« Cancer, colère ! » : face à la loi Duplomb imposée par les lobbys, la résistance paysanne s’organise en marge de la CMP (H.fr-30/06/25)

Des centaines de personnes se sont rassemblés près du Sénat pour dénoncer la loi Duplomb qui réintroduit des pesticides tueurs d’abeilles pourtant interdits en France depuis 2018. Thomas Padilla/MAXPPP

Alors que le texte visant à lever les contraintes du métier d’agriculteur était débattu à huis clos au Parlement, plusieurs centaines de personnes ont dénoncé d’une même voix le système intensif et libéral qu’il veut dessiner.

Par Marie TOULGOAT.

À deux pas du Sénat, les abords des grilles du jardin du Luxembourg ont été réaménagés. Quelques ruches, des bottes de foin et un tracteur y ont pris place. À quelques encablures de là s’ouvre l’acte final de l’examen de la proposition de loi du sénateur Laurent Duplomb, avec la tenue d’une commission mixte paritaire (CMP) censée rabibocher sénateurs – qui ont adopté le texte – et députés – qui n’ont pas pu en débattre du fait d’une motion de rejet.

Des centaines de personnes s’y sont rassemblées pour affirmer que non, les agriculteurs, pour une grande partie d’entre eux, ne souffrent pas des contraintes inscrites dans la loi. « Les normes environnementales ne sont pas un scandale, elles ne m’empêchent pas de faire mon métier mais me protègent », affirme sans flancher Nicolas Verzotti, paysan dans le Vaucluse.

Craintes pour la santé

« La crise agricole est liée à une crise du revenu. La valeur est captée par quelques grands acteurs de l’aval et les producteurs ne touchent que 7 % du prix de vente d’un produit », s’agace le maraîcher, président du réseau des Civam. Celui-ci ne se méprend pas : pour lui, la réintroduction des néonicotinoïdes, que prévoit la proposition de loi, a pour but d’aligner la production française sur celles de systèmes moins bien-disants, dans un contexte d’échanges dérégulés.

La réautorisation de ces pesticides tueurs d’abeilles, pourtant interdits en France depuis 2018 du fait de leur dangerosité supposée pour la santé et la biodiversité, inquiète grandement les personnes présentes au rassemblement. ca

L’une d’elles, sous le soleil harassant et bouquet de fleurs sauvage à la main, brandit fermement une pancarte où a été peint le slogan « Cancer, colère, cancer, colère, cancer, colère ».

La loi Duplomb : une émanation des lobbys et de la FNSEA

C’est la certitude que cette disposition représente un danger qui a incité Shaynoor Dramsi, directrice de recherche en maladies infectieuses à l’Institut Cochin, à grossir les rangs du mouvement. « Mon mari, scientifique, s’est reconverti et est maraîcher en Haute-Vienne. On ne veut pas de ce retour en arrière antidémocratique dicté par les lobbys et la FNSEA », clame-t-elle.

De grandes tables sont dressées sous le peu d’ombre disponible, autour desquelles s’affaire la nuée de personnes présentes à ce rassemblement organisé par le syndicat agricole la Confédération paysanne et le collectif Nourrir, regroupant une flopée d’organisations comme France Nature Environnement, Greenpeace ou l’Union nationale de l’apiculture française.

Des fruits, courgettes et laitues bio, des terrines ou encore des pâtisseries maison s’y déploient. Un véritable banquet paysan, symbole de cette agriculture qui pourrait être menacée si la loi Duplomb venait à être adoptée par les 14 élus de la CMP.

Promouvoir l’exportation de denrées alimentaires

Car au-delà de quelques mesures phares c’est un système entier que cette loi compte maintenir. Un système conçu par et pour une poignée d’agro-industriels qui se nourrissent de la libéralisation de l’alimentation, assure la Confédération paysanne.

« Les défenseurs de la loi disent qu’elle a été écrite pour aider les paysans mais, quand on en discute en région, même la FNSEA n’arrive pas à nous dire lesquels seraient aidés. En fait, elle ne profiterait qu’aux financiers qui achètent des fermes de centaines d’hectares et à ceux qui veulent développer l’élevage industriel », dénonce Nina Lejeune, éleveuse de poules pondeuses et secrétaire nationale du syndicat.

Sa collègue porte-parole et éleveuse de brebis en Ardèche, Fanny Métrat, renchérit : « La loi veut faciliter l’installation des méga-bassines, qui ne profitent aujourd’hui qu’à la production de maïs exporté aux dépens de cultures vivrières qui pourraient être consommées localement»

Les échos de ces mécontentements ont-ils porté jusqu’au huis clos du Parlement ? Les discussions engagées par les élus – pas encore tranchées à l’heure où ont été écrites ces lignes – laissaient présager une version du texte proche de celle adoptée par le Sénat. Si un compromis est trouvé, le texte sera alors proposé au vote dans les deux Chambres au début du mois de juillet.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/agriculture/cancer-colere-face-a-la-loi-duplomb-imposee-par-les-lobbys-la-resistance-paysanne-sorganise-en-marge-de-la-cmp

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/cancer-colere-face-a-la-loi-duplomb-imposee-par-les-lobbys-la-resistance-paysanne-sorganise-en-marge-de-la-cmp-h-fr-30-06-25/

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