Le syndicat patronal avance des propositions destinées à améliorer les pensions des femmes, mais le gain serait limité, selon un chiffrage que L’Humanité a pu consulter.
Par Cyprien BOGANDA.
Syndicats et patronat planchent jusqu’au mardi 17 juin sur la réécriture de la réforme de 2023 (passage de l’âge légal de 62 à 64 ans), qui avait jeté des milliers de personnes dans la rue. Pour convaincre les organisations de travailleurs d’abandonner toute remise en cause des 64 ans, le Medef vient de proposer d’améliorer le sort des femmes qui ont eu des enfants, considérées comme les grandes perdantes de la réforme.
Cela passerait par une modification du mode de calcul du salaire annuel moyen (SAM), servant de base pour fixer le niveau de leurs pensions. Leur SAM ne serait plus calculé sur leurs 25 meilleures années, mais sur 23 ou 24 ans, ce qui mécaniquement améliorerait leur niveau de pension. Mais la revalorisation sera-t-elle si spectaculaire ?
Un gain de 30 euros, mais pas pour toutes les femmes
La Caisse nationale d’assurance-vieillesse (Cnav) a effectué des simulations, qu’elle a transmises aux négociateurs. Dans sa note, que L’Humanité a consultée, elle explique avoir chiffré l’impact de la proposition patronale, en fonction de différents calibrages (nombre d’enfants pris en compte, notamment).
Dans la version la plus « généreuse », environ 50 % des retraitées verraient leur pension augmenter d’environ 3 % en moyenne. Pour le dire autrement, une femme percevant 1 000 euros de pension gagnerait 30 euros de plus par mois. Sauf qu’en pratique, ce n’est même pas certain. La hausse du salaire annuel moyen aurait pour conséquence perverse de priver certaines femmes du minimum contributif (Mico), un coup de pouce augmentant leurs pensions à condition que ces dernières n’excèdent pas un certain seuil.
« Parmi les femmes qui connaîtraient une hausse du SAM, environ 22 % étaient, hors mesure, bénéficiaires du Mico, note la Cnav. La moitié d’entre elles verraient tout de même leur pension augmenter tandis que l’autre moitié ne bénéficierait d’aucune hausse de pension : la hausse du SAM serait entièrement compensée par une baisse du Mico. »
Le Medef supprime une aide pour en financer une autre
La Cnav a également chiffré la version la moins généreuse, proposition préférée du Medef. Un peu plus de la moitié des pensionnées bénéficieraient d’une hausse moyenne de seulement 1,3 %. Soit, dans notre exemple, 13 euros de plus par mois. Coût de la mesure : 600 millions d’euros à l’horizon 2035.
Le grand patronat est économe : pour compenser le coût de son avancée sociale, il propose… d’en sucrer une autre ! En 2023, le gouvernement a mis en place une surcote parentale, pour améliorer le niveau de pension des femmes ayant eu des enfants. Le Medef entend la supprimer, pour financer sa mesure.
Selon la Cnav, la combinaison « nouveau mode de calcul du SAM + suppression de la surcote parentale » entraînerait une perte de pension pour un quart des femmes, de 2 % en moyenne. Inversement, un tiers y gagnerait, mais la hausse ne serait que de 1,5 % (15 euros dans notre exemple).
Conclusion de Régis Mezzasalma, de la CGT, à qui nous avons soumis ces chiffrages : « Toute revalorisation des pensions, même minime, reste intéressante. Mais je note que cette hausse ne suffira absolument pas à compenser les écarts de pension entre hommes et femmes. Par ailleurs, il est problématique qu’elle soit financée par une suppression de la surcote parentale : le Medef reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre ! »
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