Budget 2025 : au Sénat, François Bayrou dégaine amendements sur amendements sans prévenir (H.fr-22/01/25)

Après le vote de ce jeudi, le texte sera transmis le 30 janvier à une commission mixte paritaire composée de députés et sénateurs, où le pouvoir exécutif, seul à pouvoir déposer les amendements, gardera la main
© Firas Abdullah/ABACAPRESS.COM

Le gouvernement précipite les mesures austéritaires concernant le projet de loi de finances pour 2025, en multipliant les amendements de dernière minute. Sénateurs PS, PCF et écologistes entendent voter, ce jeudi, contre le texte.

Par Gaël De SANTIS.

La Chambre haute vote ce jeudi un budget au plus bas. La ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, vise « une réduction du budget de l’État de 2 % en volume par rapport à celui de 2024 ». Du jamais-vu. Le projet de loi de finances que vont approuver les sénateurs est plus austéritaire encore que celui présenté par Michel Barnier avant sa chute. Pour mener à bien son tour de vis, le gouvernement de François Bayrou y va à la hussarde. Le train des amendements file à une vitesse jusque-là inconnue au Sénat.

« L’exécutif dépose sans prévenir des amendements jusqu’au dernier moment », s’alarme le sénateur PCF Pascal Savoldelli. Le budget est soumis à un « turbo-rabot », observe également l’élu LR Olivier Paccaud, tant des milliards de budget partent en fumée à la vitesse de l’éclair. L’amendement supprimant 500 millions d’euros de la mission France 2030 (qui vise à réindustrialiser le pays) « est arrivé à 23 heures 36 pour un examen qui commençait à 10 heures du matin le lendemain. Si bien que nous n’avons pas pu évaluer l’impact, contacter les opérateurs », déplore l’écologiste Thomas Dossus.

« On ne touche qu’aux dépenses »

Car plutôt que de présenter un nouveau budget, François Bayrou a opté pour une transformation en vitesse de celui de Michel Barnier. Problème : il est dans ce cadre impossible de débattre de nouvelles recettes de l’État. Pour atteindre les 5,4 % de déficit vis-à-vis du PIB, l’exécutif ne fait donc que proposer des baisses de dépenses publiques. Comme une litanie, et sans discussion politique de fond, les amendements sont justifiés les uns après les autres avec ce seul argument : il faut respecter « le cadre des mesures visant à atteindre 5 % de PIB ». Et tant pis pour ceux qui en feront les frais.

L’aide publique au développement perd par exemple 700 millions d’euros. « Elle est pourtant nécessaire à la transition écologique, comme la mission écologie et développement durable et la mission enseignement supérieur et recherche » qui perdent respectivement 1,3 milliard d’euros et 600 millions d’euros, s’indigne Thomas Dossus.

L’enseignement scolaire va voir disparaître 1,3 milliard d’euros. Faute d’envisager de nouvelles recettes, ce projet de loi de finances (PLF) s’inscrit « dans la poursuite de la politique de l’offre menée depuis 2017, faite de désarmement fiscal, qui a conduit à 60 milliards d’euros de recettes en moins par an pour favoriser les hauts revenus et patrimoines. C’est un budget qui prépare à l’avenir une certaine catégorie de la France, mais certainement pas la France en entier », dénonce le sénateur socialiste Thierry Cozic.

« Aucun droit nouveau »

« Le gouvernement ne fait qu’avancer avec des coups de rabot successifs dans chaque mission », reprend Thomas Dossus. Cette diminution des dépenses « va ralentir beaucoup de projets d’avenir déjà engagés », prévient-il. « Ce n’est pas étonnant de la part d’un premier ministre, François Bayrou qui, en tant que haut-commissaire au Plan depuis 2020, a été incapable de faire un plan de relance pour notre souveraineté industrielle afin de répondre à nos besoins », tacle Pascal Savoldelli, pour qui la discussion parlementaire est tout simplement empêchée : « On continue de débattre d’un budget sur lequel l’Assemblée nationale n’a pas pu finir son travail. Cela pose un problème démocratique. »

Le résultat est un budget libéral, contre lequel votera toute la gauche sénatoriale. « On n’y voit aucun droit nouveau », relève le communiste, avant de poursuivre sa charge : « Il y a de la part du gouvernement une forme de suspicion envers tout ce qui relève de l’action publique, celle de l’État au travers de ses agences, et celle des collectivités territoriales », qui vont perdre plusieurs milliards d’euros. À l’heure où nous écrivions ces lignes, les amendements du gouvernement et de la droite sénatoriale, véritable béquille des macronistes depuis 2022, avaient déjà conduit à un coup de rabot dans le PLF de 4,6 milliards d’euros depuis la copie de Barnier.

Après le vote de ce jeudi, le texte sera transmis le 30 janvier à une commission mixte paritaire composée de députés et sénateurs, où le pouvoir exécutif, seul à pouvoir déposer les amendements, gardera la main. Mais il y aura ensuite un vote final sur le budget, ou sur une motion de censure déposée suite à un 49.3 engageant la responsabilité du gouvernement sur le texte.

Dans les deux cas, François Bayrou devra compter sur un soutien, ou une abstention, issu de forces qui ont fait tomber Michel Barnier. Reste à savoir s’il parviendra à convaincre du côté de la gauche, ce qui semble mal embarqué, ou du côté du Rassemblement national, et avec quels gestes.

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Source:https://www.humanite.fr/politique/budget/budget-2025-au-senat-francois-bayrou-degaine-amendements-sur-amendements-sans-prevenir

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