
L’armateur Julien Le Brun a acquis un côtier de 30 ans fin 2023 avec le souhait de le décarboner et de le moderniser. L’idée semblait encourageante mais la conjoncture économique de la filière halieutique l’oblige à revoir ses ambitions.
Par Marwan NABLI.
Tout le paradoxe naît du nom du navire : « Amour de Mer ». C’est parce que l’armateur Julien Le Brun croit en l’avenir de la pêche qu’il a investi 900 000 € fin 2023 dans un nouveau chalutier long de 17 mètres. Construit en 1990, le navire devait être décarboné et modernisé. « Avant la guerre en Ukraine, ça n’aurait coûté que 600 000 € de travaux », avance le Plobannalecois. Faute d’accompagnements financiers conséquents émanant de l’Europe ou de la région, il ne peut pour l’instant pas prendre en charge les deux millions d’euros estimés pour la décarbonation. Julien Le Brun a acheté son premier bateau en 2004 et en possède aujourd’hui neuf mais subit, comme tous les pêcheurs, une inflation sans précédent et un manque de subventions qui le plonge dans « la pire crise » qu’il n’ait jamais connue depuis deux ans et demi.
Des hausses de prix de l’essence, du matériel…
« Développer un système pour l’ensemble de la filière ». Tel était l’objectif de Julien Le Brun lorsqu’il a fait rapatrier Amour de Mer de Lorient fin 2023. « Mes cinq bateaux neufs ont tous coûté 1,5 M € chacun. Avec un chiffre d’affaires en difficulté aujourd’hui à cause du prix du gazole et de l’équipement, c’est très délicat d’investir dans du neuf. Ce chalutier, c’était une belle occasion », détaille le quadragénaire. Les aides européennes et de la région Bretagne « sont très loin des 50 % de couverture de frais » espérés par Julien Le Brun qui déplore « un dossier complexe où il faut lire entre les lignes ». À cela s’ajoute un coût de matériel qui explose littéralement : « La peinture, la mécanique, l’électricité, la rénovation de filets, de câbles… Tout l’entretien et le matériel d’un bateau ont pris 50 % en deux ans ».
150 000 € en plus par bateau pour équilibrer les charges
Entre 2010 et 2023, la flotte de l’armement Julien Le Brun est passée de deux à neuf bateaux, répartis dans les ports de Saint-Guénolé, du Guilvinec, de Lesconil et de Loctudy. Parmi eux, deux ont été menacés par le plan de casse lié au Brexit l’année dernière mais sont toujours en vie mais, par conséquent, l’armateur doit composer avec une trésorerie en délicatesse. Il souffle : « Avant 2022, chaque bateau comptabilisait un chiffre d’affaires d’à peu près 700 000 € par an. Avec le prix du gazole à 60 centimes par litre, on s’y retrouvait. En 2023, les bateaux ont fait des résultats similaires, toujours autour de 700 000 € par an, alors que, dans le même temps, le prix de l’essence s’est envolé. Il faudrait faire un chiffre d’affaires de 850 000 € par an et par bateau pour simplement pour équilibrer les charges ».
En parallèle, le prix du poisson qui n’augmente pas
Julien Le Brun s’attriste que « des intermédiaires français fassent payer des prix d’équipement forts aux marins ». À toutes ces contraintes s’ajoute le prix d’un produit pêché qui n’est toujours pas en hausse : « La lotte, le merlu, la raie et la cardine n’ont pas augmenté ces dernières années, leur prix a presque diminué. Comment faire plus de chiffre d’affaires quand les quotas n’évoluent pas ? », s’interroge l’ancien mousse. Difficile donc d’entrevoir un nouveau petit frère pour Bora bora, Les Antilles II ou Oasis. L’équipe de l’armement Julien Le Brun se réunira en septembre pour trancher sur l’avenir d’Amour de Mer.
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