Dans le Finistère, les tourteaux ont disparu et c’est « catastrophique » pour les pêcheurs. ( OF.fr – 20/02/23 )

Confronté à la mystérieuse raréfaction du tourteau en Manche et golfe de Gascogne, le comité des pêches du Finistère a confié une étude à l’Ifremer
Confronté à la mystérieuse raréfaction du tourteau en Manche et golfe de Gascogne, le comité des pêches du Finistère a confié une étude à l’Ifremer | ARCHIVES

La quantité de tourteaux débarqués en France a été divisée par trois entre 2017 et 2022. Le Finistère subit de plein fouet cette soudaine disparition : six gros caseyeurs du département vont stopper leur activité. Bactérie ou réchauffement de l’eau, le phénomène reste difficilement explicable pour les scientifiques.


Yannick Calvez est à la retraite depuis quinze jours. Un repos bien mérité pour ce nord-finistérien qui pêchait le tourteau depuis 1985, mais qui lui laisse un goût amer : « J’aurais préféré partir dans d’autres circonstances », souffle-t-il. Car son bateau, et c’est le crève-cœur de tout marin, va devoir partir à la casse faute d’avoir trouvé un repreneur.

Il faut dire que le Kreizh Ar Mor ne remontait plus grand-chose dans ses casiers. Le tourteau a presque disparu des eaux du golfe de Gascogne et de la Manche.

« On a perdu 70 % des tonnages »

Le crabe a commencé à se faire plus rare en 2016, et les choses n’ont fait qu’empirer depuis. « On a perdu 70 % des tonnages », constate aujourd’hui Yannick Calvez. En tant que président du comité des pêches du Finistère, premier département pour la production de tourteaux, il centralise les échos des autres caseyeurs de la zone.

Et leur constat n’est pas plus optimiste : « Certaines marées ne couvrent même pas les frais. Il n’y a plus de tourteaux au large, et plus à la côte non plus », rapporte-t-il. Manière de dire qu’on ne trouve plus d’adultes, ni de juvéniles. « C’est catastrophique », se désole l’ancien armateur.

Une licence est obligatoire pour la pêche au tourteau. La majorité des débarquements français se fait en Bretagne, dans le Finistère. La France importe aussi beaucoup depuis le Royaume-Uni | ARCHIVES

Ce phénomène se lit dans les chiffres : jusqu’en 2017, la France débarquait entre 5000 et 6 000 tonnes de tourteaux par an. En 2022, la production est tombée à 2 000 tonnes. Le Finistère est en première ligne. Le tonnage au quartier maritime de Brest est passé de 657 à 316 tonnes entre 2017 et 2021. À Morlaix, de 1 815 à 784 tonnes.

Au Guilvinec, qui débarquait encore 562 tonnes en 2017, impossible d’avoir les chiffres récents car l’espèce n’est plus référencée dans le top 15 des plus pêchées en valeur. Confronté à cette menace, le comité des pêches a confié une étude à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).

La surpêche écartée

« C’est une pêcherie extrêmement bien gérée, grâce aux licences. L’effort de pêche est maîtrisé depuis trente ans », entame Martial Laurens, chercheur au laboratoire de biologie halieutique de l’Ifremer. La surpêche est donc écartée des causes de la raréfaction du « dormeur ». De même que l’invasion du poulpe, qui n’est pas véritablement un prédateur pour cette espèce. Le scientifique, dont les recherches se poursuivent, penche plutôt pour l’apparition d’un parasite qui aggraverait la mortalité du crabe.

Un nouveau parasite ?

Serait-ce l’hématodinium sp, déjà apparu dans les années 1990 ? « Peut-être, mais ce parasite n’est pas forcément mortel », tempère Martial Laurens. Il évoque les travaux de chercheurs anglais qui ont identifié un nouveau parasite touchant particulièrement les jeunes tourteaux : « Son apparition pourrait être liée au changement climatique, sans certitude. »

Le biologiste évoque une autre hypothèse : « Le réchauffement de l’eau pourrait altérer l’alimentation des larves et mettre leur survie en péril. »

Les caseyeurs hauturiers représentent la majorité des captures de tourteaux | OUEST FRANCE

Si les causes de la disparition du tourteau au large du Finistère sont vagues, ses conséquences sont, elles, bien réelles. « La hausse du prix au kilo n’a pas suffi à compenser la perte d’activité », explique Yannick Calvez. D’autant que les pêcheurs ne sont pas indemnisés, puisqu’il n’y a pas eu de baisse de quotas comme pour la sole du golfe de Gascogne, par exemple.

Les caseyeurs désarment

Six gros caseyeurs du département vont profiter du plan de sortie de flotte pour stopper leur activité. Il n’en restera que deux, rattachés aux viviers Béganton de Roscoff. « On a investi pour l’avenir », déclare son directeur, Eric Garin. Optimiste, il rapporte que ses pêcheurs observent un retour des tourteaux juvéniles à la côte. Une fine lueur d’espoir dans un océan d’inquiétudes.

Auteur : Julia TOUSSAINT.

Source : Dans le Finistère, les tourteaux ont disparu et c’est « catastrophique » pour les pêcheurs (ouest-france.fr)

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