Budget : le crédit d’impôt recherche enfin remis en question (H.fr-26/09/24)

Le Crédit impôt recherche coûte chaque année 7,7 milliards d’euros à l’État. © Franck CRUSIAUX/REA

L’une des plus coûteuses et fraudogènes niches fiscales à destination des entreprises pourrait être revue par le gouvernement, suscitant des cris d’orfraie du patronat.

Par Pierric MARISSAL

Un vent de menaces plane sur le crédit d’impôt recherche (CIR) : il serait dans le collimateur du nouveau gouvernement, en quête d’économies, s’alarment les Échos. Patrick Martin est lui aussi monté au créneau : « Débrancher ce dispositif ou l’altérer pourrait avoir des conséquences dangereuses », a mis en garde le patron des patrons sur France Info, jamais avare d’un petit chantage à l’emploi.

Dans le budget 2024, le montant des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État s’élève à 135,9 milliards d’euros. Du jamais-vu, hors pandémie. En matière d’aides fiscales à destination des entreprises, la France est sur la deuxième marche du podium à l’OCDE, et le pays le plus généreux en matière de recherche et développement.

7,7 milliards d’euros chaque année

Mais cela, le patron du Medef se garde bien de le préciser lorsqu’il répète encore et toujours que « les entreprises françaises sont les plus taxées au monde ». Le CIR est ainsi l’une des plus importantes niches fiscales à destination des sociétés. Son coût ne cesse d’augmenter : 7,7 milliards d’euros cette année, en hausse de 1,8 milliard depuis 2018.

La popularité de cette dépense fiscale ne fait qu’augmenter auprès des grandes entreprises depuis que tout le volume des dépenses de R & D est pris en compte pour un crédit de 30 % jusqu’à 100 millions d’euros par an et de 5 % au-delà de ce seuil.

Selon les indiscrétions recueillies par les Échos, il s’agirait de simplement tempérer cette tendance inflationniste, en rabotant la dépense fiscale de 400 millions d’euros. Mais le quotidien s’alarme : « Toucher au CIR, c’est risquer de voir laboratoires et chercheurs partir à l’étranger et, in fine, l’activité économique en pâtir. »

« La plus permissive des niches fiscales »

Pourtant, dès 2018, le Conseil d’analyse économique (CAE), rattaché à Matignon, donnait l’alerte. « L’efficacité du CIR est insatisfaisante au regard des montants en jeu, (…) ses effets sont faibles au niveau macroéconomique. » Mais le gouvernement n’a jusqu’ici pas corrigé le tir.

Le CAE a mis cette niche fiscale en regard du financement de la recherche publique : « La dépense fiscale liée au CIR s’élevait en 2018 à près de 7 milliards d’euros, soit les budgets du CNRS, du Cnes et de l’Inserm réunis. » Pire, ce dispositif ne bénéficie que très peu aux PME, comme le rappelle Attac : « Le CIR est très concentré : les 200 premières entreprises représentent près des deux tiers du coût total et 28 groupes bénéficient de 27 % des créances. »

Ce crédit d’impôt est aussi très fraudogène. « C’est la plus permissive des niches fiscales, certaines entreprises font rentrer le coût de développement de logiciels dans l’enveloppe, par exemple, ou y intègrent les charges salariales de travailleurs qui ne font pas que de la recherche », énumère Vincent Drezet, porte-parole d’Attac… « Je vous affirme, je vous laisse le soin de le vérifier, que le crédit d’impôt recherche est le dispositif d’aide le plus contrôlé en France », affirmait de son côté Patrick Martin.

Moins de 5 % des bénéficiaires sont contrôlés chaque année, rétorque Attac. « Une vraie réforme du CIR s’impose, dans le cadre d’une revue globale des niches fiscales et sociales. Il faut aussi revoir complètement la gouvernance de la recherche », conclut Vincent Drezet.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/credit-impot-recherche/budget-le-credit-dimpot-recherche-enfin-remis-en-question

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/budget-le-credit-dimpot-recherche-enfin-remis-en-question-h-fr-26-09-24/

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