CHU de Nantes-Ehpad en manque de personnels : « On est là, on donne tout à notre travail comme des bonnes sœurs… » (OF.fr-29/07/23)

Les équipes de l’Ehpad de la Seilleraye sont en souffrance du fait du manque d’effectifs.

Par Yan Gauchard (Presse Océan)

Les agents de l’Ehpad de la Seilleraye, établissement du CHU de Nantes hébergeant des patients ayant de lourdes pathologies, sont à bout face à une situation de sous-effectif, aggravée par des arrêts maladie. « Les gens pleurent, arrivent avec la boule au ventre, confie une infirmière. Ce rythme-là, je l’ai vécu à l’usine. Mais là, il est question de soins… »

Silence, on pleure. On est au cœur de l’été, on a été invité à répondre au SOS lancé par les équipes de l’Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) de la Seilleraye, sis à Carquefou, au nord de Nantes. Le personnel est sur les rotules. Touché de plein fouet par le sous-effectif et des maquettes organisationnelles toujours plus serrées, dans un contexte de crise de vocations.

Deux aides-soignantes se retrouvent parfois à gérer 40 patients au sein de cet établissement qui compte 126 chambres individuelles. La crise est tellement aiguë que, depuis le mois de juin, les lits des patients qui décèdent demeurent bloqués , souffle une infirmière. La Seilleraye, qui affiche une capacité de 126 lits, est pour l’heure bridée à 104 lits. Mais ça n’empêche pas les équipes de craquer de toutes parts. Au sens propre comme au figuré.

« On tire tellement sur la corde que d’autres arrêts surgissent inévitablement »

Il manque aussi bien des infirmières, des aides-soignantes que des intendantes, en charge des commandes et de la logistique. La secrétaire qui assure l’accueil court sur un autre site – en l’occurrence à l’Ehpad Beauséjour à Nantes, également en surchauffe – pour assurer alternativement une présence. Même l’équipe de suppléance a fondu, tant les forces manquent.

Ce mardi 25 juillet, c’est réunion de crise  pour les cadres, annonce-t-on : en début de matinée, trois aides-soignantes ont appelé pour indiquer que leur médecin traitant les avait arrêtées.  C’est un cercle sans fin, lâche, la voix tremblante, une infirmière aguerrie, qui passe une tête dans le local CGT pour témoigner de la souffrance ressentie. Pour compenser, l a direction va demander à des titulaires de revenir en urgence. Seulement, on tire tellement sur la corde que d’autres arrêts surgissent inévitablement. 

Une offre d’emploi évoque un « besoin urgent » pour l’Ehpad de la Seilleraye

De fait, l’épidémie d’arrêts maladie a encore gagné du terrain ces derniers jours. Pour tenter d’éteindre l’incendie, le CHU de Nantes a posté sur les réseaux sociaux un message faisant état d’un besoin urgent pour l’Ehpad de la Seilleraye , les candidatures d’étudiants étant acceptées.

« Pourvu que le patient ouvre la bouche… »

 À chaque fois que je suis de matin, j’ai du mal à fermer l’œil et j’arrive la boule au ventre, énonce une infirmière. On anticipe nos soins dans la tête parce que l’on sait qu’au moindre imprévu, tout le programme qui est calé au cordeau vole en éclats. 

 C’est horrible parce que lorsque j’arrive dans une chambre pour donner un médicament, j’en viens à me dire « Pourvu que le patient ouvre la bouche , poursuit une collègue. Qui peut nous dire le sens de notre travail dans de telles conditions ? 

« On aime notre boulot mais là, c’est du travail à la chaîne »

 On n’est jamais serein, résume encore une infirmière. On aime vraiment notre boulot mais là, c’est du travail à la chaîne . Un temps, et ce soupir empli de désolation :  Ce rythme-là, je l’ai vécu à l’usine. Mais là, il est question de soins… 

Dans ces conditions, le levage quotidien des patients relève de la mission quasi impossible, ce qui provoque la colère des familles. Colère  légitime ou compréhensible , reconnaît-on, mais qui se transforme en agressivité tournée vers le personnel soignant , qui pâtit de la situation en première ligne.  Des altérations cutanées apparaissent chez des patients, se désespère une aide-soignante.Récemment, un patient est resté presque trois jours sans être levé. Officiellement, la direction refuse le « mode dégradé » mais on n’a aucune solution. On s’en veut, on culpabilise et on boucle déjà nos journées bien plus tard que prévu… 

Les créneaux de « journées animations » sont régulièrement sacrifiés pour que le personnel joue les pompiers de service. Tout se dégrade d’un bout à l’autre… C’est lamentable. 

Patients atteints de maladies lourdes

Le constat posé apparaît d’autant plus aberrant que l’Ehpad de la Seilleraye présente  des Gir (indicateur de la perte d’autonomie des résidents, Ndlr) très importants par rapport à la moyenne départementale , signe de la gravité des pathologies traitées, parmi lesquelles des maladies neurodégénératives.  On accueille des patients lourdement atteints, des schizophrènes ne pouvant plus être accueillis à l’hôpital psychiatrique et on nous laisse patauger sans l’effectif suffisant , gronde une autre voix.

« Ce que l’on voit, c’est que les efforts ne vont que dans un sens… »

La grève pour protester ?  On l’a faite mais ça ne sert à rien, on est immanquablement réquisitionnés en raison de la pénurie de personnels.  Les plannings valsent sans cesse, pour suppléer les défaillances.  Si on dit non, on culpabilise, lâche un membre de l’équipe. Mais la vérité, c’est qu’on ne peut plus avoir de vie de famille. 

Une infirmière reprend, accablée : On est là, on donne tout à notre travail comme des bonnes sœurs… » On est motivée, volontaire, on veut bien faire les choses, abonde une équipière. Mais ce que l’on voit, c’est que les efforts ne se font que dans un sens. Il n’y a aucune reconnaissance de la situation de crise dans laquelle on patauge, aucun remède apporté. »

Redéploiement de personnels et renforts demandés par la direction

Contactée, la direction du CHU indique que les tensions actuelles au sein de l’Ehpad de la Seilleraye sont  dues à l’effet cumulé de congés annuels de soignants  que l’hôpital a souhaité sécuriser,  de postes vacants remplacés partiellement à partir du 28 juillet  et de plusieurs arrêts maladie concomitants de courte durée .

La direction du CHU de Nantes se garde d’indiquer le nombre de postes manquants mais se dit pleinement mobilisée aux côtés des équipes. Différentes actions sont menées :  adaptation de l’organisation, volontariat interne et redéploiement de personnels, recours aux contrats de vacataires et intérims, en plus des recrutements de professionnels et étudiants saisonniers déjà engagés, sollicitation de renforts auprès de l’Agence régionale de santé . La suspension des admissions de nouveaux résidents est également maintenue ».

Source: https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/ehpad-en-manque-de-personnels-on-est-la-on-donne-tout-a-notre-travail-comme-des-bonnes-surs-15246f90-2bce-11ee-9fbe-356e067af276

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/chu-de-nantes-ehpad-en-manque-de-personnels-on-est-la-on-donne-tout-a-notre-travail-comme-des-bonnes-soeurs-of-fr-29-07-23/

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