir, certains sont en prison du fait de leur menées anti-démocratiques et la répression meurtrière contre les Boliviens. De nouvelles élections eurent lieu et le candidat du MAS (Mouvement pour le socialisme) Luis Arce l’emporta. Morales put rentrer au pays où il conserve un soutien massif.
Une nouvelle tentative de putsch eut lieu cet été, le 26 juin. Avec beaucoup de courage le président Arce réussit à juguler ce coup d’état militaire dirigé par le chef de l’armée. Une vingtaine de gradés ont été emprisonnés. Une grande marche pour la défense de la démocratie a eu lieu le 12 juillet à La Paz organisée par les syndicats, les organisations paysannes et autochtones ou de simples citoyens.
Mais à la suite de cette tentative des rumeurs ont parcouru le pays prétendant que ce putsch était une mise en scène de Luis Arce pour renforcer sa position. Même Evo Morales a laissé entendre qu’il adhérait à cette théorie du complot. Morales a même exclu Luis Arce du MAS et veut briguer la présidence de la Bolivie en 2025. Cela provoque une très grande polarisation politique, entre le camp de Arce et le camp de l’ancien président Morales, dans un contexte préélectoral et une situation sociale et économique très difficile.
Reste aussi en suspend la question institutionnelle car les constitutionnalistes sont divisés sur la possibilité ou non qu’a Morales de se présenter aux élections pour une 3e fois.
Par ailleurs comme l’a dit le président brésilien Lula pour expliquer la tentative de coup d’état « Les gens doivent garder à l’esprit qu’il existe des intérêts à mener un coup d’État, le pays suscite beaucoup d’intérêt à l’international pour ses réserves de lithium et de gaz ». Le regard se tourne vers le Nord…
Mais ce sont les divisions au sein de la gauche bolivienne qui sont très inquiétantes.
Le 10 septembre La Paz a vu s’affronter les deux courants du MAS. On a assisté en une lutte ouverte entre les partisans de l’actuel président Luis Arce et ceux d’Evo Morales dans la perspective de leur affrontement aux présidentielles de 2025.
La journée a commencé par une manifestation massive organisée par la Centrale ouvrière bolivienne (COB), la plus grande confédération syndicale du pays, en soutien au président Luis Arce. Les manifestants se sont dirigés vers le bâtiment du Congrès (Assemblée nationale). Mais les sympathisants de Morales ont eux aussi convergé vers le Congrès. On a assisté alors à un affrontement fratricide entre les deux courants du MAS.
Les manifestants favorables à Arce veulent que les députés partisans de Morales cessent de bloquer les mesures proposées par le président, quand ceux favorables à Morales estiment ces mesures comme trahissant les idéaux du MAS.,
Cette division du MAS affaiblit la gauche bolivienne et risque de jouer en faveur de la droite toujours prête à prendre sa revanche contre le processus progressiste en oeuvre depuis 2006. Un compromis entre les deux tendances du MAS, de la gauche bolivienne, est une nécessité face à une droite très réactionnaire et putschiste.
Inquiétant, même Cuba n’est pas parvenu a réconcilier les frères ennemis.
Antoine Manessis
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