« C’est du gâchis, nous sommes tellement écœurés » : les 167 salariés d’E-Loft perdent leur emploi (OF.fr 16/06/2023)

Ils ne se berçaient plus d’illusions. Les 167 salariés d’E-Loft, spécialiste de la construction de maisons modulaires en bois, ont officiellement appris, ce vendredi 16 juin 2023, la mise en liquidation de l’entreprise, qui avait fait en partie renaître la friche de Chaffoteaux et Maury, dans la zone des Châtelets, à Ploufragan (Côtes-d’Armor). Des employés témoignent.

« Ce qui ce passe était écrit depuis le début de l’hiver. Ces sept derniers mois ont été très longs. Ils ont fait traîner les choses… », déplorent les salariés. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

Devant l’entrée de l’entreprise E-Loft, dans la zone des Châtelets, à Ploufragan (Côtes-d’Armor), deux bennes rouges. Derrière les vitres, il n’y a presque plus de vie. Les bureaux sont quasiment déserts. À l’arrière du site, où on construisait des maisons en ossature bois, des grandes bennes blanches. Des morceaux de bois dépassent. Ça sent presque le vide. La mort programmée d’un site industriel, qui a redonné de la vie à l’ancienne friche Chaffoteaux et Maury, avec ses maisons modulaires. La flamboyance du début de l’aventure a laissé place à la décadence.

« On nous interdisait de vendre des maisons »

Ce vendredi 16 juin 2023, en début d’après-midi, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a prononcé la liquidation judiciaire de l’entreprise, qui emploie 167 salariés« On sait ce qui nous attend, on ne se fait plus d’illusions… », déclaraient quelques salariés, un peu plus tôt dans la journée, avant que l’information soit officialisée au cours d’une réunion interne. « Ah ben, salut ! Ça faisait longtemps », lâche un salarié, en arrivant sur le site. Ce sont des retrouvailles amères sous un soleil estival. Certains employés ne sont pas venus depuis plusieurs mois. Comme ce commercial. « C’est du gâchis, un écœurement total », partage-t-il, au milieu de ses collègues, autant dégoûtés que lui. « Ce que l’on vit depuis décembre 2022 est compliqué. On nous interdisait de vendre des maisons. Comment peut-on redresser la barre en mettant les forces commerciales à l’arrêt ? »

« Ces sept derniers mois ont été très longs »

Il ne reste plus beaucoup de personnes à travailler sur le site, moins d’une dizaine. | OUEST-FRANCE

Une interrogation partagée par l’équipe de douze commerciaux, répartis dans l’Hexagone et au chômage depuis janvier. Plusieurs salariés sont perplexes. « Ce qui se passe était écrit depuis le début de l’hiver. Ces sept derniers mois ont été très longs. Ils ont fait traîner les choses… »

Dans les locaux, « il n’y a plus grand monde », rapporte cette trentenaire, qui travaillait depuis trois ans et demi dans le secteur logistique. « Il y a encore une poignée de personnes de la comptabilité et des ressources humaines, jusqu’à début juillet », ajoute sa collègue du service après-vente. Plusieurs salariés étaient en chômage partiel. « Et dire qu’en décembre dernier, ils embauchaient encore en CDI… » Ce commercial quinqua, qui a connu le site de Pommeret-Yffiniac, se voyait « bien finir sa carrière là ». Il se souvient des débuts enthousiasmants. « Des maisons en bois construites en atelier, c’était quelque chose d’innovant. J’ai appris du modulaire. Pour moi, c’était la façon de construire de demain. »

Les bureaux vidés, les téléphones rendus

Ces derniers jours, « on a vidé les bureaux, rendu les téléphones ». Les voitures de fonction ont été « restituées ». | OUEST-FRANCE

De l’espoir, il n’y en avait plus. « On savait que ça n’allait pas. » Les deux offres de reprise n’ont pas été suffisamment solides pour faire jaillir de l’optimisme. « On a été baladé sur les repreneurs », estiment des salariés, qui ont vu l’ambiance se dégrader au fil des mois. « Depuis décembre, les rendez-vous avec les futurs clients étaient annulés. Tous les chantiers étaient à l’arrêt. » Ces derniers jours, « on a vidé les bureaux, rendu les téléphones. » Les voitures de fonction ont été « restituées ». Ce vendredi après-midi, le site internet d’E-Loft a été mis en maintenance, les comptes sur les réseaux sociaux désactivés.

Les salariés veulent tous « rebondir »

Un cadre de travail de plus en plus pesant. « Il y a eu beaucoup d’arrêts maladie, certains sont partis. Quelques-uns ont déjà retrouvé du travail. » Quand les cadres commencent à quitter le bateau, « c’est un premier signal ». Dans cette boîte qui a beaucoup communiqué sur différents supports pour recruter les années passées, avec la garantie de la formation en interne, la moyenne d’âge était « de moins de 40 ans » et l’ancienneté s’élevait « à deux ans et trois mois ». Plusieurs couples s’étaient aussi formés. « Je suis perdue, dans le flou. J’ai aimé cette entreprise. La maison bois, ça me parlait… Je ne sais pas ce que je vais faire. Peut-être créer mon entreprise… Mais mon mari est déjà patron. Il faut que ça mûrisse. Je vais passer l’été avec mes enfants », témoigne cette salariée, qui cherche à positiver.

Une autre sait déjà qu’elle va « suivre une formation dans le social, je ne veux plus bosser dans le bâtiment ». À l’instar de ce commercial : « Une page se tourne. Je commence à chercher depuis une semaine, mais pas dans le domaine de la construction. » Les salariés veulent tous « rebondir ».

« C’est dommage d’en arriver là »

C’est la fin de l’aventure E-Loft, dans la zone des Châtelets, à Ploufragan. | OUEST-FRANCE

Les indemnités supralégales s’élèvent de « 5 000 à 14 000 € », selon l’ancienneté. Un suivi a été mis en place avec l’appui d’un cabinet pour accompagner les salariés pendant un an (reconversion, formation, création d’entreprise). « Je ne me suis pas sentie toute seule. C’est rassurant », accorde cette employée.

Plusieurs ont été reçus par un psychologue, qui venait sur le site, une fois par semaine. « Cela a permis de désamorcer des situations », considère ce commercial. Dans les rangs autour de lui, beaucoup de désabusement. « C’est dommage d’en arriver là. L’entreprise a grandi trop rapidement et il y a eu des erreurs de gestion, trop de diversification… La masse salariale était trop grosse. Le groupe belge Etex a nommé un directeur localement beaucoup trop tard », analysent, en substance, les salariés, constatant la baisse du volume de maisons vendues, en passant de 170, en 2020, à 125, en 2022. Affiché en façade du site, le slogan « Ma maison, l’esprit libre » n’est plus d’actualité…

Auteur : Soizic QUÉRO

Source : « C’est du gâchis, nous sommes tellement écœurés » : les 167 salariés d’E-Loft perdent leur emploi (ouest-france.fr)

URL de cet article : « C’est du gâchis, nous sommes tellement écœurés » : les 167 salariés d’E-Loft perdent leur emploi (OF.fr 16/06/2023) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)

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