
Par Anaëlle Boutault-Mlekuz
Suicide. Lundi 1ᵉʳ septembre 2025, jour de la rentrée scolaire, Caroline Grandjean, directrice d’une école dans le Cantal, a mis fin à ses jours, détruite par la lesbophobie dont elle était victime au sein de l’établissement. C’est dans une petite école du village de Moussages que Caroline Grandjean était insultée et intimidée, à travers des messages écrits sur les murs de l’école ou des lettres qu’elle recevait. Dans le silence et l’inaction de l’État. « Ce drame fait écho à celui de Christine Renon, directrice d’école à Pantin, qui s’est suicidée en 2019 après avoir dénoncé les réformes absurdes, les fermetures de classes, la fatigue et le stress d’un système éducatif broyant celles et ceux qui le font vivre. » rappelle le député insoumis Bastien Lachaud.
Les inscriptions murales sont profondément choquantes : « sale gouine » ou encore « gouine = pédophile » ; et les insultes publiques se transforment en menaces privées dans la boîte aux lettres de l’école : « va crever sale gouine ». Caroline Grandjean déposera plainte à cinq reprises. Une enquête est alors ouverte pour « injure publique commise en raison de l’orientation sexuelle, menace de mort commise en raison de l’orientation sexuelle, dégradation ou détérioration d’un bien par inscription ainsi qu’intrusion dans l’enceinte d’un établissement scolaire. » Enquête qui n’a pour l’instant pas permis de retrouver les auteurs de ces insultes et intimidations lesbophobes. Un hommage sera rendu à Caroline Grandjean ce soir à 19h30 au Bonjour Madame, dans le 12ᵉ arrondissement de Paris. Notre article.
« En 2025, on peut encore mourir en France parce qu’on est lesbienne. En 2025, une directrice peut encore être acculée au désespoir par le silence et l’inaction de l’État. » – Bastien Lachaud, député LFI, réagissant au suicide de Caroline Grandjean
Le suicide de cette directrice lesbienne de 42 ans, qui était en arrêt maladie depuis plus d’un an, traduit l’indifférence des pouvoirs publics, notamment du ministère de l’Éducation nationale et de la mairie, à lutter efficacement contre les LGBTIphobies.
En effet, le ministère de l’Éducation nationale a eu pour seule réaction, avant son suicide, de lui proposer de changer d’établissement. Ce que Caroline Grandjean, courageuse et déterminée, a refusé. Elle estimait que ce n’était pas à elle de se cacher ou de changer de lieu où elle exerçait sa profession. Les responsables devaient être trouvés et sanctionnés, et des campagnes de sensibilisation aux LGBTIphobies auraient dû être menées au sein de l’établissement.

Selon Thierry Pajot, secrétaire général du syndicat des directeurs et directrices d’école, la mairie ne l’a pas soutenue et « trouvait que cette histoire faisait une mauvaise publicité au village ». Pourtant, le maire de cette petite commune, Christian Vert, avait réagi un an avant le suicide de Caroline Grandjean, en se défendant des rumeurs selon lesquelles il ne condamnait pas ces délits. Ses propos ont été recueillis par le journal La Montagne en septembre 2024 : « Contrairement à ce qui est affirmé de manière mensongère, j’ai toujours condamné les actes odieux d’homophobie dont elle a été victime. Je réitère par la présente lui apporter mon plein et entier soutien face à ces actes abjects. »
Un soutien qui aurait été bienvenu de la part de l’Éducation nationale, qui semble incapable de prendre au sérieux l’impact de l’homophobie. Ce n’est pourtant pas le premier suicide sur fond d’intimidation homophobe qui se produit au sein de l’Éducation nationale. On se rappelle du cas de Lucas, 13 ans : il s’était suicidé après avoir été harcelé pour son homosexualité. Lutter contre l’homophobie au sein de l’école permet de sauver des vies. Des vies d’enfants et des vies d’adultes.
Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, n’a pour le moment pas réagi, mais son entourage a déclaré que « L’Éducation nationale est profondément touchée par ce décès tragique. C’est un drame qui suscite une vive émotion au sein de la communauté éducative. Nos pensées et notre plus sincère soutien vont à sa famille, à ses proches et à ses collègues (…) ». Il semblerait pourtant que ses collègues n’aient pas été les plus prompts à la soutenir dans cette histoire tragique.
Par ailleurs, Élisabeth Borne, qui est l’actuelle ministre de l’Éducation nationale, sans avoir aucune expérience dans ce domaine, a pu tenir des propos étonnants quant aux rumeurs sur sa propre orientation sexuelle. Elle affirmait dans l’émission C à vous que : « Heureusement, à l’époque actuelle, si j’avais été homosexuelle, j’aurais tout simplement dit que j’étais homosexuelle. » L’époque actuelle, celle où une enseignante se suicide après avoir été harcelée parce que lesbienne en 2025 ? C’est se méprendre honteusement sur les difficultés de se dire lesbienne dans la société française.
L’Autre Cercle, qui est une association qui lutte pour l’inclusion et la visibilité des personnes LGBTQI dans la sphère professionnelle, a publié une étude qui relate que 32 % des lesbiennes ne se présentent pas telles quelles au travail et 44 % omettent leurs activités « connotées LGBT+ ». Cela témoigne de la forte peur de subir des actes lesbophobes et contraint les femmes lesbiennes à privilégier leur sécurité plutôt que la vérité sur leur orientation sexuelle.
La lutte contre l’homophobie, la lesbophobie, la biphobie et la transphobie est à prendre très au sérieux. De nombreuses institutions et personnes ont une responsabilité dans le suicide de Caroline Grandjean, qui n’a pas été suffisamment protégée.
Un hommage lui sera rendu ce soir à 19h30 au Bonjour Madame, dans le 12ᵉ arrondissement de Paris.
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Source: https://linsoumission.fr/2025/09/02/cantal-suicide-directrice-lesbophobie/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/dans-le-cantal-une-directrice-decole-victime-de-lesbophobie-se-suicide-li-fr-3-09-25/
