Censurer ou ne pas censurer François Bayrou, l’heure du choix au PS (H.fr-15/01/25)

Lors du bureau national du PS de mardi, Olivier Faure a été lâché par une partie de ses partisans en interne et soutenu par ses opposants, dont les proches de François Hollande. © Vincent Loison/Agence 1h23

Déçus par le discours de politique générale du premier ministre, les députés socialistes ont poursuivi mercredi leur stratégie visant à obtenir des garanties sur les réformes à venir. Sans réponse, ils censureront l’exécutif, comme la FI, le PCF et les Écologistes.

Par Aurélien SOUCHEYRE & Emilio MESLET .

Les socialistes censureront-ils François Bayrou ce jeudi ? Après avoir, pendant des semaines, dialogué avec le gouvernement afin d’infléchir la politique macroniste et d’« arracher » des victoires pour les Français, le discours de politique générale du premier ministre, mardi, leur a fait l’effet d’une douche froide. « On a vu les socialistes se décomposer. Ils cherchaient les avancées qu’ils pensaient avoir obtenues. Sauf qu’il n’y avait rien. Ils se sont fait marcher dessus », raconte un député écologiste.

« À ce stade, le compte n’y est pas », a même déclaré Olivier Faure, premier secrétaire du PS, qui attendait beaucoup plus de gestes de la part de l’exécutif. « Si on se fait entuber, on censurera », prévient un autre socialiste en colère. « Il reste quelques heures pour recevoir un courrier avec la reprise de nos propositions », menace un troisième. « La stabilité pour la stabilité, ça n’a pas de sens. On ne veut pas la stabilité sans la justice », insiste Arthur Delaporte, porte-parole des députés PS.

En cause, la question de la taxation des hauts patrimoines et des transactions financières, les postes dans l’Éducation nationale, les dépenses de santé et, surtout, la réforme des retraites. « Le premier ministre laisse au Medef un droit de veto. Ça ne va pas », fait remarquer l’élu PS Laurent Baumel.

Suffisant pour le PS ?

La proposition de « conclave », où syndicats et Medef seront chargés de s’entendre sur une alternative à un départ en retraite à 64 ans, a ulcéré la gauche, le patronat pouvant in fine bloquer les négociations, car, sans convergence, la loi Borne, adoptée par 49.3, continuera alors de s’appliquer.

L’intervention de François Bayrou, mercredi au Sénat, était donc attendue de pied ferme. Le premier ministre y a annoncé qu’en cas d’accord les propositions du conclave seraient transmises au Parlement. Et qu’en cas de désaccord, a-t-il cette fois ajouté, un projet de loi serait soumis au Parlement « s’il y a des changements positifs et possibles », même sans « accord général ».

Une réponse à la pression mise par le PS. Olivier Faure a, lors des questions au gouvernement, exigé que les députés reprennent quoi qu’il arrive la main. « Le statu quo sur les retraites n’est pas possible. C’est pourquoi, même dans le cas où syndicats et patronat ne trouveraient pas d’accord, alors il reviendra à la démocratie parlementaire de s’exprimer. Le Parlement doit avoir dans ce cas le dernier mot. »

Le dirigeant socialiste fait de cette exigence la « clé de voûte » des discussions et de la position à adopter ou non par le PS lors du vote sur la motion de censure. François Bayrou, lui, a renoncé à la suppression de 4 000 postes d’enseignant, mais maintenu sa position sur les retraites. Évoluera-t-elle d’ici le vote de ce jeudi ? Cela sera-t-il suffisant pour les socialistes ?

Ne pas offrir de division

Lors du bureau national du PS de mardi, Olivier Faure a été lâché par une partie de ses partisans en interne et soutenu par ses opposants, dont les proches de François Hollande. Et les socialistes n’avaient pas encore tranché sur leur position au moment de boucler cette édition, mais le débat est des plus vifs. « Il y a des bougés, mais sont-ils de nature à nous faire bouger ? » interrogeait Arthur Delaporte.

« On doit quoi qu’il arrive être unis et ne pas offrir notre division. Que l’on soit pour ou contre la censure, cela ne fera pas beaucoup de différence puisqu’elle ne passera pas », avance un député, au motif que le Rassemblement national (RN) a annoncé qu’il n’entendait pas faire tomber l’exécutif.

« Mais l’enjeu est autre : ce qui se joue jeudi, c’est l’avenir du Nouveau Front populaire (NFP) et la place des socialistes à gauche. EELV, le PCF et la FI ont annoncé qu’ils allaient censurer. On ne peut pas rester tout seuls dans notre coin après un si mauvais discours de Bayrou, qui annonce une politique de droite », analyse un autre parlementaire. Et encore un autre d’alerter : « Si nous n’arrivons pas à attirer Bayrou à nous, il finira par se faire dicter ses réformes par le RN. »

« J’entends l’argument du poids du RN. Mais, dans son discours, Bayrou a multiplié les clins d’œil à l’extrême droite sans jamais parler aux socialistes. La réalité, c’est que ses ministres sont plus d’accord avec le RN qu’avec la gauche », objecte Cyrielle Chatelain. La présidente du groupe Écologiste et social à l’Assemblée, dont le parti voulait lui aussi infléchir la politique du gouvernement, mesure que c’est un échec : « Manifestement, on n’a rien infléchi. Alors je ne vois pas pourquoi j’infléchirais ma politique. »

D’où l’annonce d’une censure à venir, choix également fait par la grande majorité du groupe GDR, où siègent les communistes. « C’est d’un changement de cap majeur que notre pays a besoin », relève le député PCF Stéphane Peu. « Si je me mets une minute à la place d’un député PS, je ne comprends pas comment il serait possible de justifier de ne pas voter la censure. Tous ceux qui ne voteront pas la censure seront complices de la politique de Bayrou et de la continuité de la politique macroniste en France », résume un député FI.

Dans la motion de censure présentée, la gauche (hors PS) pointe que la simple présence de François Bayrou à Matignon relève du « déni de démocratie », alors que le NFP est la force qui a obtenu le plus de députés lors des législatives. « Nous refusons de banaliser ce coup de force, inédit parmi les démocraties parlementaires. »

« En décidant de reprendre le budget présenté par Michel Barnier, le gouvernement assume de perdre des recettes, de bloquer toute nouvelle mesure fiscale ambitieuse et de rehausser le niveau de l’austérité à 50 milliards d’euros. Le budget de François Bayrou sera celui de Michel Barnier, en pire. Dès lors, la censure est une mesure de protection des Français », ajoutent les signataires, argumentant qu’il n’y a aucun sursis à donner à François Bayrou et rien à attendre de lui.

Mais derrière l’idée de négocier avec l’exécutif, ou de l’ignorer, se joue aussi une bataille de leadership sur la gauche entre le PS et la FI. « Si les deux pouvaient arrêter d’essayer de nous tirer vers eux, ce serait bien. On ne fait pas les choses en fonction d’eux. On ne va pas à Bercy pour se rapprocher du PS tout comme on ne vote pas la censure pour se rapprocher de la FI. On fait les choses car on pense qu’elles doivent être faites », rappelle Cyrielle Chatelain. Mais que penseront les députés PS au moment de voter ?

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Source:https://www.humanite.fr/politique/assemblee-nationale/censurer-ou-ne-pas-censurer-francois-bayrou-lheure-du-choix-au-ps

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