Budget : Laurent Marcangeli confirme la saignée pour les fonctionnaires, mais envisage une refonte des grilles indiciaires (H.fr-24/07/25)

Laurent Marcangeli ouvre timidement la porte à une refonte de la grille salariale pour les fonctionnaires.
© Eric Tschaen/REA

Laurent Marcangeli a convié les syndicats de fonctionnaires à des rencontres bilatérales en début de semaine. Au programme : une confirmation de la saignée annoncée par François Bayrou pour le budget 2026, mais aussi l’engagement, aux contours encore flous, d’une refonte des grilles indiciaires.

Par HAYET KECHIT.

Ils y sont allés en proie à un mélange de colère et de sidération. Une semaine après la nouvelle purge budgétaire décrétée par François Bayrou pour 2026 – dont les fonctionnaires, sommés « de donner l’exemple », ont été désignés comme les cibles privilégiées –, les syndicats de la fonction publique ont été conviés par leur ministre de tutelle Laurent Marcangeli à une sorte de débriefing.

Vu le flou et le manque de vision des mesures annoncées par le chef du gouvernement, une explication de texte s’imposait en effet lors de ces rencontres bilatérales organisées en début de semaine, où se sont rendues notamment la CGT, Force ouvrière et la CFE-CGC – mais pas la CFDT, qui a décliné.

Laurent Marcangeli, à défaut de convaincre, a ainsi dissipé quelques zones d’ombre : quel est le calendrier prévu pour l’entrée en vigueur de ces mesures et quelle partie de la fonction publique est concernée, confirmant qu’il s’agissait bien de la fonction publique d’État, selon les informations transmises par Stanislas Gaudon, président de la fédération des services publics de la CFE-CGC.

« Une dégradation sans précédent des conditions de travail »

Ce dernier n’en a pas moins soulevé auprès du ministre les contradictions avec les propos de son collègue du gouvernement François Rebsamen, chargé de l’aménagement du territoire et de la décentralisation qui, lors de la conférence financière des territoires, en mai, « appelait les collectivités territoriales à réduire leur masse salariale, en ne remplaçant pas des départs à la retraite », affirme Stanislas Gaudon.

Concernant le chapelet de mesures déclinées par le locataire de Matignon le 15 juillet, perçues côté syndical comme autant de nouveaux coups assénés aux fonctionnaires et, par ricochet, aux services publics, Laurent Marcangeli a enfoncé le clou face à ses interlocuteurs. Dans un communiqué de presse, la CGT en a fait l’accablant décompte à l’issue de cette rencontre : « Le ministre a confirmé une économie budgétaire” de 44 milliards d’euros, dont notamment 4,8 milliards d’euros pour l’État ; 5,2 milliards pour les opérateurs – avec des suppressions et des fusions d’agences – 5,3 milliards d’euros pour les collectivités locales ; 5 milliards pour la santé. »

À ces coupes, qui feraient peser, selon le syndicat, « la menace d’une dégradation sans précédent des conditions de vie et de travail » s’ajoutent le gel – pour la troisième année consécutive – de la valeur du point ; le gel de toutes les promotions catégorielles ; le non-rétablissement de la Gipa (garantie individuelle de pouvoir d’achat, versée pour les salaires dont l’évolution sur quatre ans est inférieure à l’inflation) ; le maintien du jour de carence ; la diminution de 10 % de la rémunération versée lorsque les agents sont en congé maladie ordinaire.

Des « faits nouveaux »

Ont aussi été confirmées les 3 000 suppressions d’emplois publics dès la loi de finances 2026, la destruction de quelque 1 500 emplois au sein des agences de l’État mais également le non-remplacement d’un agent sur trois partant à la retraite, à partir de 2027 : une sorte de réchauffé à peine adouci de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) instaurée par Nicolas Sarkozy en 2007, qui avait alors imposé le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

La CGT fonction publique affirme par ailleurs avoir été informée de « faits nouveaux » qui ajoutent leur dose d’amertume à l’indigeste potion concoctée par l’exécutif. À savoir : le gel et la forfaitisation du supplément familial de traitement ; la suppression de 30 millions d’euros de crédits au titre des politiques interministérielles d’action sociale ; le report ou la diminution potentielle des crédits alloués au titre des lois de programmation budgétaire aux ministères de l’Intérieur et de la Justice.

Une refonte des grilles indiciaires ?

Seule éclaircie dans cet horizon particulièrement sombre : la porte ouverte par le ministre à une possible refonte des grilles indiciaires des trois catégories de la fonction publique – A, B et C –, intégrant notamment, à la demande de la CGT, « la reconnaissance des filières professionnelles à prédominance féminine », car « à compétence égale, les grilles indiciaires des métiers majoritairement occupés par des femmes, comme le médico-social ou les soignants, sont moins élevées que celles davantage masculines, à l’instar de la sécurité-police », pointe le syndicat.

Cette refonte est réclamée de longue date par les syndicats face au tassement au fil des années de ces grilles indiciaires. Une grande part des premiers échelons des catégories C et B est ainsi rémunérée au Smic, ce qui a pour conséquence de susciter « un sentiment de stagnation pour les jeunes agents et d’engendrer pour les plus anciens une très forte réduction du différentiel de salaire lié à l’ancienneté », analyse le haut fonctionnaire territorial Johan Theuret, dans une tribune au Monde, publiée en février 2023.

Selon lui, après la nouvelle augmentation du smic au 1er janvier 2023, qui a bénéficié à 400 000 agents publics, un agent de catégorie A du 1er échelon « a une rémunération indiciaire mensuelle qui n’est supérieure au smic que de 179 euros ». Pour les agents de catégorie B au 1er échelon, cette différence ne serait que de 14,55 euros. Et de 7 euros pour un agent de catégorie C, neuf ans après son entrée dans la fonction publique. « Alors qu’en 2006, elle était encore de 77 euros ! » s’indigne le haut fonctionnaire.

Le couperet du 49-3

C’est justement par le chantier de la refonte de la catégorie C que Laurent Marcangeli a annoncé vouloir commencer, après le vote du projet de loi de finances (PLF) 2026, à l’automne prochain, tandis que le calendrier concernant la refonte des deux autres serait encore à déterminer.

« Ce chantier est indispensable, pointe Stanislas Gaudon,qui évoque la nécessité d’établir de l’espace entre chaque échelon de chaque grade, pour que les rémunérations soient en correspondance avec le niveau d’expertise et de responsabilités des agents et permettent une véritable évolution de carrière. » Le représentant syndical aurait toutefois posé une exigence face au ministre : « Il faut que cette mesure soit inscrite dans une loi de programmation, que ce soit sur un vecteur législatif, et pas seulement un calendrier PLF, qui pourrait être renégocié ou remis en cause chaque année. Nous, on veut une inscription sur trois ans ! »

Reste à savoir si ce PLF, dont la brutalité en termes de casse sociale est de toutes parts dénoncée comme inédite, échappera au couperet de l’article 49-3 à l’Assemblée nationale et permettra à Laurent Marcangeli d’être encore en place pour mettre cette promesse en œuvre.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/agents-territoriaux/budget-laurent-marcangeli-confirme-la-saignee-pour-les-fonctionnaires-mais-envisage-refonte-des-grilles-salariales

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/budget-laurent-marcangeli-confirme-la-saignee-pour-les-fonctionnaires-mais-envisage-une-refonte-des-grilles-indiciaires-h-fr-24-07-25/

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