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Empêtré dans sa contradiction, entre un soutien sans participation au gouvernement et sa volonté d’apparaître comme son premier opposant, le Rassemblement national envisage de voter une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier.
Par Emilio MESLET.
Début septembre, en nommant Michel Barnier à Matignon avec l’aval du Rassemblement national, Emmanuel Macron avait délibérément laissé le titre officieux de maître des horloges à Marine Le Pen. Selon les échos de l’Assemblée nationale, celle-ci a visiblement décidé d’accélérer le tempo. Le parti d’extrême droite pourrait mettre fin à son soutien sans participation au gouvernement en votant une motion de censure déposée par la gauche, à l’issue de l’examen du budget 2025 et la probable utilisation de l’article 49.3.
« La décision n’est pas prise » mais le gouvernement « prend le chemin » d’une motion de censure, plastronnait, lundi soir sur BFMTV, Jordan Bardella, président du parti lepéniste. Ces derniers jours, ses troupes ont fait monter la pression. « Si Michel Barnier voulait créer les conditions de la censure, il ne s’y prendrait pas autrement », ironise par exemple le député Sébastien Chenu.
« C’est devenu inévitable », menace aussi, auprès du Monde, l’eurodéputé Philippe Olivier, par ailleurs conseiller de la patronne qui « elle seule tranchera ». Marine Le Pen a d’ailleurs confirmé, à l’AFP, réfléchir à faire tomber l’équipe ministérielle : « Oui, il y a un chemin qui s’est fait dans mon esprit. (…) Ceux qui sont confiants ne devraient pas l’être tant que ça. »
Un contrefeu médiatique
Si le RN laisse penser que l’emploi de l’article 49.3 serait le déclencheur de la censure, ses motivations cachées témoignent davantage du malaise dans lequel il se trouve. Sa position de soutien à l’exécutif – et donc de sa cure d’austérité ou ses cadeaux fiscaux au patronat – est intenable pour un parti revendiquant le statut de premier opposant. « Ce qui nous retenait de voter la motion de censure, c’étaient deux électorats de conquête : les retraités et les chefs d’entreprise. Nous craignions qu’ils nous accusent d’irresponsabilité », explique, sous couvert d’anonymat, un cadre du RN à l’AFP.
Mais ses électeurs historiques ne comprennent pas ce double discours. « Dans les circonscriptions populaires, on dit qu’il faut foutre en l’air ce gouvernement », rapportait, mi-octobre au Monde, le député Bruno Bilde. D’autant que la formation d’extrême droite, bien qu’elle ne soit plus traitée en paria par l’exécutif, ne peut revendiquer aucune victoire sur le budget pour les classes populaires.
« (Michel Barnier) n’a rien négocié avec le Rassemblement national », regrette, par exemple, Jean-Philippe Tanguy. Un contexte auquel il faut ajouter le procès des assistants parlementaires, où le parquet a requis cinq ans de prison, dont trois avec sursis, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire contre Marine Le Pen. Voilà qui donne un cocktail propice à une censure de façon à offrir un contrefeu médiatique, lui permettant de revendiquer le scalp du gouvernement.
Au sein de la coalition au pouvoir, le trouillomètre est donc à son maximum, bien qu’on y espère que l’examen d’un énième projet de loi contre l’immigration, début 2025, empêche le RN de voter la censure. Le président d’Horizons Édouard Philippe va, lui, jusqu’à agiter la crainte d’une « crise financière » si l’équipe Barnier venait à tomber.
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