« Climat de terreur » dans un collège breton, il y a 50 ans : comment en est-on arrivé là ? (OF.fr-6/03/25)

Photo d’illustration – salle de classe | ARCHIVES OUEST-FRANCE / BÉATRICE LE GRAND

Près de 50 anciens élèves de l’ancien collège Saint-Pierre à Relecq-Kerhuon (Finistère) se sont regroupés dans un collectif pour dénoncer « une brutalité institutionnalisée » dans leur établissement, des années 1960 à 1980. La direction diocésaine reconnaît les violences, mais nie leur caractère systémique.

Par Delphine VAN HAUWAERT & Emmanuelle FRANCOIS.

Dans le sillage de l’affaire Bétharram, plusieurs établissements catholiques font l’objet de signalements de maltraitances, en France. Parmi eux, un ancien collège breton, Saint-Pierre, au Relecq-Kerhuon (il a porté ce nom jusqu’en 1988), dans le Finistère. Un collectif de victimes s’est créé, mettant en cause « une brutalité institutionnalisée », exercée « par des professeurs semblant avoir été recrutés pour cela », selon Frédéric B., l’un de ces anciens élèves.

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« Il faut remettre les choses dans le contexte de l’époque »

Comment un tel système a-t-il pu se mettre en place, et perdurer pendant autant de temps ? Selon les témoignages recueillis, émanant d’hommes scolarisés entre la fin des années 1960 et le début des années 1980, ce « climat de terreur » a été instauré par un religieux à la tête de l’établissement, le père L. (décédé en 2004). Décrit comme « extrêmement violent », il recrutait lui-même les professeurs, des hommes souvent dans la vingtaine, à peine diplômé d’un bac.

Un mode de recrutement plutôt classique en ce temps-là, reconnaît Christophe Geffard, directeur diocésain du Finistère, qui insiste pour « remettre les choses dans le contexte historique et social de l’époque. L’enseignement catholique était beaucoup moins organisé qu’aujourd’hui, avec un recrutement bien plus local. Aujourd’hui, un chef d’établissement ne peut plus recruter tel ou tel enseignant à son bon vouloir. »

Idem pour le bagage scolaire de l’aspirant professeur, un critère moins important qu’aujourd’hui. « D’autant qu’à l’époque, on avait besoin de beaucoup d’enseignants », rappelle Christophe Geffard.

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« Le garçon s’est affalé sur le pupitre »

Pour contrôler tous ces professeurs, avant leur embauche comme durant leur carrière, c’était là encore très différent, selon lui : « La direction diocésaine, à l’effectif beaucoup plus réduit qu’aujourd’hui, n’en avait pas les moyens, et l’État, qui a l’époque était le rémunérateur mais pas l’employeur (jusqu’à une loi de 2005), était bien moins regardant qu’aujourd’hui, où le casier judiciaire est contrôlé et les inspections régulières ».

Une professeure ayant enseigné dans des établissements catholiques durant de longues années confirme ces dires, citant notamment le cas de l’un de ses collègues « contrôlé une seule fois » au cours de sa carrière.

Cette même enseignante, Josseline M., a exercé en 1986 à Saint-Pierre, et décrit, encore à cette époque où l’établissement n’était plus dirigé par le père L., une scène brutale lors de l’étude en 5e : « Un professeur a fait irruption et, sans crier gare, a frappé un élève du tranchant de la main. Le garçon s’est affalé sur son pupitre. Le professeur est sorti sans un mot ni regard et m’a laissée me débrouiller avec cet adolescent mortifié, la pommette tuméfiée. »

« C’était connu pour être un établissement de redressement »

« C’est un fonctionnement qui avait ses limites et qui remonte à plus de 50 ans », se défend l’un des professeurs particulièrement mis en cause. « Les établissements brestois qui avaient des difficultés avec des perturbateurs prenaient contact avec le père L., pour que ces élèves quittent leur établissement avant de les exclure, assure-t-il. Mais on recevait aussi des élèves absolument charmants. » Le « vrai problème » selon lui, « c’était l’hétérogénéité des élèves ».

Le directeur diocésain ne nie pas, lui non plus, la violence : « Ce collège était connu pour être plus un établissement de redressement, assez dur, qu’un établissement éducatif. Ça ne justifie en rien les violences qu’il a pu y avoir à l’intérieur, et qui seraient, en 2025, tout simplement insupportables. M ais à cette époque, des familles y mettaient leur enfant car elles étaient démunies. Il n’y avait pas tous les établissements spécialisés existants aujourd’hui. »

« Les parents voulaient seulement la paix »

Des propos qui font bondir, tant les anciens élèves rencontrés, que la professeure interrogée. « Nous n’étions pas des délinquants », martèle François Barat, qui y a passé six années entre 1968 et 1973. « Des enfants difficiles ? C’est archi faux, pour Josseline M. Les parents voulaient seulement la paix et être sûrs que leurs enfants aient leur BEPC. »

La cinquantaine de personnes regroupées dans le collectif espère aujourd’hui recevoir des excuses, tant des derniers professeurs encore vivants, que de l’institution religieuse. Une dernière requête ne semblant pas à l’ordre d’un jour, pour la direction diocésaine. « Je n’ai pas fait d’enquête, je ne suis pas juge. Mais de ce que j’en connais, la violence n’était pas institutionnalisée. Elle était individuelle. Le pardon, il est d’abord de personne à personne. Je ne pense pas que tout le corps professoral ait commis ce type d’acte répréhensible. »

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Source: https://www.ouest-france.fr/faits-divers/violences/climat-de-terreur-dans-un-college-breton-il-y-a-50-ans-comment-en-est-on-arrive-la-241cb1d8-fa71-11ef-b88c-bcd52c36774a

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