« Des clients en roue libre avec les employées » : à l’hôtel-casino d’Enghien, des salariées victimes de violences sexuelles… et du silence de la direction (H.fr-19/05/25)

En mai, deux salariées de l’hôtel du casino Barrière d’Enghien-les-Bains ont été victimes d’attouchements de la part de clients, sans réaction de leur employeur. © Babayaga / Photononstop / Photononstop via AFP

En mai, deux employées de l’établissement du groupe Barrière ont subi les assauts de « clients ingérables », dénoncés par les syndicats, qui pointent l’inertie de la direction et exigent des mesures immédiates de protection.

Par Hayet KECHIT.

Mathilde* est ce qu’on appelle, dans le jargon de l’hôtellerie de luxe, une « night », à savoir une réceptionniste de nuit. Le 30 avril, au sein de l’hôtel attenant au casino d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), propriété du groupe Barrière, où elle officie, elle se trouve seule à l’accueil quand un client de la salle de jeux, ivre et titubant, se voit proposer de passer gracieusement la nuit dans l’une des chambres de l’établissement 4 étoiles. À charge pour Mathilde de l’y conduire.

Dans la chambre, à peine la jeune femme tourne-t-elle les talons que l’homme, pantalon baissé, claque la porte, l’empoigne par-derrière et lui inflige des attouchements aux seins. En état de choc, elle attendra la fin de son service, à 7 heures du matin, pour porter plainte seule au commissariat. Elle est en accident du travail depuis ces faits sur lesquels la CGT du groupe Barrière a donné l’alerte quelques jours plus tard.

Pour Michaël Da Costa, délégué syndical, c’est l’affaire de trop, révélatrice à ses yeux de l’inertie de la direction face à un problème jugé « systémique ». « Cela fait des années que l’on alerte en CSE (comité social et économique) sur la montée de ces violences de la part d’une clientèle en roue libre avec les employées, sans que la direction prenne des mesures dignes de ce nom », s’émeut le cégétiste.

« Une direction obsédée par l’impact commercial »

Le 8 mai, une esthéticienne chargée de prodiguer des massages dans le spa de l’hôtel aurait elle aussi été confrontée à un prédateur : au cours d’un soin, ce client lui aurait enjoint de « descendre ses mains plus bas » pour le masturber, tout en exhibant son sexe. Le commissariat aurait refusé d’accepter la plainte de la jeune femme, considérant que l’affaire ne pouvait donner lieu qu’à une main courante, selon les informations recueillies par la CGT.

Le syndicat cite encore l’exemple de cette autre salariée soumise à des propos dégradants : « Viens me chercher salope ! » lui aurait lancé un groupe de clients hilares et débraillés qui, à 21 heures, au moment de la fermeture du spa, réfugiés dans les toilettes, s’obstinaient à demeurer dans les lieux. Seule pour gérer la situation et excédée, alors que son service avait pris fin depuis longtemps, cette dernière aurait pris la décision de partir, fermant les portes derrière elle, laissant le groupe à l’intérieur.

Une décision qui lui aurait valu, selon la CGT, une sanction. « Comment une salariée insultée et menacée peut-elle rester sur son lieu de travail au risque de se mettre en danger ?, s’insurge Michaël Da Costa. Le problème des décisionnaires est qu’ils sont obsédés par l’impact commercial d’une pénalisation des clients, quand bien même ils seraient des agresseurs. Ils essaient systématiquement d’atténuer les faits en reportant la responsabilité sur les salariées. »

« Une gestion scandaleuse des risques »

Un constat partagé par les représentants de Force ouvrière (FO), qui, le 15 mai, ont publié un communiqué au vitriol à l’encontre de la direction, pointant « une gestion scandaleuse des risques au sein du groupe ». Avec pour résultat « des salarié·es (qui) continuent de travailler dans un environnement imprévisible. À chaque interaction avec la clientèle, c’est la roulette russe ». Le syndicat enjoint la direction de sortir de « l’hypocrisie » qui consiste à « condamner les conséquences, sans véritablement agir sur les causes », et décline une série de dispositions à prendre en urgence.

À commencer par « des mesures immédiates de protection » ; « un encadrement strict de la consommation d’alcool des clients » ; « une mise à jour en urgence du Duerp (document unique d’évaluation des risques professionnels) pour y intégrer les risques et les mesures préventives liés aux violences sexistes et à l’alcool » ; « des formations obligatoires sur les violences sexistes et sexuelles, pas des gadgets ».

Contacté par l’Humanité, le groupe Barrière assure « faire de la protection de ses salariés une priorité ». La direction aurait, à la suite des agressions en mai, « aussitôt contacté les autorités compétentes et enclenché des procédures internes pour accompagner les personnes concernées », en fournissant « un accompagnement juridique et psychologique ». Elle souligne aussi les enquêtes internes qui ont été lancées et « le renforcement des procédures de sécurité » et affirme enfin que « les deux clients concernés sont, depuis les signalements, interdits d’accès ».

* Le prénom a été modifié.

°°°

Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/metoo/avec-les-clients-cest-la-roulette-russe-a-lhotel-barriere-du-casino-denghien-des-salariees-victimes-de-violences-sexistes-et-sexuelles-face

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/des-clients-en-roue-libre-avec-les-employees-a-lhotel-casino-denghien-des-salariees-victimes-de-violences-sexuelles-et-du-silence-de-la-direction/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *