
Par Jean-Luc MELENCHON
La canicule vit sa vie comme une malédiction. Il ne suffit pas d’elle, il faut encore supporter les commentaires qu’elle suscite. Quand des réactions fusent dans les sphères autorisées, la stupidité des responsables du désastre devient aussi insupportable que ses conséquences climatiques. Voyez : le gouvernement vient de faire voter la loi Duplomb anti-écologique ? Il n’a rien fait pour régler le terrible problème des bouilloires thermiques, ni celui de l’isolation des écoles ? Peu importe : il a donc trouvé une autre idée : contre la chaleur, il recommande …. la fraîcheur. Et boire de l’eau ! Sinon c’est de « l’écologie punitive » dit madame Le Pen. Ces brillantes trouvailles font chaud à la tête. Ils ne sont donc décidément bons à rien ! Nous les insoumis, nous avons pris le problème par un autre bout : l’action politique. Nous avons présenté un plan anti-canicule à notre conférence de presse hebdomadaire du groupe parlementaire. Cinq propositions de lois. Elles devraient être inscrites à l’ordre du jour de la session extraordinaire si la vie politique s’inscrivait dans la réalité de l’existence du pays.
Le sommet de l’OTAN a été une humiliation. Tous les participants ont accepté la capitulation sans condition exigée par Trump : 5 % du PIB sera consacré à acheter des armes américaines. Seule l’Espagne a résisté. Le tyran a aussitôt répliqué : « on va vous taxer à mort ». La pauvre Von der Leyen, cette marionnette atlantiste, a dû sentir ses poumons devenir liquides. Demain, elle va aller capituler à son tour : 10 % de droits de douane à l’entrée du territoire USA. L’Europe puissance, l’Europe souveraine, le contre-modèle aux USA, est juste une pitoyable arrière-cour de l’empire. Mais les agenouillés ne sont pas tous égaux. L’Allemagne va investir plus de cent milliards par an dans l’économie d’armement. Son chef, le droitier Mertz, veut, avec le soutien du PS allemand, construire « la première armée conventionnelle du continent » s’extasie Le Monde. Cette vieille admiration pour nos « amis allemands » ratisse large en France depuis toujours et en toutes circonstances. Qui se risquerait à part moi (mais oui) à demander : « pourquoi faire la première armée conventionnelle d’Europe » ? Je ne suis pas d’accord pour ce plan de réarmement conventionnel. Donc cent milliards par an. Et la France ? Rien à cause des dettes paraît-il. Nous allons être dominés de toutes les façons possibles dans notre chère bonne vieille Europe qui n’est plus ni celle de la paix ni celle du progrès social ni aucune des balivernes qui lui ont servi d’argument pour nous ruiner depuis trente ans. Le « rêve européen » continue. En uniforme. Ça fait froid dans le dos.
La fin du macronisme est désormais un sentier encombré de débris. Les grandes illusions périssent d’être muettes. Qu’est-ce que le macronisme ? Qui se pose même la question ? La macronie des palais erre donc entre frustrations et récriminations. Une troupe indisciplinée, bavarde et complotiste. Ses bancs restent vides à l’Assemblée et ils ont tout simplement disparu sur le terrain. Même leurs journalistes à gage ne savent plus quoi dire, ni quoi défendre. Et dire du mal de LFI ou me rendre responsable de tous les maux du monde ne compense plus. Toute cette déprime aide à la débandade qui gagne dans ce camp. Elle nous sert, car la macronie s’use toute seule et avec énergie. On l’a vu dans le débat sur la motion de censure quand le PS se rachetait de leur absurde pacte de non-censure avec Bayrou. Mais la forfaiture de Macron refusant de reconnaître le résultat des élections reste sans problème dans la bonne conscience de ces députés accrochés au pouvoir. Ce viol de la démocratie est pourtant voué à être payé comme l’a été celui de 2005 et la négation des 55 % de vote du « non » au traité constitutionnel européen. Cette certitude anime nos plans et stratégie à moyen terme, inclut l’élection présidentielle de 2027. Elle aura lieu en effet dans un temps fort de crise économique, géopolitique et climatique. Les demi-teintes y feront de la figuration.
Ce jour de censure à l’Assemblée était une comédie. Il faut dire qu’avec un Hollande annonçant qu’il votait cette censure parce qu’elle n’avait aucune chance d’être adoptée, le décor en carton-pâte monté par le PS avait en effet du mal à convaincre. Mais quand chaque séance de ce type et d’autre est pour nous une école de formation de nos orateurs et de notre capacité de travail, c’est le néant autour de nous. Pas un orateur pour se réclamer de l’œuvre magnifique du macronisme à la tribune. Juste un défilé inepte de bavards faisant semblant de prôner le sacrifice et les efforts dans des postures churchilliennes en pâte à modeler. Sans toucher au portefeuille des riches, évidemment. Ceux qui ont accumulé les dettes publiques inutiles, appauvri l’État, abîmé la Sécurité sociale, gavé les oligarques se donnent de grands airs de gestionnaires responsables. Bayrou accrochera même les gouvernements qui « depuis quarante ans ont ruiné le pays ». Les premiers ministres macronistes et LR ont dû apprécier ! La mule du pape rue ! Dans une ambiance déjà suffocante de politiciens calamiteux, Marine Le Pen a battu des records. « Le RN ne votera pas la motion de censure contre Bayrou car « elle n’apporte rien aux Français » déclare-t-elle la main sur le cœur. Tandis que le maintien de Bayrou leur apportera quoi, madame Le Pen ? Précision : Macron veut dissoudre l’Assemblée nationale si Bayrou est censuré. Dans ce cas, Marine Le Pen ne pourrait pas se présenter à des législatives, puisqu’elle a été condamnée à 5 ans d’inéligibilité, condamnation immédiatement exécutoire. La poubelle de l’histoire s’est donc remplie doucement avec les pelletées énergiques d’un Premier ministre, sauvé une fois de plus par l’abstention du RN. Tel est le vrai état du macronisme : Bayrou au balcon, Le Pen aux tisons. Ce bric-à-brac politique se fédère petit à petit sur un programme en deux points : un, la lutte contre les immigrés et leur descendance et deux la haine de LFI. Le Monde a décrit assez bien comment la haine de LFI constituait une ligne commune capable de fédérer toutes les droites. Il rapproche cette situation de la haine anti-communiste des lendemains de la guerre. Nous serions alors « l’ennemi utile » de ce petit monde puisque nous permettons qu’il se fédère contre nous. Évidemment les tireurs dans le dos du centre gôche complètent ce travail. Mais se rendent-ils compte qu’ils creusent leur propre tombe ? Car, bien sûr, tous ceux qu’ils veulent séduire en diffamant LFI ne vont certainement pas voter pour eux non plus. Et ceux qui votent LFI non plus.
La primaire de la « gôche » a déjà un contre modèle. À New York, le mistigri des primaires de division s’est étalé au grand jour. Un cas d’école. À peine élu candidat commun dans une primaire démocrate, Zohran Mamdani le démocrate est déjà repeint en « ultra-gauche, antisémite, wokiste »… et tutti quanti par ses propres « camarades » démocrates. Il a donc le malheur de voir son concurrent battu décider de se présenter quand même à l’élection. Comme l’avaient fait en France Valls après son échec devant Benoît Hamon, et aussi De Rugy et compagnie aux primaires présidentielles françaises de la gôche en 2016. Les « unionistes », « unitaires » et autres émouvants clubs mondains de la gôche nous convoquaient en espérant notre absence. Grosse ficelle bien identifiée par les observateurs. Du coup cela n’intéresse personne. Ni les millions d’électeurs insoumis pris pour des nigauds par cette gôche, ni ceux qui adhèrent à la ligne Glucksmann que cette équipée rêve de lui subtiliser. Tout le monde semble se moquer de cet épisode : Ainsi l’appel de Lucie Castets la veille de cet événement provoque 23 retweets. Cette primaire est une manœuvre dont Jadot a reconnu l’avoir tenté en son temps à la présidentielle de 2017 « pour faire porter le mistigri de la division à LFI » a-t-il reconnu « Mais ça n’a pas marché » a-t-il rappelé. Maintenant il craint plutôt que cela ne crée une illusion dangereuse : ce serait l’idée que LFI puisse faire partie de cette coalition. Et même pire ; que LFI puisse gagner la primaire et avoir le candidat commun à son issue. Supposons que ce soit le cas. Quelqu’un peut-il croire que Jadot, Meyer Rossignol, Carole Delga, Jerôme Guedj et toute la droite du PS et des Verts se rangeraient derrière la candidature LFI ? Bien sûr que non. Aussitôt tous ces gens s’enfuiraient avec mille mauvaises paroles et la campagne serait immédiatement ruinée pour la malheureuse candidature commune. Ces gens font tout cela dans l’unique but de contourner LFI et les engagements programmatiques que cela implique. Leur dénominateur commun : « pas de LFI ». La preuve avec la nomination de Lucie Castets. À peine étions-nous vainqueurs de la législative de 2024, Olivier Faure klaxonnait : « pas Mélenchon ». Pourquoi ? Pas d’explication de l’homme qui avait pourtant annoncé : « le premier ministre viendra du groupe le plus nombreux à l’Assemblée ». Et quand LFI proposa quatre autres noms, ce fut…. le refus d’en parler. Le PS nous saoula et bloqua la discussion cinq jours avec la candidature de Faure présentée et défendue par Faure, puis Tondelier après son refus d’Huguette Bello sortit du chapeau celui de Cécile Duflot. La proposition de Lucie Castets fut arrachée en dernière minute sur une liste proposée par Olivier Faure. Personne ne la connaissait ni ne l’avait rencontré avant cela dans le groupe qui devait décider. Il s’agissait de débloquer la situation avant que Macron ne parle au 20h pour lui couper la possibilité de nous rendre responsable de l’enlisement politique. Les LFI serrèrent les dents et jouèrent le jeu. On voit ce que cela a donné. Même sketch sectaire au moment de proposer un nom de candidat pour la présidence de l’assemblée nationale. Et ainsi de suite. De nouveau aujourd’hui c’est : n’importe qui tout sauf LFI. Ainsi Tondelier a commencé immédiatement avec son rejet public de ma candidature (que je ne propose pas) « la pire au second tour » répète-t-elle, forte de son immense expérience des campagnes présidentielles et de ses scores à 5 %. La presse Bolloré et consort s’est empressée de diffuser.
Certes cette « unitaire » a réussi à faire oublier son refus de la liste commune aux européennes. C’était notre décision de le laisser croire. La « hype » médiatique dont elle a disposé ensuite fit nos affaires : une amnistie générale donnant au NFP un air soudé. Mais à présent, ce n’est plus le cas. Elle et ses chers amis du PS devront d’abord revoir leur copie. Ils avaient beaucoup brodé sur un thème commun « aux municipales, pas de LFI ni au premier ni au deuxième tour ». C’était le refrain d’Emmanuel Grégoire, l’actuel candidat du PS aux municipales à Paris. À présent, les gesticulations de l’arrogance butte sur la réalité : à ce prix-là, comment comptent-ils voir une mairie de gauche ? La question est posée à Paris (17 % LFI sondage) , à Lyon (15 % LFI), à Marseille (20 % LFI), et ainsi de suite ? Oui comment ? Mettez les patins avant d’entrer dans la salle d’attente, chers amis !
L’unité à « géométrie variable » de Faure et Tondelier selon les caprices et les plans de carrière n’en est pas une. C’est juste une nouvelle fois un « coup de com » comme l’a dit Jadot. Et une opportunité pour exister dans la cour des grands pour diverses personnes très égotiques. Le huis clos entre eux va être passionnant. Surtout quand la solennelle « discussion sur le programme » commence par effacer les deux programmes que PS et Verts avaient signé avec LFI. Tout le monde connaît la suite. Le programme de cette équipe, s’il y en a un et si la primaire a lieu, sera une copie diminuée de « l’Avenir en commun » comme à chaque fois. Pour le reste, la liste des pré-candidats à cette primaire fait autant envie que la guerre des « TO » au congrès du PS. Le décor n’est même pas planté encore, mais nous avons déjà foule pour y jouer un rôle. Trois candidatures EELV, l’officielle plus Rousseau et Piolle, à quoi il faut ajouter Olivier Faure, Jérôme Guedj, Autain, Ruffin et Ségolène Royal (la seule qui sache de quoi il s’agit). C’est un secret de polichinelle que la droite de la gôche finira en rangs serrés derrière Glucksmann si un seul de ces noms l’emporte. Que restera-t-il alors de ce cortège ? Ce qu’il en resta dans le passé après les deux « bing bang de la gauche » déjà organisés par Clémentine Autain dans le passé, des assises des comités antilibéraux et de son candidat José Bové en 2007, de la primaire populaire et de sa candidature Taubira. La vie est ailleurs.
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Source: https://melenchon.fr/2025/07/03/chaud-a-la-tete-froid-dans-le-dos/
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