Ce mardi 25 février 2025, à Ouessant (Finistère), les Affaires maritimes ont présenté leur projet dit de « modernisation » du phare de Créac’h contre lequel les habitants de l’île sont vent debout. Mais les Ouessantins ont défendu farouchement leur « amiral » et sa lumière unique, qui est « un peu de leur âme », demandant le report, voire l’abandon du programme.
Par Laurence GUILMO.
« Notre phare n’est pas un lampadaire ! On veut du temps. Il n’y a pas d’urgence ! » Tel est le message adressé par les Ouessantins ce mardi 25 février 2025, aux Affaires maritimes, lors de la réunion publique concernant le devenir du Créac’h. Durant deux heures, dans une salle comble avec 200 personnes, la réunion a été tendue, mais sans véhémence, chacun pouvant exprimer ses arguments sur le « phare amiral » de l’île. Le plus puissant d’Europe. Une lumière composée de huit faisceaux, unique au monde, auxquels les Ouessantins sont attachés. Celui dont le projet de « modernisation » prévoit de réduire sa portée de 30 milles (55 km) à 19 (35 km) et de le déclasser au bénéfice du Stiff voisin.
Par la voix d’Eric Vassor, directeur adjoint, les Affaires maritimes ont tenté de « rassurer », affichant leur volonté de « préserver et valoriser le patrimoine. » Il a évoqué le retrait du mercure, dans lequel flottent les lentilles, en application d’un traité international. Il n’existerait pas de procédé non toxique permettant de conserver le système actuel avec ses huit faisceaux. Mais il promet la « réversibilité des solutions mises en œuvre » si des nouvelles techniques le permettent.
« Les marins verront le même feu »
Ses deux objectifs sont la « réduction des risques » et l’adaptation aux « nouveaux usages » maritimes :les navires sont équipés de GPS et 80 % des secours en mer concernent des plaisanciers. Il l’assure : la sécurité en mer continuera d’être assurée. « Les marins verront le même feu, composé de quatre faisceaux au lieu de huit, mais toujours un éclat toutes les deux secondes. »
En 2024, une fuite sur un robinet a nécessité une intervention en urgence. La maintenance qui doit être effectuée cette année (tous les 20 ans) est l’occasion de faire des travaux préventifs.
En face, d’anciens gardiens de phare se sont exprimés, mettant en cause la dangerosité du mercure « dans un phare à terre ». Et estimant qu’il n’y a pas d’urgence. Alors, pourquoi ne pas attendre 2030, date limite pour le retrait du mercure ? Jean-Jacques Quinquis, ingénieur, craint pour la sécurité maritime dans le rail d’Ouessant, l’une des plus grandes autoroutes maritimes du monde. « Un phare à 19 milles ne peut pas être mieux qu’un phare à 30 milles ! »
« C’est un peu notre âme ! »
Lidya Rolland, première adjointe à Ouessant, réclame « l’abandon du projet ». Pour Mélanie Thomin, députée (PS), un travail doit être mis en place « avec les élus et les habitants ». Elle a évoqué « le contexte géopolitique, instable, où les instruments d’aide à la navigation comme le satellite et le GPS peuvent être brouillés ».
Le débat a aussi porté sur l’aspect « patrimonial » du Créac’h, classé monument historique depuis 2011. Une protection qui concerne le bâtiment, la lanterne et ses lentilles, mais pas sa lumière ! « Ses optiques et son feu font partie intégrante du phare sinon ce n’est qu’une coquille vide ! » s’est exclamé le fils d’un ancien gardien de phare.
« C’est plus qu’un phare, c’est un peu notre âme ! » a insisté Isabelle Le Bal, qui a exhorté la directrice de la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) à prendre en compte cet aspect culturel du « patrimoine immatériel » reconnu par l’Unesco. Christine Jablonski l’admet : « Il y a quinze ans, cet aspect n’a jamais évoqué lors des débats. »
°°°
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/cest-pas-un-lampadaire-le-projet-de-renovation-du-phare-emblematique-douessant-fait-des-vagues-of-fr-25-02-25/