
Débrayages à répétition, signalement au procureur… Depuis la fin d’année 2022, la situation est tendue dans les hôpitaux du nord Finistère. Syndicats et personnels réclament des moyens supplémentaires pour faire face à l’afflux de patients aux urgences.
« Après de multiples alertes auprès de la direction (*), de l’Agence régionale de santé (ARS) et même du procureur de la République, on est un peu arrivés au bout du bout », soupire Thomas Bourhis, secrétaire général CGT du CHRU Brest-Carhaix.
La situation est tendue depuis plusieurs semaines, dans les hôpitaux du nord du département. « On ne cesse de dénoncer le fonctionnement dégradé des urgences, avec des temps d’attente qui augmentent de manière exponentielle et des soignants épuisés », résume Thomas Bourhis, qui rappelle avoir déposé, avec les syndicats CGT des établissements de Brest-Carhaix, Landerneau et Morlaix, un signalement pour mise en danger de la vie d’autrui auprès du procureur de la République à Brest (Finistère).
48 heures dans la « salle d’attente allongée »
Lors d’un nouveau débrayage, à Brest, de 14 h à 15 h, jeudi 12 janvier 2023, le syndicat a souhaité donner la parole aux premiers concernés, le personnel des urgences.
Beaucoup dénoncent les dérives de la « salle d’attente allongée », censée fonctionner uniquement en journée, avec un binôme infirmier-aide soignant en surveillance et pour pratiquer les soins. « Mais ces derniers temps, c’est du 24 heures/24, au point que le ménage n’a pas pu y être fait pendant une semaine entière. »
Là, « 22 à 25 brancards » permettent d’accueillir autant de personnes, « du patient en attente d’une opération au genou à la personne en gériatrie, souffrant d’escarres et sous perfusion ». Certains y restent « jusqu’à 48 heures, sans autre intimité qu’un paravent, et sans accès à des sanitaires ou point d’eau ». D’autres y décèdent – comme cela aurait pu se produire ailleurs dans l’hôpital – « mais cette fois-ci dans des conditions non décentes », déplorent ces soignants.
La solution idoine serait bien sûr « des places en hospitalisation et soins de suite, reprend Thomas Bourhis, mais à défaut, au moins un binôme en service 24 heures/ 24 », au lieu de, souvent, une personne seule la nuit.
« La génération Y ne restera pas »
À la demande de l’ARS, tous les établissements de santé publics et privés du Nord-Finistère ont actionné le plan blanc juste avant Noël, afin de faire face à la triple épidémie de grippe, de Covid-19 et de la bronchiolite.
Outre une solidarité inter-établissements et le recours à des professionnels de santé à la retraite, des membres de la protection civile ont aussi été sollicités. « On en est arrivé à faire venir des bénévoles dans l’hôpital public, raille Thomas Bourhis, dénonçant l’effondrement d’un système ». « Il est en train de mourir par épuisement », abonde un soignant.
Face à l’engorgement des urgences, faut-il refuser l’accès à certains patients ?
Comme ses collègues, ce dernier dit ne plus supporter d’être rappelé sur ses jours de repos. « Je rêve simplement d’avoir une vie de famille. »
Outre l’ouverture de lits, le recrutement de personnel est logiquement demandé par tous. Mais selon le syndicat, l’hôpital souffre désormais d’un manque d’attractivité de nature à décourager les plus motivés. « Ceux de la génération Y, les 25-30 ans, font deux ou trois ans puis ils arrêtent », remarque une infirmière, quand le secrétaire général de la CGT évoque « ces médecins urgentistes qui nous disent : “Je vais m’en aller, je n’ai pas signé pour ça” ».
(*) Contactée, la direction du CHRU indique qu’elle s’exprimera « la semaine prochaine » sur le sujet des urgences.
Delphine VAN HAUWAERT.