
Au Salon du Bourget, à Paris, de nombreux stands vendent des armes, notamment ceux d’Israël. Une coalition d’associations et d’ONG dénonce un « Salon du génocide ».
Par Laury-Anne CHOLEZ.
De grands draps noirs cachent des armes de guerre. Le 16 juin, premier jour du Salon du Bourget, les visiteurs n’ont pas pu accéder à cinq stands d’industriels de l’armement israéliens, masqués juste avant l’ouverture de ce grand-rendez-vous de l’industrie aéronautique et spatiale à Paris.
Les stands fermés sont ceux de Israel Aerospace Industries (IAI), Rafael et Elbit, qui produisent notamment des bombes guidées et des missiles, et ceux de UVision et Aeronautics, qui fabriquent des drones.
Les organisateurs assurent avoir exécuté « une instruction émanant des autorités françaises compétentes », selon Franceinfo. Interrogé à ce sujet, le Premier ministre a expliqué que seules les armes « défensives » étaient autorisées sur les stands, mais pas les armes « offensives », visiblement présentes sur celui de l’État hébreu. Dans cet événement créé en 1909, les visiteurs peuvent effectivement voir de nouveaux modèles d’avion dédiés au transport commercial, mais aussi des appareils destinés à l’armée — la défense, l’armée et l’aéronautique étant liées.
« Étant donné les tensions extrêmes dans la région […], l’inquiétude à l’égard de Gaza, […] on a provisoirement fermé les stands », a déclaré François Bayrou dans une interview relayée par BFMTV, en référence à la guerre que mène Israël à Gaza depuis octobre 2023 et ses frappes militaires contre l’Iran débutées le 13 juin.
« Des marchands de mort »
Pour la coalition Guerre à la guerre, ces draps noirs ne sont « qu’un écran de fumée qui vient au dernier moment masquer les coopérations historiques et profondes entre l’État français et l’État israélien ». Plus de 30 millions d’euros de matériels de guerre ont été vendus par la France à Israël en 2023.
Rassemblant une vingtaine d’organisations antiracistes, anticoloniales, anti-impérialistes et féministes, cette coalition a organisé une conférence de presse devant le Salon le 16 juin. Objectif : dénoncer la militarisation grandissante de la France et demander la libération de la Palestine.
« On trouve scandaleux et indécent qu’aux portes de Paris se réunissent des marchands de mort pour faire de l’argent, a déclaré l’un des membres. On ne parle pas d’un salon d’exposition, mais bien d’un salon qui permet de passer des contrats d’armement et donc de fournir une aide manifeste aux entreprises qui sont coautrices de crimes. » Ils organisent du 20 au 22 juin toute une série de mobilisations à Bobigny pour dénoncer « cette économie de la guerre ».

Certaines associations membres de la coalition avaient déposé un recours juridique demandant de bannir du Bourget les entreprises israéliennes, au nom du risque de perpétuation de « crimes internationaux ». Leur requête a été rejetée et elles ont été condamnées à verser 9 000 euros aux organisateurs.
« Une décision d’autant plus inéquitable que cette structure affiche un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros, tandis que nos associations, souvent en déficit, peinent à survivre financièrement », déplorent-elles dans un communiqué. Elles prévoient de se pourvoir en cassation.
926 exposants affiliés au secteur de la défense
Ce grand rendez-vous de l’aéronautique et de l’espace s’est ouvert sous des auspices très guerriers. 926 exposants sur les 2 400 sont affiliés au secteur de la défense, selon un décompte du Monde.
Parmi eux, l’entreprise française Eurolinks, soupçonnée de fournir à l’État hébreu des pièces servant à relier des balles de fusils-mitrailleurs. La Ligue des droits de l’Homme a déposé le 12 juin une plainte pour complicité de crimes contre l’humanité et complicité de génocide.
Dans les allées du Salon se trouve également le stand d’Airbus, qui fabrique les hélicoptères AS565 Panther utilisés par Tsahal, les forces de défense d’Israël, pour patrouiller dans les zones maritimes et notamment sur le littoral de la bande de Gaza.
« Mettre fin à notre complicité »
Autre entreprise faisant des affaires avec l’État hébreu : l’équipementier Safran, qui avait créé en 2010 une entreprise partagée avec l’entreprise israélienne Elbit pour produire des drones à Montluçon (Allier) et dans le Val-d’Oise. Depuis, aucune information n’a filtré et on ne sait pas si la production a été lancée.
Cependant, des palettes contenant des pièces détachées utilisées pour relier des cartouches d’armes automatiques appartenant au groupe Elbit ont été bloquées par les dockers du port de Marseille début juin, selon les révélations de Disclose.
Enfin, Safran est membre du projet Actus, coordonné par Israel Aerospace Industries et financé par l’Europe. Selon une enquête de Disclose, Tsahal utilise ces drones pour surveiller, cibler et frapper des bâtiments et campements où sont réfugiés des civils palestiniens.
L’entreprise française Thales est aussi présente au Bourget. Toujours selon Disclose, elle aurait vendu pour au moins 2 millions d’euros de composants électroniques et de systèmes de communication destinés à équiper des drones israéliens. Ce matériel est susceptible de servir dans des bombardements contre des civils palestiniens, estime l’enquête de Disclose.
Pour pointer ces relations commerciales et ces contrats qui seront probablement signés au Bourget, Amnesty International a créé un faux site baptisé le « Salon du génocide ». But de l’opération : « Dénoncer le double discours des autorités françaises et assurer la fin des livraisons d’équipements militaires à Israël. »
Le dernier rapport de l’Observatoire des armements rappelle que les entreprises russes avaient été exclues du Salon du Bourget en 2023. Face à « l’accumulation des crimes commis », l’Observatoire a demandé le lancement d’une commission d’enquête parlementaire. « Un dispositif seul à même d’évaluer notre responsabilité collective dans les horreurs qui se produisent à Gaza, estime l’institut, et de mettre fin à notre complicité. »
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Source: https://reporterre.net/Derriere-les-avions-du-Salon-du-Bourget-les-armes-d-Israel
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