Des non alignés aux BRICS : la longue marche des peuples contre le colonialisme, le néocolonialisme et l’hégémonisme fasciste ! Par Diagne Fodé Roland. (18/04/25)

Du 18 au 24 avril 1955, il y a 70 ans, 29 pays d’Asie et d’Afrique plus des mouvements de libération nationale se réunissaient en Indonésie pour exiger la fin du colonialisme et un ordre international de paix respectant les souverainetés nationales.

Dans la première décennie du XXIème siècle, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud fondent les BRICS pour exiger le respect des souverainetés nationales et la fin de l’hégémonisme prédateur Otano/UE/G7/Israël piloté par l’impérialisme US.

Les contradictions inhérentes à l’impérialisme stade suprême du capitalisme se manifestent de plus en plus ouvertement faisant prendre conscience au peuple de leur existence que l’hégémonie unilatérale des impérialistes US flanqués de l’UE/G7/Israël étouffait à leurs yeux.

Bandung était un front uni contre le colonialisme et le néocolonialisme

L’interprétation la plus répandue de Bandung est le « non alignement » sur les « deux blocs en guerre froide » qu’étaient les camps capitalistes et socialistes. Ce n’est là qu’une demi-vérité qui ne doit pas nous cacher qu’il s’agissait aussi d’un front uni des pays, nations ex-colonies contre le colonialisme et le néocolonialisme dont la majorité était bourgeoisie à l’exemple de l’Inde, de l’Indonésie et la minorité appartenant au camp socialiste comme la Chine.

C’est ce que pointait fort justement le Manifeste du PAI : « A l’heure historique de Bandung et de la désintégration du système colonial de l’impérialisme, à l’heure où la confusion politique submerge l’Afrique Noire sous domination française, notre devoir d’Africains nous oblige à porter devant les masses de notre pays le problème de l’indépendance nationale et de la transformation socialiste de notre économie » (Manifeste du PAI, Thiès 15/09/57).

Les 23 signataires du Manifeste du PAI énonçaient « une situation qui plaide pour le seul mot d’ordre juste : L’INDÉPENDANCE NATIONALE », laquelle situation était caractérisée par le fait qu’« après la deuxième guerre mondiale avec l’apparition du camp du socialisme sur un tiers du globe, une immense vague démocratique a déferlé sue le monde entraînant tous les peuples dans la lutte pour la socialisme, l’indépendance nationale et la paix. C’est ainsi que la Chine Populaire instaurait le socialisme pour 600 millions d’hommes, que le Vietnam, l’Inde, l’Indochine, la Syrie et le Liban secouaient pour toujours le joug des impérialistes étrangers… l’Afrique bouge… la chaîne des indépendances africaines a prouvé que notre pays n’était pas à l’écart des grands courants de pensées mondiaux ».

Le « non alignement » était donc une tactique permettant d’allier les bourgeoisies, les petites bourgeoisies et les communistes à l’échelle étatique et des mouvements de libération nationale contre le colonialisme et le néocolonialisme.

Il faut dire que les impérialistes ont réussi à contenir cette tactique frontiste indépendantiste pour imposer le néocolonialisme en Afrique en massacrant (Thiaroye, Madagascar, Cameroun), en assassinant les leaders radicalement indépendantistes (Abane Ramdane, Krim Belkacem, Ben Mhidi, Lumumba, Um Nyobé, Félix Moumié, Osende Afana, Ernest Ouandié, Ben Barka, Eduardo Mondlane, Thomas Sankara, etc.), en organisant des coups d’états contre Sylvanus Olympio, Kwame Nkrumah, Modibo Kéita ou en isolant par blocus Sékou Touré.

La tenue de la Tricontinentale associant à l’Asie et l’Afrique l’Amérique du sud en 1966 montrait les limites à cette alliance frontiste en tant que réponse des révolutionnaires indépendantistes au délitement réformiste du « non alignement » différenciant puis opposant « voie capitaliste » et « voie non capitaliste » de sortie du sous développement colonial et néocolonial. Les révolutionnaires communistes représentaient les classes laborieuses ouvrières et paysannes alors que le national-réformisme représentait les classes bourgeoises et les petites bourgeoisies enclines aux compromissions.

C’est le tournant révisionniste à la tête de l’URSS à la fin des années 50 et début 60 qui va engendrer à la fois la division du Mouvement Communiste International (MCI) et l’éloignement puis le renforcement de l’anti-communisme des bourgeoisies et de la petite-bourgeoisie dans les semi ou néo-colonies et dans les pays dépendants. Les révisionnistes ayant développé des tendances à soutenir les bourgeoisies nationales dont certaines n’hésitaient pas à naviguer sous un faux drapeau communiste.

C’est ainsi qu’en Afrique, se sont installées des régimes néocoloniaux contre lesquels ont émergé les organisations révolutionnaires petites bourgeoises d’orientations marxistes-léninistes mais qui, malgré leur division, vont être les chevilles ouvrières de toutes les luttes sociales, syndicales et démocratiques qui vont permettre des conquêtes sociales et démocratiques.

Ces révolutionnaires marxistes vont ensuite être happés par le système bourgeois et petit bourgeois néocolonial pour les intégrer à la gouvernance libérale consécutive à la défaite du camp socialiste d’Europe et de l’URSS. La « lutte des places » dans les gouvernements néocoloniaux va remplacer la « lutte des classes » pour la « rupture et la transformation systémique » contre la domination impérialiste. Un vide sidéral va s’installer dans l’espace politique qui fera progressivement réagir les résistants de la gauche communiste traumatisés par la défaite externe et interne du communisme. Comme nous l’écrivions en 2008 « La victoire temporaire de la contre-révolution bourgeoise a, dans un premier temps, accéléré les abandons, les reniements, les capitulations au sein des forces de la gauche révolutionnaire partout dans le monde. L’Afrique et le Sénégal n’ont pas échappé à cette débandade qui a conduit un libéral bourgeois apatride comme le président A. Wade à se moquer parlant de ses alliés du PIT, de la LD/MPT et de And Jëf : : « Pour moi, c’était des gens qui jouaient un jeu, l’histoire avait fait qu’ils avaient basculé dans un camp qui les soutenait. Ceux qui recevaient des subsides de Moscou, il fallait qu’ils jouent les communistes, comme ceux qui recevaient des armes aussi » (Chronique d’une Alternance – Malick Diagne – p.64-édition Xamal-juillet 2000) ».

Entre temps, les illusions du totalitarisme de la pensée unique libérale vont peu à peu se volatiliser sous les effets d’une aggravation de la paupérisation des masses laborieuses alors que la gestion de l’appareil d’État néocolonial fabriquait des milliardaires et que les firmes monopolistes impérialistes s’emparaient des secteurs économiques stratégiques, d’une émigration forcée meurtrière et l’esclavage sans papiers pour les rescapés, etc.

La nature ayant horreur du vide, l’espace politique abandonné par les renégats de la gauche historique va être rempli par la rébellion d’une jeunesse intellectuelle souverainiste civile et militaire dans nos différents pays d’Afrique, jeunesse qui cherche à accomplir sa mission de libérer l’Afrique.

Les BRICS sont un front uni contre l’hégémonie impérialiste sur la mondialisation capitaliste

Les guerres impérialistes contre l’Irak, l’Afghanistan, la Yougoslavie, la Libye, la Côte d’Ivoire et les effets socialement dévastateurs des plans d’ajustement structurel du FMI et de la BM sous prétexte de la dette ont été les principaux facteurs d’une prise de conscience de la nature intrinsèquement barbare de la domination impérialiste sur le monde. Comme nous l’écrivions en 2008 au « colloque commémoratif des 50 sur L’actualité du Manifeste du PAI : Quelle perspective de reconstruction d’une gauche ouvrière et anti-impérialiste au Sénégal ? » : « La crise générale de surproduction du système capitaliste fait découvrir à l’humanité ce que décrivait Karl Marx : « Le capital a horreur de l’absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le capital devient hardi. A 20% il devient enthousiaste; à 50% il est téméraire; à 100% il foule au pied toutes les lois humaines et à 300% il ne recule devant aucun crime… » (Le Capital). Les peuples et les travailleurs expérimentent dans la douleur l’enseignement de Lénine selon lequel l’impérialisme stade suprême du capitalisme « a développé les forces productives au point que l’humanité n’a plus qu’à passer au socialisme ou bien à subir pendant des années et même des dizaines d’années la lutte armée des grandes puissances pour le maintien artificiel du capitalisme à l’aide de colonies, de monopoles, de privilèges et d’oppressions nationales de toute nature » (Le Socialisme et la Guerre) ».

Les crises financières, notamment celle de 2008 ont accéléré le transfert à l’échelle de certains États de cette prise de conscience des peuples. C’est cela qui donne les BRICS et aujourd’hui les BRICS + avec de plus en plus de candidats à l’adhésion à cette alternative multilatérale à l’OTAN/UE/G7/Israël.

Les BRICS sont donc un front défensif anti-hégémonique qui associe pays, nations bourgeoises comme l’Inde, le Brésil et pays, nation communiste comme ce rescapé du camp socialiste qu’est la Chine Populaire. Si l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud sont d’anciennes colonies comme le fut en partie la Chine, la Russie bourgeoise bénéficie, après avoir été temporairement vassalisée par les impérialistes vainqueurs, de toute l’édification scientifique, technologique, industrielle, culturelle de la défunte URSS.

Ce front défensif fondé sur l’intérêt commun d’en finir avec l’hégémonisme impérialiste et la nécessité d’un monde multipolaire n’est certes pas éternel, mais contribue objectivement à l’obtention de la souveraineté nationale des pays et nations du monde.

La domination économique, financier, commercial, scientifique, technologique, culturel et militaire de ce que d’aucuns appellent « Occident global » est remise en cause par les puissances alternatives économique, scientifique, technologique, culturelle et militaire qui constituent les BRICS +. A ceux-là, il faut ajouter la formidable résistance de la Corée du Nord puissance militaire nucléaire, Cuba puissance médicale et pharmaceutique qui explique le blocus injuste dont la petite île fait l’objet du géant US, le Vietnam puissance industrielle, tous des pays, nations communistes rescapés du camp socialiste. En fait, à y regarder de plus près, les bourgeoisies des BRICS opposent plus ou moins radicalement le « capitalisme d’état » au libéralisme débridé de la « mondialisation capitaliste » piloté par les USA/UE/G7 alors que les rescapés du camp socialiste Chine, Vietnam, Corée du Nord, Cuba maintiennent le cap sur le « socialisme de marché » parce que le « marché » qui est antérieur au capitalisme obéit à des lois à prendre en compte dans toute société l’échange existe.

L’évolution du rapport des forces entre hégémonisme et anti-hégémonisme contribue ainsi objectivement à l’exercice de leur souveraineté à nos pays et nations en construction de l’AES et du Sénégal et du coup fait apparaître plus nettement qu’avant la vassalisation néocoloniale de l’UEMOA/CEDEAO.

Compter avant tout d’abord sur ses propres forces tout en prenant en compte l’existence des BRICS sont les deux mamelles des politiques de souveraineté nationale et panafricaine.

Les bourgeoisies nationales tout comme les classes laborieuses africaines doivent forger des alliances stratégiques sur ce qui les unit, à savoir la souveraineté nationale, tout en appliquant la politique d’unité, critique, unité pour surmonter les contradictions secondaires et frapper ensemble l’ennemi principal l’impérialisme.

Les formules de Mao Tsé Toung « unité, critique, unité » et « contradictions secondaires et contradictions principales » ou encore de « contradictions non antagoniques et contradictions antagoniques » sont une boussole indispensable pour maintenir l’unité du front jusqu’à la victoire contre l’ennemi principal. Appliquer cette tactique à portée stratégique, c’est démocratiser le mouvement souverainiste et permettre l’expression des courants représentant les classes sociales qui le composent, c’est favoriser que les bouches dans notre camp souverainiste et panafricain s’ouvrent dans le cadre du maintien de l’unité d’action commune pour régler la contradiction principale qui est celle de la contradiction antagonique du moment. Le débat démocratique d’idées est une force du camp souverainiste qui précède la mise en œuvre du centralisme dans l’action commune. C’est cela le vrai sens du centralisme démocratique.

Une fois cet objectif du moment atteint vont éclore les nouvelles contradictions et les tâches y afférentes que prépare d’ailleurs la nécessaire libre expression démocratique des tenants du front uni souverainiste.

Nos expériences souverainistes en cours au Sénégal et dans l’AES doivent s’abreuver de connaissances scientifiques des expériences multiformes et protéiformes tant de la première phase de libération nationale dans les rapports de ses forces internes des classes sociales que dans les rapports qui furent tissés à l’échelle africaine et internationale qui ont été des jalons de la longue marche en cours de Bandung aux BRICS.

18/04/25

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/des-non-alignes-aux-brics-la-longue-marche-des-peuples-contre-le-colonialisme-le-neocolonialisme-et-lhegemonisme-fasciste-par-diagne-fode-roland-18-04-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *