
Gel des investissements, suppression d’agences de l’État… La proposition de budget pour l’année 2026, rendue publique par François Bayrou le 15 juillet, impose une année blanche à la transition écologique.
Par Justine GUITTON-BOUSSION.
Quel avenir pour l’écologie en 2026 ? Le Premier ministre, François Bayrou, a dévoilé, mardi 15 juillet, ses orientations pour le budget de l’État. Pendant son allocution, pompeusement appelée « Le moment de vérité », il a énuméré une série de suggestions pour réaliser 43,8 milliards d’euros d’économies. S’il a évoqué le changement climatique comme une « menace » qui pèse sur le pays, ses propositions vont toutefois à contresens d’un investissement massif pour la transition écologique.
Le chef du gouvernement a d’abord mis sur la table l’idée d’un gel des dépenses de l’État et de tous ses ministères. Autrement dit, « ne pas dépenser 1 euro de plus en 2026 qu’en 2025 ». Seule exception : le budget des armées qui sera, lui, augmenté « pour garantir notre souveraineté et notre sécurité ». Tout un parterre de ministres était présent au discours de François Bayrou, mais celle de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, ne s’est pas exprimée.
« Alors que les événements climatiques extrêmes se multiplient, choisir une année blanche pour la transition écologique est non seulement absurde, mais dangereux, a réagi la fédération d’associations Réseau Action Climat sur les réseaux sociaux. Le budget de l’an dernier était déjà très en deçà des besoins, on part donc pour une année blanche qui l’était déjà. »
Un appel au « sursaut collectif » ignoré
Geler les investissements pour la transition écologique est en complet décalage avec les recommandations du Haut Conseil pour le climat, qui plaidait il y a deux semaines à peine pour débloquer des financements afin de soutenir le ferroviaire, les véhicules électriques, la rénovation énergétique des bâtiments, et suggérait un plan de renouvellement des écosystèmes forestiers. L’organisation scientifique indépendante concluait en appelant au « sursaut collectif », un cri d’alerte que François Bayrou a choisi d’ignorer.
Par ailleurs, « cette absence de signal budgétaire envoie un message désastreux aux investisseurs : sans visibilité, ils freineront leurs engagements dans la transition », estime le Réseau Action Climat.
« Agences improductives qui dispersent l’action de l’État »
François Bayrou ne s’arrête pas là. Le Premier ministre suggère aussi la réorganisation, voire la disparition, des « agences improductives qui dispersent l’action de l’État ». Il s’appuie notamment sur le rapport d’une commission d’enquête sénatoriale, publié le 3 juillet, qui propose, entre autres, la suppression de l’Agence bio (qui développe et promeut l’agriculture biologique) et du Conservatoire du littoral (qui acquiert des parcelles du littoral pour en faire des sites restaurés).
François Bayrou n’a toutefois pas précisé quelles étaient ces fameuses « agences improductives », qui devraient être supprimées selon ce nouveau plan budgétaire. Son entourage fait savoir que le choix n’est pas encore acté.
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« Est-ce que le service public doit être productif ? interroge Véronique Caraco-Giordano, secrétaire générale du SNE-FSU, le syndicat des personnels du ministère de la Transition écologique. Le service public rend un service, son but n’est pas d’être rentable, c’est d’être au service de tous. »
Selon elle, un bon budget 2026 serait un budget où « l’écologie deviendrait prioritaire, où l’on pourrait continuer des missions de protection ». « Il faut aller chercher des sous là où il y en a et arrêter de toujours taper sur les travailleurs », poursuit-elle.
Globalement, les enjeux écologiques ont été peu cités lors de ce « moment de vérité ». La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin — éphémère ministre de la Transition écologique pendant quarante-quatre jours, avant d’être débarquée après sa défaite aux élections législatives de 2022 — a estimé que cette prévision de budget était nécessaire pour « retrouver des marges de manœuvre » et « poursuivre notre adaptation aux chocs climatiques qui touchent tout le territoire ».
« Nous ne produisons pas assez et il n’y a aucune raison acceptable pour un tel retard »
En tout, le gel des dépenses et la réorganisation des opérateurs de l’État permettraient d’économiser jusqu’à 10 milliards d’euros, selon Matignon. Une large partie de la gauche et de nombreuses associations réclamaient plutôt à François Bayrou d’instaurer la « taxe Zucman » (du nom de l’économiste Gabriel Zucman), une taxe de 2 % sur les patrimoines dépassant 100 millions d’euros. Elle pourrait rapporter 20 milliards d’euros, soit quasiment la moitié de ce que recherche le gouvernement. Mais le Premier ministre n’a pas souhaité inclure cette proposition dans son ébauche de budget.
À la place, il a annoncé la création d’une « contribution de solidarité » pour « faire participer à l’effort national les plus hauts revenus »… sans aucune précision sur qui cela concernerait, ni à quelle hauteur. Il a également affirmé sa volonté de « chasser » les fraudeurs fiscaux, là encore sans davantage de détails.
La menace d’une censure à l’automne
En outre, François Bayrou a mis l’accent sur la nécessité, « pour toute la nation », de travailler plus. « Nous ne produisons pas assez et il n’y a aucune raison acceptable pour un tel retard », a-t-il déclaré. Il a ainsi proposé, entre autres, la suppression de deux jours fériés : le lundi de Pâques et le 8 mai, qui commémore la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe en 1945.
Cette ébauche de budget devra être transformée en projet de loi de finances, puis examinée par le Parlement à l’automne. Les partis de gauche ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils comptaient en profiter pour voter une motion de censure du gouvernement.
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Le Rassemblement national a également agité la menace d’une censure en cas de suppression de deux jours fériés. Reste à savoir si les parlementaires seront assez nombreux pour faire tomber le gouvernement. Pour voir un réel « moment de vérité », il faudra donc attendre l’automne.
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Source: https://reporterre.net/Budget-Francois-Bayrou-abandonne-la-transition-ecologique
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