
Budget. Le 15 juillet dernier, le Gouvernement a annoncé ses grandes orientations pour le budget 2026. Sans surprise, ce budget portera un coup fatal aux finances du pays, à commencer par la Sécurité sociale, attaquée de toutes parts par la droite et l’extrême droite. Suppression de 3 000 emplois publics, 5,3 milliards d’euros d’économies demandées aux collectivités territoriales, suppression de deux jours fériés, déremboursement de médicaments et mise en place d’une « année blanche » pour 2026 sur le barème des impôts, les prestations sociales et les pensions… François Bayrou et ses alliés ont déclaré la guerre sociale. Décryptage.
Par Alain BLOYE .
L’instauration d’une « année blanche »
« L’année blanche » est une année durant laquelle les prestations sociales (RSA, APL, indemnités chômage, etc.) mais également les barèmes d’impôts comme l’impôt sur le revenu ou la contribution sociale généralisée (CSG, qui participe au financement de la protection sociale) sont gelés au niveau de l’année précédente, tout comme les revalorisations salariales des fonctionnaires. Ainsi de nombreux Français (de 200 000 à 300 000) devront payer l’impôt sur le revenu auquel ils n’auraient pas été assujettis si celui-ci avait suivi l’inflation.
L’année blanche induit donc une désindexation des pensions de retraite vis-à-vis de l’inflation. Selon l’OFCE, en moyenne, chaque ménage comptant un ou plusieurs retraités verra son revenu disponible baisser de 350 € (OFCE, 30 juin 2025).
En baissant la consommation populaire, qui est la première source de croissance de notre pays, ces réformes ont un effet récessif : elles freinent la consommation et font baisser la croissance. Enfin, l’OFCE estime que le « gel budgétaire » permettrait, au total, d’éviter 6 milliards d’euros de dépenses publiques. Le Gouvernement estime quant à lui que cette mesure permettrait de supprimer 7,1 milliards de dépenses publiques. Une fois de plus, le Gouvernement surestime des montants afin de justifier des coupes budgétaires une fois le budget passé, comme il a pu le faire pour l’Objectif national de dépenses de l’Assurance-maladie (ONDAM) cette année.
En instaurant cette « année blanche », c’est plutôt une année noire qui s’annonce. L’effet récessif induit baissera la consommation, et donc la croissance, et baissera la capacité des systèmes français à se financer. C’est une fois de plus une manière pour le Gouvernement d’appeler à la privatisation de notre bien commun : la Sécurité sociale.
Pour aller plus loin : Budget 2026 – La taxe Zucman, cet impôt sur les grandes fortunes balayé par Bayrou qui préfère geler les prestations sociales et les pensions
Attaques contre l’Assurance-maladie et ses dispositifs de solidarité
Le Gouvernement Bayrou a ensuite affirmé qu’il supprimerait des remboursements pour les affections longue durée (ALD). Ainsi, les personnes atteintes de maladies chroniques, de cancers verraient le remboursement à 100 % de certains soins en ALD supprimés.
L’Assurance-maladie a elle-même, dans son rapport annuel adopté le 3 juillet (Assurance-maladie, 3 juillet 2025) proposé de « réévaluer le dispositif pour les personnes en situation de guérison ou de rémission de certains pathologies ». Ainsi, l’institution propose de « réviser la prise en charge à 100 % des prestations ou des produits de santé dont l’efficacité ne justifie pas de remboursement intégral ». Qu’est-ce que ça signifie ? Comment juger de « l’efficacité » d’un produit de santé ?
Avec une politique ultra austéritaire visant à faire toujours plus d’économies, on peut craindre le pire : le Gouvernement Bayrou sera ainsi responsable de l’appauvrissement des malades les plus vulnérables en les privant du remboursement de certains médicaments alors même qu’ils se trouvent encore malades. Enfin, ces mesures visent plus généralement à accentuer la privatisation des systèmes de santé ! En effet, les remboursements qui ne seront plus pris en charge par l’Assurance-maladie le seront… par les complémentaires privées ! Qui augmenteront mécaniquement leurs tarifs, étant donné qu’elles seront davantage sollicitées.
Plus généralement, le Gouvernement souhaite faire plus de 5,5 milliards d’euros de coupes budgétaires dans le budget de l’Assurance-maladie. Pour ce faire, il va augmenter le plafond de la franche médicale, qui passera ainsi de 50 à 100 euros par personne. Les personnes malades pourront ainsi payer jusqu’à 100 euros en plus du remboursement des médicaments, des actes paramédicaux ou de transports sanitaires. Dans son programme, La France Insoumise propose de supprimer purement et simplement les franchises médicales, afin que les personnes les plus vulnérables puissent bénéficier des soins dont elles ont besoin.
Le Gouvernement va également accentuer la crise des hôpitaux publics en indexant l’Objectif national de dépenses de l’Assurance-maladie (ONDAM) qui vise à financer les hôpitaux publics sur la croissance. Or, la croissance est en berne ! Elle n’a progressé que de 1,1 % en 2024. Alors que la Fédération hospitalière de France estime qu’avec les dépenses dites « naturelles » de santé (dûes au vieillissement de la population, à la hausse des maladies chronique, au taux de pauvreté grandissant dans le pays), le taux de l’ONDAM devrait avoisiner les 4 %, le Gouvernement Bayrou initie une fois de plus la casse des systèmes publics.
Enfin, la médecine ambulatoire sera davantage sollicitée. Le filtrage à l’accès aux urgences sera plus important, alors que certains patients auront certainement besoin d’une consultation médicale réelle, et que 87 % du territoire se trouve en désert médical !
La France Insoumise souhaite, une fois au pouvoir, remplacer l’ONDAM par l’Objectif national des besoins d’Assurance-maladie (ONBAM) et financer les hôpitaux par une dotation globale pour ainsi sortir de la logique néolibérale de baisse structurelle des dépenses de santé et gouverner par les besoins, avant tout !
Casse sociale de l’assurance-chômage et coup porté contre les arrêts maladie
Concernant les arrêts maladie, le Gouvernement souhaite la suppression de la consultation chez un médecin du travail pour la reprise du travail après trente jours d’arrêt, alors même que ce sont les spécialistes les plus à même de considérer si une personne est apte ou non à continuer le travail ! Alors que la prévention doit être renforcée en augmentant le nombre de postes de médecins du travail, scolaires et des universités (proposition de La France Insoumise), les macronistes veulent quant à eux supprimer progressivement la médecine du travail, en ne la finançant pas davantage.
Au vu des annonces qui ont été faites et qui restent très vagues sur les arrêts maladie, le Gouvernement va certainement proposer une augmentation du délai de carence durant lequel un salarié ne reçoit pas ses indemnités journalières (IJ) représentant 50 % de son salaire versé par l’Assurance-maladie, aujourd’hui de l’ordre de trois jours.
Enfin, le Gouvernement propose une énième réforme de l’Assurance-chômage, en vantant les résultats de l’Allemagne, où les lois Hartz IV ont supprimé peu à peu l’assurance-chômage, en demandant au salarié de travailler 12 mois sur les 30 derniers pour avoir droit à une indemnisation, contre 6 mois sur les 24 derniers actuellement en France. Depuis les lois Hartz IV, la part de personnes très pauvres a bondi de 40 % en Allemagne, pour atteindre 11,1 %. L’écart de pauvreté a quant à lui augmenté de près de 32 % (Les Échos, 26 novembre 2022). En parallèle, le taux de chômage est passé de 12 % en 2005 à 5 % en 2015 non pas au profit de l’emploi, mais de la pauvreté.
En effet, les citoyens allemands ont seulement subi les radiations liées aux réformes, et la part des très bas salaires a augmenté, conduisant à une hausse du taux de pauvreté (Les Échos, 2 février 2015). Enfin, le Gouvernement souhaite s’attaquer aux ruptures conventionnelles et ainsi aux conditions d’accès aux droits au chômage. De quoi accentuer encore la montée de la pauvreté en France, qui bat un record depuis 1996, atteignant 15,4 % ! (Insee, 7 juillet 2025).
Enfin, et parce que ce Gouvernement n’a honte de rien, Bayrou a annoncé la suppression de deux jours fériés : le lundi de Pâques et le 8 mai et tout ça gratuitement ! En effet, les Français devront travailler davantage sans augmentation de salaire, et sans cotiser de manière à ce que leur salaire soit différé dans leur retraite ou pour l’assurance-maladie !
Un mouvement de fiscalisation de la Sécurité sociale qui met en péril sa viabilité
Bayrou a affirmé qu’il fallait « moins faire peser sur le travail le financement de notre système social », soit financer le système de la Sécurité sociale par l’impôt, et non par les cotisations sociales, qui rappelons-le, ne sont que du salaire différé visant à financer votre retraite, ou vos dépenses de santé. Le but de cette manœuvre est de faire dépendre le financement de la Sécurité sociale sur la TVA et sur la contribution sociale généralisée (CSG) afin de baisser le coût du travail pour les employeurs, en les exonérant le plus possible de cotisations patronales notamment.
Faire peser le financement de la Sécu sur la TVA, c’est faire payer les plus modestes d’entre nous ! En effet, selon Attac, le taux d’effort (proportion de TVA – impôt directement lié à la consommation – payée par rapport au revenu) est de 12 % pour les 10 % les plus pauvres, et de seulement 5 % pour les 10 % les plus riches (Attac, 2 juin 2025).
Avant 1996 et l’instauration de la Loi de finance de la Sécurité sociale (LFSS), le budget de la Sécu était notamment géré par les syndicats, selon le système du Régime général, mis en place par le Conseil national de la Résistance (CNR) en 1945. Supprimer peu à peu les cotisations sociales, c’est ainsi supprimer des ressources essentielles au financement de la protection sociale, et appeler, dans le futur, à augmenter les impôts qui financeront le système, soit la TVA et la CSG, deux impôts régressifs et donc les plus inégalitaires !
Afin de financer durablement notre système de protection sociale, La France Insoumise propose de revenir progressivement vers le système de 1945 : financer le régime général par les cotisations sociales des salariés et patronales. De plus, l’Avenir en commun prévoit de soumettre à cotisation les dividendes, la participation, l’épargne salariale, les rachats d’action et les heures supplémentaires, permettant de dégager près de 10 milliards d’euros supplémentaires. La création d’une surcotisation pour les plus hauts salaires pourrait également amener 15 milliards d’euros pour le financement de la Sécu.
Enfin, il faut rendre la CSG et l’impôt sur le revenu plus progressifs, ce qui permettrait d’augmenter les ressources de près de 5,5 milliards d’euros supplémentaires. D’autres pistes existent : augmenter les salaires et le Smic à 1 600 euros net permettrait de dégager plus d’1,2 milliards supplémentaires de cotisations sociales, et une véritable égalité salariale homme/femme permettrait également de dégager près de 12 milliards d’euros de cotisations sociales !
Alors que rien n’a été dit pour faire face aux effets du changement climatique sur notre système de protection sociale ou la santé des citoyens français, qu’aucun chiffre n’est sorti pour demander aux plus riches et aux grandes entreprises de contribuer au financement de notre protection sociale, les macronistes continuent leur politique catastrophique qui creusera encore et encore les déficits, en supprimant toujours plus de dépenses publiques, et ainsi des recettes induites par la consommation populaire. Plus que jamais, le vote d’une motion de censure contre le Gouvernement est nécessaire.
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Source: https://linsoumission.fr/2025/07/21/decryptage-budget-2026-bayrou/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/decryptage-budget-2026-bayrou-prepare-la-destruction-du-systeme-social-francais-li-fr-21-07-25/