Budget 2026 : ce que les députés ont adopté, rejeté ou amendé lors de l’examen du projet de loi de finances (H.fr-4/11/25)

L’Humanité fait le point sur tout ce qui a été voté (ou pas) lors de l’examen du projet de loi de finance 2026.© Eric TSCHAEN/REA

L’examen du projet de loi de Finances (PLF) a dû être arrêté dans la nuit du lundi 3 au mardi 4 novembre pour laisser place au budget de la Sécurité sociale. Le timing reste serré alors que l’expiration des délais constitutionnels pour examiner le texte avant de le transmettre aux sénateurs est prévue pour le 23 novembre, à minuit. « L’Humanité » fait le point sur la copie mise en suspens.

Par Clémentine EVENO et Tom DEMARS-GRANJA.

Le gouvernement Lecornu souhaite éviter de recourir aux ordonnances ou au 49.3 pour l’adoption du budget 2026. C’est en tout cas ce qu’affirme, en écho au locataire de Matignon, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Cette dernière a assuré, sur le plateau du 20 heures de France 2, lundi 3 novembre, que « tous les amendements votés » par l’Assemblée nationale seront transmis au Sénat.

Le vote, initialement prévu mardi à l’issue de la première lecture de la partie recettes du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, n’est plus à l’ordre du jour. Les 2 000 amendements restants lundi – sur environ 3 700 à l’origine – ont rendu obsolètes les délais prévus. La lecture du texte a été suspendue dans la nuit du lundi 3 novembre, vers minuit. Alors que le texte a laissé place à la première partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), dont le débat est prévu jusqu’au 12 novembre avant un possible retour sur la partie recettes du PLF, voici un tour d’horizon sur ces dernières semaines :

  • Les plus riches préservés

Vendredi 31 octobre, les macronistes, la droite et l’extrême droite ont fait bloc pour protéger les plus riches. Les trois pôles, unis par leur logique ultralibérale, ont voté contre la taxe Zucman, texte vilipendé par les milliardaires et par l’hémisphère droit de l’Assemblée, qui prône l’instauration d’un impôt plancher de 2 % sur les très hauts patrimoines qui échappent à l’impôt sur le revenu. La mesure a été rejetée par 228 voix contre 172, tandis que sa version « light », a aussi été repoussée.

La gauche, unanime concernant la taxe Zucman, s’est néanmoins écharpée sur la transformation de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), apparu suite à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en 2018, par Emmanuel Macron. L’amendement porté par le Modem et complété par les socialistes, a été voté avec les voix des deux groupes cités, avec les voix de Liot et du Rassemblement national (RN). La France insoumise (LFI), les Écologistes (EELV) et le Parti communiste français (PCF) ont quant à eux voté contre la mesure. Les trois composantes de gaucche estiment qu’elle « fragilise » l’IFI, et protègent les plus riches, moins taxés.

  • Retour sur le gel du barème de l’impôt sur le revenu

Une large partie des députés ont rejeté, samedi 25 octobre, le gel du barème de l’impôt sur le revenu. S’il avait été appliqué, 200 000 foyers supplémentaires auraient dû payer l’impôt, rapportant 2 milliards d’euros à l’État. Les élus ont préféré l’indexation de l’impôt sur le revenu sur l’inflation à 1,1 %, comme le proposait un amendement du chef de file des Républicains, Laurent Wauquiez.

Avec la mesure, adoptée contre l’avis du gouvernement par une coalition droite-gauche, sans les socialistes et une partie des écologistes, plusieurs foyers ne paieront pas plus malgré l’inflation. D’autres amendements plus ciblés sur les tranches basses ont été rejetés. « Le gel du barème de l’impôt proposé par le gouvernement et écarté par l’Assemblée est une mesure scandaleuse qui met à contribution les plus petits. Nos propositions, plus de tranches et un taux marginal plus élevé, pour un impôt juste et progressif », a défendu, dans l’hémicycle, le député communiste Nicolas Sansu.

  • Les holdings patrimoniales sauvées par la droite

Les LR ont obtenu l’adoption d’une version de la taxe sur les holdings patrimoniales vidée de sa substance. L’amendement réduit le total de holdings concernées – grâce au relèvement du seuil de détention par une personne physique de 33 % à 50 % – et propose une liste réduite des types de biens concernés.

« À la fin, cette taxe n’est plus un gruyère, c’est une chips : ça ne concerne plus personne », a regretté le député socialiste Philippe Brun. Les macronistes proposaient, au départ, une taxe de 2 % sur les holdings détenant au moins cinq millions d’euros d’actifs, avec de nombreuses exceptions, notamment l’exclusion des biens professionnels.

  • Les Gafam visés par une nouvelle taxation

L’Assemblée nationale s’est accordée pour doubler le taux de la taxe Gafam, dont les principales cibles sont les géants d’Internet : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. En commission, les députés macronistes ont proposé de relever le taux de cette taxe à 15 %, avant de se raviser en séance et de s’accorder sur un compromis à 6 %.

  • L’essentiel du Pacte Dutreuil préservé malgré quelques amendements

Après les débats qui se sont tenus, lundi 3 novembre, à l’Assemblée nationale, l’essentiel du pacte Dutreil, niche fiscale préférée des patrons, a été préservé. La droite, l’extrême droite et le gouvernement ont défendu avec force ce dispositif, et la plupart des amendements visant à restreindre plus nettement le pacte Dutreil ont été rejetés. Pour le député insoumis Éric Coquerel, président de la commission des Finances, l’optimisation est toujours « possible sur les biens professionnels » et il aurait fallu l’encadrer encore bien davantage.

Ainsi, seuls certains amendements ont été adoptés. Le plus marquant exclut du bénéfice du « Dutreil » les biens non professionnels. Ainsi, les députés ont adopté, avec l’appui du gouvernement, un amendement limitant la liste des biens susceptibles d’être transmis, et de bénéficier d’un taux d’imposition qui peut être ramené de 45 % à 5,6 %. De plus, la durée de détention minimale des actions par ceux à qui une entreprise est ainsi transmise est passée de six à huit ans. Autre nouveauté : au moins l’un de ceux à qui l’entreprise est transmise devra être âgé de 18 à 60 ans.

  • Défiscalisation des pensions alimentaires pour personnes bénéficiaires

Contre l’avis du gouvernement, les députés ont voté la défiscalisation des pensions alimentaires pour les personnes bénéficiaires, et en miroir la fiscalisation pour les personnes qui la versent. L’amendement de l’écologiste Marie-Charlotte Garin a été adopté par l’ensemble des élus RN et une partie des députés de gauche et des macronistes.

Actuellement, les personnes qui versent des pensions alimentaires sont exonérées d’impôts sur ces sommes, tandis que les bénéficiaires en payent, s’ils sont imposables. L’amendement inverse donc la situation, en imposant une limite à cet avantage fiscal de 4 000 euros par enfant plafonnée à 12 000 euros par an.

  • Défiscalisation totale des heures supplémentaires

La défiscalisation totale des heures supplémentaires, proposée par le groupe Droite républicaine et sur laquelle le gouvernement s’en est remis à la « sagesse » des députés, chiffrant la mesure à 1 milliard d’euros, a été approuvée par l’Assemblée nationale samedi. La gauche s’est opposée à la mesure sarkozyste, qui grèvera les finances publiques et freinera la création d’emploi.

  • Un crédit d’impôt pour les frais d’Ehpad

Proposée par La France insoumise, cette mesure a été adoptée de justesse avec les voix de l’extrême droite et de la gauche, à l’exception des socialistes qui défendaient une autre mesure proche. Les députés ont voté une mesure de soutien pour les résidents en Ehpad ou leur famille aux revenus modestes, en transformant une réduction d’impôt de 25 % sur les frais de séjour en crédit d’impôt. La mesure vise à inclure les non imposables, jusqu’ici exclus de son bénéfice.

Actuellement, seules les personnes imposables bénéficient de la réduction fiscale pour leurs frais d’hébergement, ce qui par définition ne s’applique pas aux ménages les plus modestes qui ne payent pas d’impôt. « L’État aide celles et ceux qui aujourd’hui paient suffisamment d’impôts pour pouvoir aller dans un Ehpad et tous les autres se retrouvent abandonnés », a fustigé le député insoumis Aurélien Le Coq.

  • Rabotage de la niche fiscale des journalistes

Les députés ont approuvé samedi dans l’hémicycle un abaissement du plafond de revenus en dessous desquels les journalistes peuvent bénéficier d’un abattement fiscal, lors des discussions sur la partie « recettes » du budget de l’État. Les journalistes peuvent actuellement bénéficier d’un abattement de 7 650 euros lorsqu’ils perçoivent jusqu’à 93 510 euros annuellement.

Un amendement de Denis Masséglia, abaisse ce plafond à 3,5 smic, soit 75 676 euros. Il a été approuvé largement à main levée par les députés, malgré l’avis défavorable du gouvernement. « L’objectif, c’est demander à ceux qui peuvent de pouvoir faire un effort tout en protégeant les journalistes qui, eux, sont les plus précaires », a expliqué l’élu Renaissance.

  • L’impôt sur les bénéfices des multinationales

Un amendement de La France insoumise pour taxer les bénéfices des multinationales proportionnellement à leur activité réalisée en France et lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscale a été adopté. La mesure a recueilli les voix des différents groupes de gauche et celles du Rassemblement national, contre celles du camp gouvernemental (207 contre 89). Le gouvernement y était opposé. Une autre mesure portée par La France insoumise a été adoptée, mercredi 29 octobre. Elle vise à élargir le champ d’application de l’impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales.

Cette taxe avait été instaurée « par le gouvernement en 2024 dans le cadre d’un accord international piloté par l’OCDE », rappelle le média Franceinfo. Destinée à mettre en place une réponse coordonnée à l’évasion fiscale des grandes entreprises, elle est limitée aux entreprises qui enregistrent plus de 750 millions de revenus annuels. Donc cette mesure ne concernerait que 10 % des multinationales, d’après l’association Oxfam. Ainsi, l’Assemblée nationale a voté pour « abaisser le seuil à 500 millions d’euros et donc toucher davantage de multinationales », explique Franceinfo.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/assemblee-nationale/budget-2026-tout-ce-que-les-deputes-ont-vote-adopte-rejete-ou-amende-lors-de-lexamen-du-projet-de-loi-de-finances

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/budget-2026-ce-que-les-deputes-ont-adopte-rejete-ou-amende-lors-de-lexamen-du-projet-de-loi-de-finances-h-fr-4-11-25/

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