Budget 2026 : rejeté en commission, l’examen du « musée des horreurs » version Lecornu commence dans l’hémicycle ce vendredi (H.fr-24/10/25)

Le premier ministre français Sébastien Lecornu d’un débat précédant le vote de deux motions de censure contre le gouvernement français déposées par des députés de la France Insoumise (FI) et du Rassemblement national (RN), 16 octobre 2025. © REUTERS/Benoit Tessier

Sébastien Lecornu « sauvé » de la censure par le PS, la bataille du budget est bien engagée au Parlement. L’issue de ce bras de fer autour des budgets de l’État et de la Sécurité sociale pour 2026, dont la note pourrait être très salée, apparaît plus que jamais incertaine après le rejet du volet recettes du PLF en commission des Finances dans la nuit de mercredi à jeudi.

Par Rachel GARRAT-VALCARCEL.

Sans majorité, sans 49.3, le débat budgétaire pour 2026 commence en terra incognita. Vendredi, l’Assemblée nationale entre dans le dur de ce long marathon avec l’arrivée en séance de la partie recette du projet de loi de finance (PLF), le budget de l’État, déjà rejetée par la commission des Finances. Dans le même temps, ce jeudi, la commission des Affaires sociales commence, elle, son étude de la première partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

La promesse d’abandon de l’article 49.3 de la Constitution – qui permet l’adoption d’un texte sans vote, pour peu que le gouvernement ne soit pas renversé par une motion de censure concomitante – par Sébastien Lecornu, a tous les apparats d’une arnaque. L’exécutif dispose de bien d’autres armes constitutionnelles ou réglementaires pour tordre le bras du Parlement. Le refus ostensible du premier ministre, pour le moment « sauvé » de la censure par la grâce du PS, de répondre aux questions sur leur usage a de quoi faire sérieusement douter de la sincérité de sa profession de foi parlementariste.

Un projet antisocial

Pour autant, chaque marque d’autoritarisme vis-à-vis du Parlement fera peser un risque important de censure. De quoi freiner certaines ardeurs ? Difficile à prévoir. D’autant que, malgré tout, l’abandon du 49.3 conjugué à l’absence de majorité ouvrent peut-être la voie à un débat budgétaire à la dynamique différente, voire inédite. Les trois dernières années, la seule question était de savoir quand l’exécutif allait déclencher le 49.3. Cette année, il n’y a pour l’instant aucune majorité à la chambre basse pour l’adoption d’aucuns des deux projets budgétaires.

Plus encore qu’en 2025, le projet de l’exécutif est particulièrement antisocial. Certes, il a été expurgé de la suppression de deux jours fériés sans compensation salariale, élément le plus visible des annonces de François Bayrou du 15 juillet. Mais le budget Lecornu ressemble à s’y méprendre au plan du Béarnais.

« L’année blanche », qui gèle les prestations sociales, les retraites et le barème de l’impôt sur le revenu -ce qui va rendre imposables des dizaines de milliers de foyers trop pauvres pour l’être aujourd’hui – a tout d’une année noire pour les classes moyennes et populaires. Au global, tous les ministères souffrent du frein à la dépense décrété par le gouvernement… À l’exception notable du ministère des Armées dont la loi de programmation semble respectée à la lettre.

Côté impôts, le refus d’une taxation significative des très hauts revenus et très hauts patrimoine, qui esquivent facilement l’impôt, fait peser l’effort sur les travailleurs. En la matière, le camp présidentiel a pu compter sur les voix du RN pour rejeter en commission la taxe Zucman défendue par la gauche.

L’unité de la gauche condition des victoires

En 2024, la gauche avait ajouté des dizaines de milliards de rentrées fiscales sur les multinationales et les plus riches : « Ce budget est celui du Nouveau Front populaire », avait même clamé à la tribune le député LFI du Nord, Aurélien Lecoq. Le texte n’avait pas été adopté : peu importe, c’est une partie de la bataille culturelle qui se jouait là. Le NFP, premier bloc de l’Assemblée nationale, mais sans majorité, peut-elle rééditer l’exploit ? Sur le papier, insoumis, socialistes, écologistes et communistes ne sont pas particulièrement divisés sur les questions financières. L’an dernier, le NFP avait pu refaire son unité déjà un peu ébranlée par l’été lors du budget. Tout juste y a-t-il une différence de degrés entre la hausse des contributions proposées par la gauche radicale et la gauche modérée.

Mais la non-censure des socialistes, le 16 octobre, à l’inverse des trois autres groupes, enfonce un coin dans la coalition. Le PS n’hésite pas à crier victoire face à la promesse floue et encore soumise à caution d’une courte suspension de la réforme des retraites de 2023, à laquelle insoumis, communistes et écologistes ne croient pas.

La lettre rectificative, finalement choisie comme véhicule pour ce gel par Sébastien Lecornu, n’empêche pas – sauf à considérer que l’exécutif procédera par ordonnances une fois le délai d’examen par le parlement dépassé – qu’il faudrait que les députés socialistes votent pour un budget de la Sécurité sociale aujourd’hui « inacceptable et invotable », d’après les mots de Boris Vallaud, le président du groupe rose, dans L’Humanité le 22 octobre. Rendre ce PLFSS « votable » paraît illusoire et les socialistes se préparent quelques sueurs froides à l’heure où se posera la question de valider ou non la suspension de la réforme des retraites au prix de l’acceptation d’au moins une partie du « musée des horreurs » sociales du texte initial.

Dans ce jeu à trois blocs, la partie que décidera de mener la coalition présidentielle est la plus floue. Si tant est qu’elle existe encore : le Modem est relativement bienveillant face aux projets de justice fiscale de la gauche ; Horizons est radicalement opposé à la petite concession sur les retraites ; Renaissance apparaît comme une synthèse de ses divisions. En 2024, les députés macronistes avaient carrément fait l’impasse sur le débat le plus important de l’année, laissant le NFP engranger des victoires, effacées par les 49.3.

La béquille de l’extrême droite

Cette excuse n’existe plus et Sébastien Lecornu a prévenu qu’il n’accepterait pas n’importe quoi, financièrement parlant. Mais les élus du bloc central seront-ils plus motivés à défendre un budget indéfendable et qui égratigne certains symboles de leur politique économique depuis huit ans ? Leur présence ou non décidera grandement de l’allure de la copie à la sortie de l’Assemblée nationale. Reste qu’au sein du « socle commun » seuls les députés Renaissance ont voté pour la première partie du PLF en Commission.

Reste enfin la partition de l’extrême droite. Alors que la dissolution que le Rassemblement national (RN) réclame est ajournée, les lepénistes vont devoir se coller à un débat budgétaire particulièrement révélateurs de leurs changements de pieds incessants. Depuis l’automne 2024, où le RN avait très ponctuellement appuyé certains des amendements de la gauche, le parti assume de plus en plus son identité libérale et pro business. La taxe Zucman sur les très très hauts patrimoines en est un exemple : lors de la niche parlementaire écologiste en février dernier, le RN s’était abstenu ; cette fois-ci, Marine Le Pen a prévenu, son groupe votera contre. Et si pour se sauver et sauver les riches, la Macronie devait (encore) compter sur l’extrême droite ?

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Source: https://www.humanite.fr/politique/article-49-3/budget-2026-rejete-en-commission-lexamen-du-musee-des-horreurs-version-lecornu-commence-dans-lhemicycle-ce-vendredi

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