Canicules et sécheresse : l’impasse du nucléaire (CA.net-1/07/25)

Alors que la France traverse une des pires vagues caniculaires de son histoire récente, et que la quasi-totalité du pays est en alerte, les cours d’eau ne sont pas épargnés et se réchauffent. La Garonne, par exemple, atteint désormais la température de 28°C. Située le long du fleuve, la centrale nucléaire de Golfech, près de Toulouse, a mis à l’arrêt l’un de ses réacteurs. Depuis dimanche 29 juin à 23h37, plus aucun Kilowattheure d’électricité ne sort de la centrale.

Ce phénomène se reproduit à chaque grand coup de chaleur : durant l’été 2019 par exemple, la centrale de Golfech annonçait déjà l’arrêt de ses deux réacteurs jusqu’à la fin d’une précédente canicule. Au même moment, une centrale en Isère, le long du Rhône, avait aussi dû réduire sa production. En 2022, année marquée par d’autres épisodes de fortes chaleurs, l’État a pris des dérogations pour permettre aux centrales nucléaires de rejeter de l’eau plus chaude que la norme autorisée… au détriment de la faune et de la flore.

Les centrales nucléaires produisent énormément de chaleur. Elles doivent être refroidies en permanence pour ne pas exploser, c’est pour cela qu’elles sont implantées le long des fleuves ou en bord de mer : des quantités considérables d’eau sont nécessaires pour rafraîchir en permanence les réacteurs. C’est d’ailleurs pour cela que des traces de substances radioactives se retrouvent parfois dans l’eau, notamment dans la Loire.

Dans la Vienne, des entrepreneurs malins ont même créé un parc, la Planète des Crocodiles, au pied de la centrale nucléaire de Civaux. L’eau trop chaude rejetée par la centrale est adaptée aux reptiles qui aiment nager dans une chaleur tropicale. L’histoire ne dit pas si les crocodiles brillent la nuit.

Avec le réchauffement climatique et l’assèchement des cours d’eau, le refroidissement des centrales est donc menacé. Ironie : la pollution par le pétrole réchauffe le climat. Le réchauffement menace le fonctionnement des centrales. C’est un cercle vicieux sans issue. En fait, l’industrie nucléaire n’est pas la solution au réchauffement climatique, c’est un risque qui se superpose aux autres.

D’ailleurs, même après avoir arrêté de fonctionner, une centrale doit être refroidie en permanence et ses combustibles usagés doivent continuer d’être plongés dans des piscines. Et comment prévoir la façon dont nos descendants pourront effectuer ce refroidissement continu dans 100 ou 200 ans ?

Dans les années 1950, les autorités françaises ont imposé à la population le choix du tout nucléaire. La France est, par rapport à sa population, le pays le plus nucléarisé du monde avec 56 réacteurs sur l’ensemble du territoire. Face aux immenses mobilisations de l’époque, l’État français est resté inflexible : il fallait absolument foncer, implanter le rêve technocratique d’un «parc nucléaire» dans l’hexagone. Les autorités vantaient une énergie «peu chère», très sûre, durable, et «l’indépendance énergétique».

Cette indépendance était le premier mensonge. L’uranium qui sert de combustible aux centrales nucléaires ne pousse pas dans les arbres. La France est dépendante des pays qui possèdent ce minerai dans leur sol. Elle importe l’uranium du Niger, du Kazakhstan, d’Australie… ou de la Russie.

Concernant la sécurité, outre les risques d’accidents, la présence de centrales nucléaires sur tout le territoire rend la France particulièrement vulnérable en cas de guerre. Il suffirait d’une seule frappe ciblée sur une seule centrale pour anéantir une partie du pays et le rendre inhabitable pour longtemps. Alors que nos dirigeants fantasment sur le réarmement et que l’horizon mondial est au retour de la guerre, il faudrait y réfléchir à deux fois… On le voit en Ukraine comme en Iran, les infrastructures nucléaires, même celles enterrées et secrètes, sont des cibles de choix, les premières à être attaquées.

Concernant la «propreté» de l’atome, il faut souligner que dès l’été 2022, le photovoltaïque allemand produisait déjà plus que l’ensemble du parc nucléaire français. En plus des canicules, des centrales sont régulièrement à l’arrêt pour des nécessités de maintenance, des effets de corrosion qui n’étaient pas prévus. En Allemagne la production photovoltaïque est déjà de 60GW, l’équivalent de 60 centrales nucléaires, et l’objectif est d’atteindre 200GW en 2030. Pourtant, EDF mène depuis des années des chantiers très coûteux pour prolonger la durée de vie des centrales de dix ans. Plutôt que d’imaginer des alternatives au nucléaire, investir des milliards pour prolonger la vie de centrales dangereuses et inadaptées est un choix brillant.

Oui, mais que met-on à la place ? On tire le frein d’urgence. La seule énergie vraiment propre est celle que l’on ne consomme pas. Le chaos climatique ne se résoudra pas par des logiques productivistes et des technologies qui ne feront que repousser le problème en en créant d’autres. Il faut diminuer la consommation plutôt que d’imaginer des solutions pour consommer plus.

Il y a des techniques simples, peu chères et réalisables immédiatement pour y arriver. La peinture blanche sur le toit des bâtiments peut réduire la température d’un toit jusqu’à 30 degrés, et donc faire chuter la température intérieure d’un bâtiment d’environ 7 degrés. Cela signifie moins de besoin de climatisation en été. Dans le même ordre d’idée, un arbre dans une rue équivaut à 10 climatiseurs. Végétaliser les villes, c’est réduire les effets des canicules. Dans un boulevard planté d’arbres, la température peut être inférieure de 5 à 8 degrés par rapport à un boulevard sans végétation, au soleil.

Il est aussi très simple d’en finir avec les panneaux publicitaires et les enseignes allumées la nuit. Mais les mairies font l’inverse en encourageant de nouveaux écrans publicitaires animés dans les rues, des gadgets ultra-gourmands en électricité, et bientôt utiliseront l’Intelligence artificielle généralisée qui consommera toujours plus.

Il est tout aussi urgent d’interdire les cryptomonnaies : la «fabrication» des bitcoins a nécessité en 2020 environ 120 térawattheures (TWh) d’électricité. Cela équivaut à la consommation annuelle d’un pays comme l’Argentine ou les Pays-Bas.

Seule la mise au pas du capitalisme et une bifurcation vers une plus grande sobriété pourra permettre à l’humain d’habiter encore cette planète, plutôt que de chercher le moins pire entre le pétrole, le nucléaire ou des solutions d’apprentis sorciers comme la géo-ingénierie. Les discours qui veulent ménager le climat et le capital ne défendent que le second au détriment du premier.

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Source: https://contre-attaque.net/2025/07/01/canicules-et-secheresse-limpasse-du-nucleaire/

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