
L’actuel locataire -ou squatteur- de Matignon prévoit de reconduire la loi de finance de l’année dernière à l’identique pour le prochain exercice. Compte tenu de l’inflation, cela représente 10 milliards d’euros d’économies pour l’État.
Par Pauline ACHARD.
Nouveau déni de démocratie sur la planète Macronie. Dans la soirée du mardi 20 août, alors que la France est sans gouvernement de plein exercice depuis plus d’un mois, Gabriel Attal a annoncé que les 492 milliards d’euros de crédits alloués au budget 2024 resteraient, selon sa feuille de route, inchangés à l’horizon 2025. Le premier ministre, pourtant démissionnaire, a déjà envoyé les lettres plafonds aux ministères, leur précisant les contours de cette trame.
Si Matignon s’est gardé d’appliquer les 5 milliards d’euros de coupes franches promises par Bruno Le Maire fin juillet, la stabilité du budget n’est qu’illusion. En effet, la reconduction de ces crédits à l’identique ne tient compte ni de l’augmentation des prix, ni des dépenses suspendues ces derniers mois. Elle se traduit en réalité par un rabotage de 10 milliards d’euros. Pour Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT, « poser les bases d’un budget fixe dans un contexte où les prix explosent revient à arbitrer en faveur d’un budget à la baisse ».
Budget d’austérité, ligne inchangée
« Ces mesures relèvent donc bien d’un choix politique et non d’affaires courantes ! assène le syndicaliste, avant d’insister : un gouvernement démissionnaire ne doit pas prendre de décisions politiques. » Même son de cloche pour l’écologiste Sandrine Rousseau, sur X : « La préparation d’un budget est l’acte le plus politique qui soit. » Le sénateur PCF Ian Brossat, dont le groupe veut limiter la durée de vie d’un gouvernement démissionnaire à huit jours, dénonce un exécutif « désavoué dans les urnes, privé de légitimité, qui ferait mieux de geler toute initiative qui dépasse la gestion des affaires courantes ».
Il n’y a pas qu’à gauche que la méthode est remise en question. Le député Liot Charles de Courson, aussi rapporteur général du budget à l’Assemblée, s’interroge dans les colonnes du Monde : « Est-ce qu’envoyer des lettres plafonds relève des affaires courantes ? Je trouve curieux qu’on n’attende pas le nouveau gouvernement. Pour le respect de la démocratie, ce n’est pas très bon. »
D’autant que ce gel général des dépenses de l’État n’a pas vocation à se répercuter équitablement sur chaque ministère. Celui du Travail et de l’Emploi sera par exemple pénalisé au profit de la Défense, de la Culture et des Sports. « Ce budget d’austérité implique que davantage de dépenses sociales soient mises en cause, mais lesquelles ? Doit-on s’attendre à une énième réforme de l’assurance-chômage ? »
Autant de questions sans réponse soulevées par Denis Gravouil et qui traduisent, selon lui, « la ligne inchangée imposée par Gabriel Attal à son successeur ». Sur X, l’eurodéputée FI Manon Aubry abonde : « Nos services publics ne doivent pas payer le prix du coup de force de Macron : vite un gouvernement du Nouveau Front populaire pour un budget qui réponde aux urgences sociales et au vote des Français ! »
« Emmanuel Macron doit nommer Lucie Castets »
De son côté, l’entourage du premier ministre défend un « budget réversible, qui permet à la fois à la France de se doter d’un budget en temps et en heure mais qui permettra également au prochain gouvernement de faire ses propres choix sur la base de ce qui a été préparé et transmis aux ministères ».
La Constitution de la Ve République veut que des délais très précis soient respectés pour la discussion du projet annuel de loi finances (PLF), afin que l’État soit doté d’un budget avant le 1er janvier. Le texte doit, pour ce faire, être présenté au premier Conseil des ministres du mois d’octobre, qui tombe cette année le 1er.
« Emmanuel Macron a précipité une dissolution ubuesque de l’Assemblée nationale, Bercy précipite aujourd’hui la préparation illégitime d’un projet de loi de finances, mais cela fait trente-cinq jours que nous attendons la nomination d’un premier ministre ! » fustige le cégétiste.
Si le président reçoit, à partir de vendredi, les différents chefs politiques et parlementaires, les représentants du NFP appellent l’Élysée à accélérer le processus, dans un souci évident de respect de la démocratie. « Emmanuel Macron doit nommer Lucie Castets à Matignon afin de préparer un budget à la hauteur des attentes du pays », s’offusque le député Manuel Bompard, coordinateur national de la FI.
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