Budget 2026 : la recette donnée à Bayrou par les sénateurs de droite pour en faire baver aux fonctionnaires (h.fr-11/07/25)

Depuis un mois, le gouvernement prépare gentiment les esprits à la potentialité de « ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ». © Lafargue Raphael/ABACA

Vous souvenez-vous de la tragique RGPP sarkoziste ? Voici la saison 2, en pire : deux jours de carence en plus, non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux… La majorité sénatoriale de droite a transmis au Premier ministre sa contribution à la réflexion pour atteindre les 40 milliards d’économies dans le budget 2026. À la clef, une purge de 20 milliards d’euros que les syndicats redoutent de voir surgir dans les annonces de François Bayrou, mardi 15 juillet

Par Hayet KECHIT.

Dans la chasse aux 40 milliards d’économies sur le budget 2026 lancée par François Bayrou, les sénateurs de droite et leurs alliés du centre n’ont pas manqué d’apporter leur petite pierre à ce vaste remue-méninges politique. « Reprendre le contrôle de la masse salariale de l’État », c’est ainsi qu’ils résument pudiquement les pistes d’économies remises au Premier ministre par le président LR de la Chambre haute Gérard Larcher. Avec, à la clef, une proposition de purge de vingt milliards d’euros, une nouvelle potion amère pour les fonctionnaires.

Les mesures suggérées au gouvernement, quelques jours avant la conférence de finances publiques du 15 juillet, consisteraient d’abord à geler les enveloppes budgétaires des ministères (à l’exception de la Défense), en revenant sur l’éventuelle augmentation des moyens prévus dans le cadre des lois de programmation des ministères de la Justice, de l’Intérieur ou encore de la Recherche.

Non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux

Les élus de la majorité sénatoriale misent avant tout sur de vieilles recettes, qui ont pour point commun d’être des lignes rouges aux yeux de l’ensemble des syndicats de la fonction publique. À commencer par la proposition de « ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite », qui pourrait, selon ces sénateurs, rapporter une manne de 500 millions d’euros dès l’année prochaine.

Une idée à laquelle le gouvernement prépare depuis un mois les esprits. En juin dernier, surfant sur des chiffres révélant une hausse de 6,7 % du nombre d’agents publics en 2024, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin et son homologue de l’Économie, Éric Lombard, avaient ainsi lancé de concert l’offensive : la première en pointant, sur le ton de l’évidence, la nécessité de « revoir la tendance » de l’augmentation du nombre de fonctionnaires pour réduire le déficit public, le second enfonçant le clou avec cette conviction « qu’il faut engager la baisse du nombre de fonctionnaires. »

L’étude la plus récente sur le sujet de l’Insee confirme que « la fonction publique comptait 5,8 millions d’agents fin 2023, soit près de 62 000 de plus qu’un an auparavant », mais elle révèle aussi que cette hausse des effectifs est essentiellement portée par l’augmentation du nombre de contractuels, à savoir des agents précarisés assis sur un siège éjectable.

Ce que le locataire de Bercy et la majorité sénatoriale se gardent soigneusement de préciser en utilisant à tort le terme de « fonctionnaires ». Le nombre d’agents sous statut aurait ainsi au contraire baissé, selon cette même étude, particulièrement dans la fonction publique territoriale, qui accuse un recul de 0,7 %, soit 9 400 fonctionnaires de moins, une tendance qui suit celle des années précédentes (-1,0 % en 2022 et -0,6 % en 2021).

« C’est la RGPP version 2 en plus violente »

Pour Natacha Pommet, secrétaire générale de la fédération CGT des services publics, il suffit de se pencher sur l’échec des mesures mises en place par Nicolas Sarkozy – qui s’est fait le chantre des suppressions d’emplois dans la fonction publique – pour démontrer le non-sens de ce projet.

Sa fameuse RGPP (Révision générale des politiques publiques) prônant le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux « a conduit à la suppression de 85 000 postes, (et) n’aurait rapporté au final, que 3 à 4 milliards d’euros par an », affirme la syndicaliste. Sans pour autant résorber le déficit public.

« C’est la RGPP version 2 en plus violente », commente Stanislas Gaudon, président de la fédération des services publics de la CFE-CGC, qui pointe, à l’instar de son homologue de la CGT, « un bilan catastrophique » de la politique sarkozyste qui aurait accéléré le processus de destruction des services publics, mais aussi amené l’État à rétropédaler en catastrophe en recrutant à tour de bras des agents contractuels.

Une mesure d’autant moins appropriée, selon le syndicaliste, « qu’elle va se heurter à une pyramide des âges », où la part des plus de 45 ans va croissante, particulièrement dans la fonction publique territoriale. Même hostilité de la part de Bruno Leveder, le secrétaire national de la FSU en charge de la fonction publique : « En fait, ils ressortent les vieilles recettes qui ont déjà non seulement fait la preuve de leur inconséquence, mais ont causé des dégâts souvent difficilement réparables. »

Le retour des deux jours de carence en plus

Le projet de faire passer d’un à trois le nombre de jours de carence en arrêt maladie des fonctionnaires, mesure combattue par l’ensemble des syndicats, avait mobilisé un puissant mouvement de protestation dans les rues, le 5 décembre dernier, poussant le gouvernement Bayrou à renoncer à cette mesure dans son budget 2025.

Qu’à cela ne tienne, les sénateurs la remettent sur la table, dans une unanimité entre droite et centristes qui n’avait pu être obtenue dans le cadre du Projet de loi de finances 2025, les seconds étant soucieux d’éviter une censure du gouvernement.

Encore une fois, les syndicalistes renvoient aux effets contre-productifs d’une telle proposition. « En plus de s’en prendre aux fonctionnaires malades, cela n’a aucun effet du point de vue économique, puisque les chiffres démontrent que cela aboutit à des arrêts plus longs », tranche Bruno Leveder.

Pour Stanislas Gaudon, ces propositions sont symptomatiques du « bandeau budgétaire » qui couvre les yeux de ce gouvernement dont les agents publics sont parmi les premiers à payer le prix, comme le note également Christian Grolier, secrétaire général de la Fédération générale des fonctionnaires à Force ouvrière : « Après des décennies de gel du point d’indice, de suppressions de postes dans tous les ministères, les fonctionnaires contribuent déjà largement à l’effort national pour réduire la dette », tranche le syndicaliste.

Avant d’ajouter : « Si les idées sénatoriales devaient aller au-delà du stade de propositions, ce serait une catastrophe et qu’on ne vienne plus nous parler d’attractivité de la fonction publique ! » « On nous dit qu’il faut nous serrer la ceinture, mais le problème est qu’on n’a plus de ceinture, ni de pantalon ! », résume Stanislas Gaudon.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/budget/budget-la-surenchere-des-propositions-austeritaires-de-la-droite-senatoriale-pour-les-fonctionnaires

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