Choose France : la politique de Macron en termes d’attractivité est un échec. La preuve par les chiffres (H.fr-18/05/25)

200 patrons de multinationales sont attendus à Versailles lundi 19 mai pour le sommet Choose France.
© Eliot blondet / pool-REA

Lundi 19 mai, 200 patrons de multinationales sont attendus à Versailles pour le sommet Choose France, où le chef de l’État doit vanter les mérites de sa politique économique… Pour tenter d’en masquer les échecs. En vain. Démonstration.

Par Cyprien BOGANDA.

Emmanuel Macron doit se livrer ce lundi 19 mai à l’un de ses exercices favoris : l’autocélébration. Tel un monarque en son palais, le chef de l’État reçoit sous les ors du château de Versailles 200 patrons de multinationales dans le cadre du sommet Choose France, un raout somptuaire mis en place dès 2018 pour mettre en scène sa capacité à séduire les dirigeants d’entreprises étrangères.

Au programme, sont attendues des annonces en matière d’investissements dans l’Hexagone, pour un montant qui devrait avoisiner les 20 milliards d’euros, ainsi qu’un bilan (forcément) mirifique de la politique macroniste. En 2024, les investissements avaient été salués par les cris de joie de Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie : « Ce grand succès historique est dû à une seule chose : notre politique économique mise en place depuis sept ans avec Emmanuel Macron. (…) La réindustrialisation de la France est en marche ! »

Un net essoufflement de « l’effet » Macron

Le triomphalisme sera probablement de mise ce lundi. « Nous sommes depuis six ans le pays le plus attractif d’Europe », fanfaronnait déjà Emmanuel Macron face à Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, sur TFI, le 13 mai. Pourtant, les dernières données concernant l’attractivité tricolore invitent à la retenue plus qu’à l’autosatisfaction.

Le baromètre du cabinet EY, qui fait le point régulièrement sur les investissements étrangers, annonce un net essoufflement de « l’effet » Macron : le nombre de projets d’implantation et d’extension de sites existants en France a plongé de 14 % en 2024. Première raison invoquée par 200 patrons internationaux interrogés par EY : le climat politique en France, source d’une « instabilité » budgétaire inédite. Une instabilité créée par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, décrétée par un certain Emmanuel Macron.

La France détient certes la « palme » européenne avec 1 025 projets d’investissements étrangers (contre 853 au Royaume-Uni et 608 en Espagne), mais la moisson en termes d’emplois est de plus en plus maigrichonne : seuls 30 postes en moyenne ont été créés par chacun de ces projets d’investissements en 2024, contre 125 en Espagne et 48 en Allemagne. Au total, 29 000 emplois devaient être créés par le biais des investissements étrangers en 2024, soit une baisse de près de 30 % par rapport à 2023 et de 35 % par rapport à 2021.

Les chiffres sont encore plus cruels lorsqu’on tient compte (ce que l’exécutif ne fait quasiment jamais) des postes détruits dans le même temps par les multinationales. L’enquête d’EY montre par exemple que l’année dernière, elles ont créé 12 304 postes dans l’industrie manufacturière (en baisse de 40 % par rapport à l’année précédente), mais qu’elles en ont supprimé 8 312 (en hausse de 66 %) par le biais de restructurations et de fermetures de sites.

Soit un solde de seulement 3 992 créations nettes. Dans certains secteurs, le bilan devient carrément négatif : dans la chimie, par exemple, 480 emplois ont été créés, pour 1 420 destructions ! Dans l’automobile, deux fois plus de postes ont été supprimés (2 029) que créés (1 133).

Un pari à la fois périlleux et ruineux

Il n’y a rien de surprenant à ce que ce soient ces deux secteurs qui trinquent le plus : les derniers mois ont vu de nombreuses multinationales sabrer dans leurs effectifs, comme le belge Solvay (68 suppressions de postes dans le Gard) ou l’allemand WeylChem (plus de 100 suppressions dans l’Oise). Mais les mauvaises nouvelles frappent plus généralement l’ensemble de l’industrie.

Plus du quart des destructions d’emplois prévues par des PSE en 2024 (environ 77 000) concernaient l’industrie manufacturière. Par ailleurs, le solde net de créations d’emplois dans l’industrie est resté positif en 2024, mais il a chuté de plus de 60 % par rapport à l’année dernière, à 31 223 emplois, selon le cabinet Trendeo. « Cela résulte d’un double mouvement de montée des suppressions d’emplois (+ 77 %) et de baisse des créations (− 18 %) », précise le cabinet.

Le processus de « réindustrialisation » tant vanté par Emmanuel Macron est bel et bien enrayé, et les efforts de com déployés dans le cadre de Choose France ne suffiront pas à remonter la pente : en appeler aux multinationales pour réindustrialiser le pays est un pari à la fois périlleux et ruineux.

Périlleux, parce qu’on sait très bien que les multinationales ferment des sites plus vite qu’elles en ouvrent : quand elles sentent le vent tourner, elles ne tardent jamais à baisser le rideau. « On a affaire à des entreprises très mobiles, moins attachées au territoire et qui, en cas de problème, n’hésiteront pas à fermer leur site français pour se relocaliser ailleurs », prévenait déjà l’économiste Vincent Vicard, en 2022.

Transformer la France en eldorado du grand capital

En ce moment, de nombreux groupes regardent les États-Unis avec des yeux de Chimène, à l’image du laboratoire Sanofi, qui a récemment annoncé son intention d’y investir la bagatelle de 20 milliards de dollars. EY confirme que les investissements étrangers ont grimpé d’environ 20 % dans le pays dirigé par Donald Trump l’an passé, en partie du fait de la politique « probusiness » menée par son prédécesseur, Joe Biden, à grands coups d’investissement public et d’exonérations fiscales.

Tout miser sur les multinationales est donc un pari hasardeux, mais également ruineux car les politiques d’attractivité mises en place par Emmanuel Macron pour transformer la France en eldorado pour le grand capital ont un coût exorbitant. Un coût social, avec l’affaiblissement du droit du travail dans le cadre des ordonnances de 2017 (facilitation des licenciements économiques, plafonnement des indemnités prud’homales, etc.), mais également économique : baisse de l’impôt sur les sociétés (11 milliards d’euros par an), des impôts de production (au moins 10 milliards), etc.

Et le pire, c’est que les patrons de multinationales n’ont même pas la reconnaissance du ventre. Interrogés par EY, ils considèrent que la « simplification » et la « réduction » de la fiscalité française sont toujours des « priorités absolues » pour attirer d’avantage d’investissements dans les mois à venir. Entendre Emmanuel Macron, sur TF1, annoncer sa volonté d’alléger la fiscalité pesant sur le travail ne leur a sans doute pas déplu.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/aides-publiques/choose-france-a-versailles-un-raout-avec-200-patrons-pour-masquer-les-echecs-de-la-politique-macroniste

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/choose-france-la-politique-de-macron-en-termes-dattractivite-est-un-echec-la-preuve-par-les-chiffres-h-fr-18-05-25/↗

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