
À Redon, petite ville située entre Nantes et Rennes, sur le fleuve de la Vilaine, il y avait foule samedi 22 février. «On est ici aujourd’hui pour lutter contre les pesticides sur les zones de captage. On retrouve encore des pesticides qui sont interdits et qui ont été épandus il y a plus de 20 ans» expliquent les manifestant-es. Plus de 2.000 personnes sont réunies pour réclamer une eau potable de qualité et l’arrêt de l’empoisonnement de l’environnement par l’agro-industrie.
Quelques chiffres pour rappeler la nécessité vitale d’une telle mobilisation. Selon l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, moins de 8% des cours d’eau du bassin de la Vilaine sont en « bon état écologique ». Plus de 9 cours d’eau sur 10 sont donc en mauvais état ! Avec toutes les conséquences que cela comporte pour la faune, la flore et pour les êtes humains.
En avril 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, organisme public chargé de contrôler la sécurité des produits de consommation, alertait sur la présence de multiples pesticides dans au moins un tiers de l’eau potable en France. La même agence estimait que les techniques actuelles de traitement de l’eau courante ne sont pas en mesure d’éliminer certains pesticides de l’eau du robinet.
En 2022, une revue scientifique avait récolté l’urine de plusieurs milliers de français, et mesurait que 99,8% des échantillons testés contenaient du glyphosate, un herbicide toxique. Nous sommes donc toutes et tous empoisonné-es.
La Bretagne, territoire agricole, est particulièrement touchée. La Loire Atlantique est par exemple championne des pesticides. On y trouve notamment un usage important d’un produit chimique surpuissant et hautement toxique appelé métam-sodium, utilisé pour faire pousser la mâche, la salade locale. Un produit qui a empoisonné des riverains et des ouvriers agricoles ces dernières années. Cette substance est plus nocive que le glyphosate, qui ne tue que les mauvaises herbes : son but est de tuer toute vie dans le sol. Les gros agriculteurs, poids lourds économiques locaux, qui ont une influence énorme, ont longtemps obtenu le maintien de son autorisation.
Un dernier chiffre : 3% chaque année. C’est le taux d’augmentation du cancer du pancréas en France, le plus foudroyant et difficile à soigner. Une augmentation deux à trois fois plus rapide que dans la plupart des autres pays européens. Les pesticides sont mis en cause dans cette hausse inquiétante.
Et pourtant, les autorités ne réagissent pas à cette intoxication généralisée. La Ministre de l’agriculture, Annie Genevard, est une filloniste très liée à l’agro-industrie. Elle appelait en juillet dernier sur CNews, à «réprimer les mouvements contre les mégas-bassines avec la plus grande fermeté». Son suppléant est carrément membre de la FNSEA. Nommer Annie Genevrard à l’agriculture ou un responsable de Monsanto, c’est pareil. D’ailleurs, l’an dernier, le gouvernement a cédé aux agro-industriels sur une série de mesures, notamment l’autorisation étendue d’utiliser des pesticides.
C’est dans ce contexte qu’avait lieu la manifestation à Redon le 22 février. Dans le bassin de la Vilaine, les autorités prévoyaient, enfin, des mesures importantes pour la protection des zones humides et la réduction de l’usage des pesticides. Mais il a suffi qu’une poignée d’agriculteurs de la FNSEA manifeste à Redon le 3 décembre dernier pour que les élus se couchent et abaissent les ambitions de ce plan qui doit être voté ces prochains jours. Ces choix sont tout simplement suicidaires. D’autant plus que les pesticides menacent d’abord la santé de leurs utilisateurs, à savoir les agriculteurs eux-mêmes !
Dans la manifestation de samedi contre les pesticides, France 3 donne la parole à Denis, ancien ouvrier agricole dont le cancer de la prostate a été reconnu comme maladie professionnelle : «Tout ce qui est en train de se passer au niveau des lois d’orientation agricole, ce n’est pas bon pour la santé environnementale, ni pour la santé des citoyens. Et les taux de cancers qu’il y a actuellement, ce n’est pas dû au vieillissement de la population, c’est bien dû à l’environnement».
Dans le cortège, des tracteurs, des collectifs écologistes, des habitant.e.s de la zone, des dizaines d’organisations, unies contre le lobby agro-industriel qui nous met toutes et tous en danger. En réunissant beaucoup de monde dans la rue, la ville de Redon a donné ce samedi le top départ de mobilisations massives pour une eau non toxique. En espérant que cette journée de lutte en inspire d’autres, pour obtenir enfin des victoires contre l’obscurantisme agro-chimique.
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