
Poussant jusqu’au bout la logique de la Ve République, Macron s’est doté d’un Premier ministre et d’un gouvernement à sa main, dans une situation où, dans le pays, c’est tout sauf le calme plat.
Par Pierre VALDEMIENNE.
Pour Emmanuel Macron, tout devait être bien rodé : premier acte, l’éviction d’Elisabeth Borne puis la nomination de Gabriel Attal, censé incarner la « modernité » par son jeune âge ; deuxième acte, la composition d’un gouvernement resserré ; troisième acte, la conférence de presse « gaulo-mitterrandienne » (L’Opinion, 16 janvier) censée détailler le « rendez-vous avec la nation » annoncé en décembre.
Et puis… patatras…
Ce sont les mensonges de la ministre de l’Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra, à propos de la scolarisation de ses enfants dans le privé. Ce sont les embarrassantes prises de position de la ministre du Travail, Catherine Vautrin, opposée au mariage pour tous. Ce sont les mises en examen passées et en cours du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, et de la ministre de la Culture, Rachida Dati1.
C’est la mystification de Gabriel Attal à propos d’un budget « historique » pour l’hôpital, « trésor national » qui nécessite « 32 milliards d’euros supplémentaires », alors qu’en réalité, 3,5 milliards d’euros de coupes dans la santé ont été imposées par 49.3 dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale 2024.
Ce sont aussi les mésententes et les inimitiés au sein même du gouvernement : Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont fait savoir qu’ils n’entendaient pas se placer sous les ordres de Gabriel Attal. Pour le second, il « envisage clairement son départ du gouvernement » après les jeux Olympiques (Les Echos, 16 janvier).
Un gouvernement Attal qui sème la zizanie dans leur propre camp
Bref, l’opération que le président de la République a lui-même baptisée « régénération » est déjà dans les sables. « “Il y aura un avant et après-nomination Attal. […] Tout cela va créer des inimitiés, de la rancœur, de la frustration”, s’inquiète un poids lourd du gouvernement. » (Le Parisien, 15 janvier).
Lors de la rencontre organisée avec les parlementaires de la majorité à l’Elysée, lundi 15 janvier, il s’est trouvé plusieurs absents : les patrons du Modem, François Bayrou, et d’Horizons, Edouard Philippe, excusés « pour des raisons d’agenda »… Pour commencer la rencontre, le président de la République a fait applaudir Élisabeth Borne, saluant « l’action conduite » et les « bonnes choses qui ont été faites ». Problème : l’ancienne Première ministre, pourtant invitée, était, elle aussi, absente…
A tel point qu’il a été envisagé, un temps, que le Modem lance une liste à part pour les élections européennes. A tel point qu’une « quarantaine de députés de la majorité étaient prêts à dégainer un communiqué de riposte, pour dire qu’ils ne peuvent pas se reconnaître dans la nouvelle équipe » (L’Opinion, 15 janvier). « Stupéfaits par les dernières nominations et par le durcissement de la loi immigration, les députés de l’aile gauche doivent se réunir en catimini mardi matin pour se pencher sur la suite » (Le Figaro, idem). Il faut dire que sur quatorze ministres, huit ont connu les rangs de l’UMP ou des Républicains. « Un air de “Macronzy” », titre l’éditorialiste du Figaro (idem).
Macron-Attal : un « duo très Ve République »
Un gouvernement resserré, donc… Tellement resserré que, sur la santé et l’école, deux « chantiers majeurs » d’Emmanuel Macron, avait-il promis lors de sa campagne, ils n’ont plus de ministère attitré ! Il n’y a plus de ministère de la Fonction publique. Il n’y en a plus, non plus, pour le logement.
Tellement resserré, que même la salle du Conseil des ministres est rétrécie : fini le « salon des Ambassadeurs », les réunions auront lieu désormais dans le « salon Vert » qui jouxte le bureau du chef de l’Etat, autrement appelé « salon de travail » du président de la République. Ce premier Conseil des ministres aura duré 40 minutes et n’a pas fait l’objet de compte rendu, comme c’est habituellement l’usage. Un conseil de défense « bis », en quelque sorte…
Poussant jusqu’au bout la logique de la Ve République, Macron s’est doté d’un Premier ministre et d’un gouvernement à sa main : « Ce sera un duo qui va fonctionner comme tel et de manière très Ve République, assure-t-on à l’Elysée. » (La Tribune Dimanche, 14 janvier).
Dans le pays, c’est tout sauf le calme plat
C’est que les problèmes sont devant eux : « depuis la fin de l’automne, la situation est devenue très inquiétante pour son camp. » (idem). Un sondage2 crédite la liste macroniste aux élections européennes de 18 %… un « cauchemar pour l’exécutif » (idem).
Dans une situation où, dans le pays, c’est tout sauf le calme plat : cette semaine, les enseignants de classes préparatoires étaient en grève et dans la rue pour se battre contre les fermetures de classes. La semaine prochaine, une manifestation nationale est appelée par une fédération syndicale (Fnec-FP FO) « sous les fenêtres de la ministre » jeudi 25 janvier pour l’abandon de l’acte 2 de l’inclusion scolaire. Dans le Pas-de-Calais, les habitants victimes des inondations ne décolèrent pas, s’organisent en collectifs et manifestent en mettant en cause le gouvernement.
En déplacement sur un marché de Caen, le Premier ministre a été pris à partie par des opposants à la loi immigration. En visite dans l’Ecole Littré à Paris, d’où elle avait retiré son fils pour le mettre dans le privé, la ministre de l’Education a été copieusement huée, les manifestants criant : « Du fric, pour l’école publique ! ».
Sans oublier les manifestations significatives qui ont eu lieu partout en France le 13 janvier pour le cessez-le-feu immédiat, et le lendemain pour le retrait de la loi immigration : au moins 10 000 manifestants à Paris, alors que les confédérations syndicales n’y appelaient pas…
Telle est la situation du pays. Le « risque » est réel que les choses se règlent autrement que par les moyens habituels… A suivre.
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