Catastrophes climatiques : les images d’un été meurtrier (Reporterre-2/9/25)

À l’aide d’un simple tuyau, un pompier espagnol bataille contre un brasier, en Galice, le 18 août 2025. – © Pedro Pascual / Anadolu / AFP

Des températures écrasantes de Gaza à la mousson dévastatrice du Pakistan, en passant par le deuil du Texas au lendemain d’inondations historiques… Reporterre retrace les catastrophes météorologiques ayant marqué l’été 2025.

Par Emmanuel CLEVENOT .

Brasiers terrifiants, crues meurtrières, températures insupportables… D’été en été, les répercussions du changement climatique d’origine humaine sont de plus en plus visibles. Une image valant mille mots, Reporterre en a sélectionné cinq, capturées par des photojournalistes du monde entier, pour conter les catastrophes météorologiques ayant marqué les trois mois tout juste écoulés.

  • La France meurtrie par deux canicules historiques

Un vaporisateur à la main, une infirmière rafraîchit le pensionnaire éreinté d’un hôpital gériatrique de Lyon. Coincées sous un anticyclone, agissant comme un couvercle sous lequel grimpait encore et encore la température, la France hexagonale et la Corse ont affronté l’une des canicules les plus précoces et intenses de leur histoire, du 19 juin au 4 juillet. Seize jours au cours desquels les organismes ont été mis à rude épreuve.

Dans un hôpital gériatrique de Lyon, une infirmière prend soin d’un patient accablé par les températures extrêmes, le 1er juillet 2025. © Jeff Pachoud / AFP

Pas moins de 480 morts de plus que la normale ont été constatées par Santé publique France. « Les personnes âgées de 75 ans et plus constituent la quasi-totalité » de cette hausse de 5,5 % de la mortalité. À leur fragilité du quotidien, s’ajoute pour elles une grande vulnérabilité aux coups de chaleur pouvant être fatals. Le travail des auxiliaires de vie, des aides-soignants et des infirmiers se révèle dès lors indispensable.

Un nouvel épisode éprouvant a touché le sud du pays en août. Onze jours de fournaise, qualifiés par Météo-France d’« exceptionnels » et comparables à la canicule historique de 2003, qui a tué 15 000 personnes. « Dans une France à + 4 °C d’ici 2100, des températures supérieures à 40 °C pourraient se produire tous les ans et des pics inédits de chaleur pourraient atteindre jusqu’à 50 °C localement », précise l’établissement public.

  • Des fillettes emportées par une crue au Texas

Au Texas, les célébrations de la fête nationale étasunienne ont été ternies à tout jamais par les crues qui ont tué 135 personnes. Le 4 juillet, des pluies diluviennes se sont abattues en périphérie de San Antonio. Près de 300 millimètres d’eau par heure ont été enregistrées : l’équivalent d’un tiers des précipitations annuelles. En seulement quarante-cinq minutes, la rivière Guadalupe a vu son niveau grimper de 8 mètres. Les prémices du cauchemar dans lequel a aussitôt été plongé Camp Mystic, un centre de vacances niché sur la berge.

Une cabane du Camp Mystic, où 27 fillettes sont mortes noyées dans une crue dévastatrice, le 4 juillet dans le Texas. © Ronaldo Schemidt / AFP

Quarante-huit heures plus tard, le photojournaliste Ronaldo Schemidt immortalisait le décor macabre. Le dortoir sens dessus dessous de fillettes âgées de 8 à 9 ans. À mi-hauteur des murs blancs, parsemés de photos et de posters, une démarcation nette témoigne de l’intensité du déluge. Les matelas et quelques doudous sont souillés par les eaux brunâtres. Au cœur de la nuit, plongées dans l’obscurité, 27 campeuses s’y sont noyées.

« L’eau a soufflé les fenêtres de cette cabane et a emporté toutes les filles et les animatrices, a déclaré le sénateur républicain du Texas, Ted Cruz, dans des propos rapportés par le New York Times. Je n’ai jamais rien vu d’aussi horrible de ma vie. » Des jours durant, des plongeurs en combinaison noire et des volontaires patrouillant à cheval ont ratissé les lieux en quête des corps disparus.

  • L’Espagne s’embrase, le Canada aussi

Encerclés par les flammes, six pompiers ont péri cet été dans la lutte inlassable contre les incendies dévorant la péninsule ibérique. Rien qu’en Espagne, plus de 350 000 hectares ont été calcinés, un record national. En dépit du dévouement des soldats du feu, des habitants décrivaient à Reporterre leur solitude face à l’horreur : « Ça fait dix jours que cet incendie ravage tout, ça me terrifie. Je vois le feu qui avance, mais aujourd’hui je n’ai entendu aucun avion ou hélicoptère. Où sont-ils ? Ils nous ont complètement abandonnés. »

Un membre de l’unité militaire d’urgence lors d’un incendie à Pepín (Espagne), le 19 août 2025. © Pablo Blazquez Dominguez / Getty Images Europe / AFP

Prises au piège, certaines espèces déjà grandement menacées — comme le grand tétras, l’aigle impérial, ou encore le percnoptère d’Égypte — pourraient avoir disparu, nous prévenait le conservateur Jorge Fernández Orueta. Le voyage de certains migrateurs, comme les cigognes blanches, a aussi certainement été perturbé par l’immense panache de fumée, aperçu jusqu’en France.

De l’autre côté de l’océan Atlantique, plus de 7 millions d’hectares avaient par ailleurs été réduits en cendres à la date du 13 août, au Canada. Un chiffre — plus de deux fois supérieur à la superficie de la Belgique — propulsant l’année 2025 au deuxième rang des pires observées dans le pays. Si la foudre et les activités humaines sont à l’origine d’une immense majorité des foyers, des facteurs en lien avec le changement climatique — températures élevées, faibles précipitations et diminution du manteau neigeux — accentuent le phénomène.

  • À Gaza, l’horreur continue sous des températures extrêmes

Une conserve rouillée en guise de récipient, un enfant s’éclabousse le visage. Une petite fille l’observe à travers le trou béant de son abri de fortune, stigmate de bombardements interminables. La scène a été photographiée le 13 août, par Abdalhkem Abu Riash. « Les températures à Gaza dépassent les 40 °C, aggravant encore davantage une situation déjà désespérée, alertait le lendemain l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens. Les réserves d’eau étant très limitées, la déshydratation s’accentue. » Privés de carburant, d’électricité et de matériaux de construction, les Gazaouis ne disposent d’« aucune protection contre la chaleur extrême ».

Un enfant se rafraîchit au milieu des décombres, sous des températures dépassant 40°C à Gaza, le 13 août 2025. © Abdalhkem Abu Riash / AFP

Interrogé par Euronews, Ahmad Awad, un Palestinien victime d’une grave blessure, craignait de ne pas s’en sortir : « Je ressens une chaleur extrême dans mes pieds. Parfois, je les gratte au point de me déchirer la peau juste pour soulager la douleur. » Les bâches en plastique, sous lesquelles ses enfants et lui se sont réfugiés, empêchent l’air de circuler. Aux yeux du personnel médical, les températures suffocantes entravent le rétablissement des patients — notamment ceux souffrant de brûlures — en accélérant la croissance bactérienne via la transpiration.

Elles favorisent en outre la famine, dont un peu plus de 500 000 Gazaouis souffraient à la date du 15 août, d’après un rapport des experts de l’IPC, un consortium d’ONG et d’agences internationales dépendant de l’ONU. Face à ce niveau extrême de malnutrition, plus de 41 000 enfants se trouveraient face à un risque mortel élevé. Cette crise alimentaire, amplifiée par la destruction par l’armée israélienne de l’agriculture locale, pousse des milliers d’habitants à risquer leur vie en tentant d’accéder aux distributions d’aide, en dépit des bombardements.

  • Des crues dévastatrices au Pakistan

« J’allais travailler au moment où j’ai vu une coulée noire me foncer dessus. Elle dévalait à toute vitesse, montant au-dessus des arbres. » Au micro de la chaîne d’informations Geo News, un habitant conte les quelques secondes ayant scellé le sort du district de Buner, dans le nord du Pakistan. « Les enfants jouaient dehors et les femmes étaient à l’intérieur des maisons. Tous ont été emportés et encore maintenant, de nombreuses personnes gisent sous les débris, on les cherche en aval », décrit à l’Agence France-Presse Abdul Khan, un autre riverain.

Une famille, assise devant sa boutique endommagée par la crue, dans le district pakistanais de Buner, le 18 août 2025. © Abdul Majeed / AFP

Les 14 et 15 août, des pluies torrentielles de mousson ont meurtri le pays d’Asie du Sud. Au moins 344 morts ont été enregistrées en quarante-huit heures. Trois jours après le drame, un couple et leur enfant ont été photographiés, figés devant leur boutique dévastée. Les images des maisons, rasées par les torrents d’eau charriant des rochers colossaux, semblent défiler dans le regard abattu de l’homme.

Débutée en juin, la mousson a été qualifiée « d’inhabituellement » intense par les autorités. Sous administration indienne, le Cachemire a aussi été frappé de plein fouet. Des dizaines de pèlerins hindous ont été emportés par une crue éclair, le 14 août. Figurant parmi les zones les plus exposées aux répercussions du changement climatique, ces territoires — situés dans les contreforts de l’Himalaya — voient le risque de crue multiplié par l’addition de la mousson et de la fonte des glaciers. De nouvelles inondations sévissent, début septembre, forçant à l’évacuation 850 000 personnes.

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Source: https://reporterre.net/Catastrophes-climatiques-les-images-d-un-ete-meurtrier

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