
Les mauvaises nouvelles économiques et sociales pour 2025 se sont succédé ces derniers jours. De quoi rendre complexe l’écriture de la feuille de route que doit présenter le premier ministre au Parlement mardi.
Par Stéphane GUERARD.
S’il reste une statistique à laquelle François Bayrou peut se raccrocher pour promettre des jours meilleurs lors de son discours de présentation de politique générale, mardi, c’est bien celle-ci. À + 1,3 %, en novembre dernier par rapport à l’an dernier à la même époque, les prix à la consommation affichent désormais un calme presque plat, après trois années de tempête inflationniste.
La Banque centrale européenne pourrait donc poursuivre la diminution de ses taux directeurs, qui dictent le prix de l’argent emprunté, de 3 % actuellement à 2 % en juin prochain. « Ceci favorisera le bon financement de l’économie, et le repli du taux d’épargne des ménages. Le secteur de l’immobilier en bénéficiera dans son redémarrage progressif », a positivé le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, lors de ses vœux jeudi dernier.
Cependant, la distribution de bon point s’arrête là. Le premier ministre devra prendre en compte une dernière fournée d’indicateurs qui clignotent à l’orange, voire sont passés au rouge. Il en va ainsi de la prévision de croissance 2025, sur laquelle s’établissent les projets de loi de finances (PLF) et de financements de la Sécurité sociale (PLFSS).

50 milliards de rigueur budgétaire
Mi-décembre, la Banque de France avait déjà réduit de 0,3 point sa prévision, pour la ramener à 0,9 %. Cette anticipation s’appuyait sur le projet de budget 2025 du gouvernement Barnier. Par souci d’efficacité, son successeur a prévu de reprendre cette même copie pour l’amender, mais selon les mêmes principes : au lieu des 60 milliards d’euros d’« effort budgétaire » envisagés par Barnier, le ministre de l’économie Eric Lombard envisage « autour de 50 milliards d’euros » pour ramener le déficit public « entre 5 % et 5,5 % » cette année, au lieu de 6,1 % en 2024. Un poil atténuées, les coupes dans les budgets publics demeureront et cette rigueur devrait endommager un peu plus la croissance 2025.
D’autant que les dépenses publiques étaient jusqu’à présent l’un des deux moteurs de l’activité. Le second risque lui aussi de caler : notre commerce extérieur est en danger du fait de la récession de notre principal partenaire économique, l’Allemagne, et de la guerre des droits de douane à venir avec l’arrivée de Trump au pouvoir aux États-Unis.
Il ne faudra sans doute pas compter non plus sur les TPE et PME pour nous sortir de l’ornière. Touchées par « une faible progression de la consommation et un investissement en fort recul », celles-ci ont atteint un niveau record de défaillances en 2024, a alerté mercredi dernier BPCE L’Observatoire. Parmi les 66 422 établissements touchés (260 000 emplois exposés), les PME et établissements de taille intermédiaire (10 salariés et plus) ont particulièrement souffert, jusqu’à rattraper le nombre de défaillances qui auraient dû être enregistrées entre 2020 et aujourd’hui sans les aides et mesures de soutien à l’activité lors de la crise du Covid-19.
2025 ne s’annonce pas mieux. Les oracles de BPCE anticipent 68 000 défaillances, soit 240 000 emplois menacés. De quoi donner du crédit à la CGT qui alertait dès septembre d’une vague en cours de plus de 300 plans sociaux, mettant en péril près de 300 000 emplois.
8 % de chômage fin 2025
L’objectif du plein-emploi (5 % de taux de chômage promis par Emmanuel Macron à la fin de son second quinquennat) s’éloigne donc. À leur plus bas au quatrième trimestre 2021 (25 044), les entrées à France Travail (ex-Pôle emploi) à la suite d’un licenciement économique ont atteint le nombre de 38 613 au deuxième trimestre 2024. Selon l’INSEE, le taux du chômage (au sens du bureau international du travail) est ainsi passé de 7,1 % de la population active fin 2022 à 7,4 % au troisième trimestre de l’an dernier. Pour 2025, l’Observatoire français des conjonctures économiques envisage la disparition de 140 000 emplois, faisant passer le taux de chômage à 8 %.
Signe des temps, l’association de garantie des salaires (AGS) a tourné « à plein régime » l’année écoulée. Cet organisme, dont les fonds abondés par une cotisation employeur jouent le rôle d’amortisseur social en cas de redressement-liquidation des sociétés défaillantes, a annoncé avoir déboursé plus de 2,1 milliards d’euros en prise en charge d’une partie des salaires et indemnités de licenciement. « Près de 250 000 salariés ont bénéficié de la garantie AGS en 2024, un
chiffre record qui témoigne de la gravité de la situation économique actuelle. Les projections sur l’année 2025 laissent présager un niveau similaire de mobilisation du régime », a souligné son président Christian Nibourel.
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Dette: l’incertitude des marchés
Dans ce contexte morose plombé par nombre d’incertitudes internationales, les marchés financiers porteront-ils l’estocade? Le projet de budget Barnier prévoyait que la charge de la dette atteindrait 54,9 milliards d’euros en 2025, puis 75,3 milliards d’euros en 2027. Or, la France pâtit comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, d’une augmentation de ses taux obligataires. Le rendement des emprunts à 10 ans du Trésor est ainsi passé de +3,39% à +3,43% vendredi. Ce rendement n’était que de 2,9% fin novembre. De quoi renchérir le coût des emprunts d’argent sur les marchés. Mais l’Agence France Trésor n’a pas de mal à trouver preneur, sa dernière offre n’ayant satisfait que moins de la moitié de la demande. La dette française ne semble donc pas un si mauvais placement que cela.
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