
En quête de nouvelles recettes, le gouvernement a écarté les solutions venues de la gauche et s’attaquant aux revenus du capital. Les parlementaires LR proposent eux de faire travailler les salariés une journée gratuitement.
Par Gaël De SANTIS.
De qui se moque la ministre de la Santé ? Face aux sénateurs à l’occasion de l’ouverture de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2025 (PLFSS), lundi, Geneviève Darrieussecq a tenu « à remercier les députés qui ont soumis des amendements et participé au débat ».
Ses propos peuvent être traduits ainsi : merci d’avoir travaillé pour rien. Car, si ces amendements ont permis de trouver 17 milliards de recettes supplémentaires, ceux-ci ont été balayés par le gouvernement. L’obstruction des parlementaires macronistes et de droite a fait que le texte n’a pu être voté dans les délais à l’Assemblée, le 5 novembre. Le projet de budget de la Sécurité sociale a ensuite été transmis à la chambre haute dans sa version initiale.
Pressurer la Sécurité sociale pour faire baisser la dette publique
Il ne s’agit pas là d’un artifice de procédure mais, pour l’exécutif, de revenir à sa propre philosophie : pour faire baisser la dette publique, il faut pressurer la Sécurité sociale. Ses créances ne pèsent pourtant que 9 % du PIB, une goutte d’eau dans l’ensemble de la dette publique, qui s’élève à 110,6 % du PIB. L’exécutif entend affecter 16 milliards d’euros au remboursement de la dette de la « Sécu », seule institution publique soumise à un tel régime.
Surtout, l’équipe de Michel Barnier ne veut pas aller chercher l’argent là où il est. Pourtant, les besoins sont immenses et l’exécutif le reconnaît lui-même, vantant pour des raisons de communication une hausse de la trajectoire des dépenses de l’assurance-maladie.
Un accroissement que relativise la communiste Cathy Apourceau-Poly. « S’agissant des dépenses de santé, le gouvernement prévoit une augmentation des dépenses de 2,8 %, soit après la déduction du taux d’inflation, une hausse de 1,8 %, calcule la députée du Pas-de-Calais. Si on retranche la hausse des cotisations de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), la hausse des dépenses de santé est seulement de 0,6 % en 2025. Le budget de l’assurance-maladie progresse donc, mais si on compare aux besoins, nous sommes à des années-lumière de ce qu’il faudrait investir. »
Pis, alerte la députée, l’augmentation des cotisations patronales de 4 points de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), qui gère également les pensions de la fonction publique hospitalière, va « grever les budgets des communes, des départements, des services départementaux d’incendie et de secours et des hôpitaux ». Un amendement socialiste avait supprimé cette disposition à l’Assemblée mais il a été effacé par le gouvernement.
Comme leurs collègues de l’Assemblée, les sénateurs communistes, socialistes et écologistes escomptent bien trouver de nouvelles recettes. Mais cela ne figure pas dans la feuille de route de l’exécutif. La ministre qui s’inquiète pourtant d’un « déficit projeté de la Sécurité sociale (…) qui atteindra 28 milliards d’euros » en 2025, assène qu’« il est de notre devoir de freiner la dépense publique et toutes les administrations publiques doivent prendre leur part à cet effort ».
Une deuxième journée « de solidarité »
Pour ce, l’une des mesures souhaitées par la droite sénatoriale pour trouver des recettes nouvelles est que les actifs travaillent une deuxième journée « de solidarité » pour rien. Soit, comme pour le lundi de Pentecôte depuis 2004, un jour travaillé pour lequel la totalité de la rémunération d’un salarié est affectée à la Sécurité sociale. L’idée, que des parlementaires principalement LR veulent faire monter depuis quelques jours, sera l’un des enjeux de cet examen du PLFSS au Sénat.
D’autant qu’à Bercy, les ministres Antoine Armand (Économie) et Laurent Saint-Martin (Budget) n’ont pas fermé la porte à cette option, qui permettrait selon la droite sénatoriale d’encaisser 3 milliards d’euros. En séance, la sénatrice écologiste Raymonde Poncet-Monge s’y est opposée, reprochant aux LR de trouver des recettes « par une contribution de solidarité par le travail », alors que « à l’Assemblée nationale, ils avaient fait plein de contributions de solidarité par le capital ».
Autre mesure décriée par la gauche, la hausse du ticket modérateur prévue par le gouvernement. Les retraités sont également mis à contribution. Pour la plupart, la revalorisation de leur pension n’adviendra qu’au mois de juillet 2025 au lieu de janvier. Pour les plus pauvres qui verront leur retraite progresser dès la nouvelle année, l’augmentation ne compensera pas l’inflation.
La gauche sénatoriale avance des propositions pour redresser les comptes de la Sécurité sociale. Ainsi les amendements du groupe communiste (CRCE-K) conditionnent les plus de 80 milliards d’euros d’exonérations sociales à des objectifs en matière d’emploi, de respect de l’environnement et d’égalité salariale. Est également proposée une mise à contribution des revenus financiers qui pourrait dégager 60 milliards de recettes nouvelles si elle était votée.
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