Budget 2025 : Michel Barnier veut faire moins… avec moins (H.fr-10/10/24)

Le gouvernement Barnier parle désormais de « coups de frein ». Pour ramener les déficits publics à 5 % du PIB dès l’an prochain, puis sous les sacro-saints 3 % en 2029, les services publics vont absorber les deux tiers des mesures d’économie.© Eric TSCHAEN/REA

Le gouvernement a présenté, ce jeudi, ses projets de loi des finances publiques et de la Sécurité sociale. Les services publics et les aides du quotidien sont les principaux visés par ce programme d’austérité.

Par Stéphane GUERARD, Cyprien BOGANDA & Samuel EYENE.

Bruno Le Maire est bien parti de Bercy. Mais ses successeurs Antoine Armand et Laurent Saint-Martin se sont facilement lovés dans ses habits. En présentant, ce jeudi, leurs projets de finances publiques et de Sécurité sociale 2025, lors d’un Conseil des ministres tardif, les deux nouveaux grands argentiers du gouvernement Barnier ont repris très volontiers le bilan du septennat Macron, qu’ils jugent très bon : « plein emploi », « politique de l’offre et soutien aux entreprises », « fondamentaux économiques solides », « réforme des retraites », de « l’assurance-chômage », il n’y a rien à redire. « Nous avons modernisé le pays », assure Antoine Armand, comme s’il était un briscard de la Macronie.

Ce qui va changer avec l’équipe Barnier ? Laurent Saint-Martin le dévoile, d’une étrange phrase : « Nous voulons faire mieux avec moins. Je sais, vous avez déjà entendu cela avant. Sauf que nous, nous ferons moins d’abord. » Le « mieux » étant renvoyé à une éventuelle survie du gouvernement, le « moins » va s’abattre rapidement sur les Français.

Les services publics, premiers de corvée

Ne dites plus coups de rabot. Le gouvernement Barnier parle désormais de « coups de frein ». Pour ramener les déficits publics à 5 % du PIB dès l’an prochain, puis sous les sacro-saints 3 % en 2029, les services publics vont absorber les deux tiers des mesures d’économie. Premier visé : l’État et ses opérateurs, avec 21,5 milliards d’euros de crédits en moins.

Dans le détail, tous les ministères sont mis à la diète, même ceux qui se pensaient protégés par une loi de programmation pluriannuelle. La justice (+ 619 postes) et l’intérieur (+ 587 millions d’euros) se voient certes renforcés, mais moins vite que prévu.

En revanche, l’éducation nationale perdra, en 2025, 2 000 équivalents temps plein. Bercy se réfugie derrière la démographie et la baisse du nombre d’élèves dans les établissements (4 000 postes d’enseignants supprimés) et objecte l’augmentation du nombre d’AESH (+ 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap).

Au côté de l’aide publique au développement (- 1,4 milliard d’euros) et des finances publiques (- 500 postes), les budgets emploi et travail (- 1 000 équivalents temps plein) figurent parmi les plus touchés. La moitié du fardeau sera portée par France Travail.

« La politique de l’offre a porté ses fruits avec la diminution du nombre de demandeurs d’emploi », se réjouit le ministère des Finances, qui ne renforce donc pas l’ex-Pôle emploi alors que celui-ci doit désormais assurer le suivi des allocataires du RSA. Les opérateurs et agences étatiques vont subir une coupe d’un bon millier de postes. Quant aux collectivités territoriales, elles vont devoir trouver 5 milliards d’euros d’économies.

« La simplification et la modernisation des services publics, le recours accru aux technologies numériques, permettront une meilleure efficacité du service rendu », assure Antoine Armand. Le collectif Convergence des services publics lui répond : « À force de dégradations continues, les services publics et la Sécurité sociale sont à un point de bascule et ne pourront plus assurer l’accueil égal de tous les usagers. C’est notre modèle social qui est en jeu. »

Les Français frappés dans leur quotidien

Même si le ministre du Budget s’en défend, les Français dégusteront bien un bol d’austérité. L’annonce par Michel Barnier du décalage de six mois de l’indexation des pensions sur l’inflation avait déjà choqué. Les coupes vont aussi s’abattre sur le système de santé. Le gouvernement prévoit une baisse de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) à 2,8 % en 2025, contre 3,3 % en 2024.

Soit bien en dessous de l’augmentation naturelle des dépenses de soins. Les hôpitaux s’apprêtent à boire la tasse. « Pour 2025, c’est une baisse alors que les besoins continuent d’augmenter », fait valoir Cécile Chevance de la Fédération hospitalière de France.

L’exécutif envisage également toute une série de coupes dans les prises en charge et remboursements de soins. Les plus significatives sont le relèvement du ticket modérateur sur les médecins et sages-femmes, soit le reste à charge dont devra s’acquitter le patient s’il ne dispose pas de complémentaire santé (1,1 milliard d’euros d’économie) ; ou la baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie (600 millions d’euros).

À la recherche d’un « système de soins efficient », la ministre de la Santé vise également de nombreuses coupes dans le secteur des soins en ville (transports médicaux notamment), des produits de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux.

Autre dépense du quotidien ciblée, celle liée à l’énergie. Avec la fin du bouclier tarifaire au 1er février 2025, la « taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité » (Ticfe) va s’envoler plus que prévu : de 22,50 euros à 50 euros d’après Bercy. Un coup de bambou pire qu’attendu.

Les plus riches et les entreprises faiblement mises à contribution

En matière de fiscalité, c’est un peu le macronisme qu’on assassine. Ou, du moins, qu’on fait mourir à (tout) petit feu. La présentation du projet de loi de finances a été l’occasion d’ébranler un dogme de la politique fiscale menée depuis 2017, selon lequel toute hausse des prélèvements pesant sur les plus riches et les entreprises conduirait à la ruine du pays. Néanmoins, le grand soir n’est pas pour demain.

Dans le détail, le PLF prévoit l’instauration d’une contribution qui ne s’appliquera qu’à des contribuables dont le revenu dépasse 250 000 euros par an pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple, soit 0,3 % des foyers. Par ailleurs, elle sera « temporaire et exceptionnelle », martèle Bercy, puisqu’elle ne durera que trois ans.

Enfin, son rendement attendu (2 milliards d’euros par an) ne compense pas l’ensemble des ristournes accordées aux plus riches sous Emmanuel Macron, par le biais de la transformation de l’ISF et l’apparition de la flat tax (entre 3 et 3,5 milliards d’euros cumulés selon les estimations).

Les entreprises, elles, vont subir les effets de deux mesures. D’abord, une hausse « exceptionnelle » de l’impôt sur les sociétés, limitée aux seules entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros (440 groupes). Rendement attendu : 8 milliards d’euros.

Ensuite, un léger coup de rabot sur les exonérations de cotisations sur les bas salaires. 4 milliards d’euros vont ainsi rentrer dans les caisses de la Sécu, ce qui reste modeste au regard des quelque 80 milliards d’euros d’allègements dont ont bénéficié les entreprises en 2023.

Le gouvernement explique que cela devrait inciter les employeurs à augmenter leurs salariés payés autour du Smic : en l’absence d’allègements, les patrons n’auraient plus d’intérêt à les maintenir à ces niveaux de salaires. Reste que cette hausse n’a rien d’automatique : pour « désmicardiser » la société, comme le veut le gouvernement, il aurait peut-être été plus efficace… d’augmenter le Smic.

Dernier point, le gouvernement prévoit de taxer les rachats d’actions, dont les actionnaires des grandes entreprises sont friands. Mais, là encore, la taxe restera modeste, puisqu’elle ne devrait rapporter que 200 millions d’euros… soit 0,6 % des quelque 30 milliards d’euros versés en rachats d’actions en 2023.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/austerite/budget-2025-michel-barnier-veut-faire-moins-avec-moins

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/budget-2025-michel-barnier-veut-faire-moins-avec-moins-h-fr-10-10-24/

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