
De Mexico où je me trouve, ma pensée inquiète est tournée vers les élections en Allemagne.
Le premier fruit de la débâcle allemande actuelle est sur le terrain de la politique internationale. Merz, le prochain Chancelier nous dit-on, demanderait la protection du parapluie nucléaire français et anglais. Je prévois certains enthousiasmes de principe. J’assume ma froideur de principe et celle des insoumis. L’idée d’accepter d’être vitrifié pour l’Allemagne mérite réflexion approfondie. Et avant de se prononcer, il y a besoin de connaître le fond de la demande. La bombe française ou anglaise, ou les deux en même temps ? Qui tient le bouton ? Peut-on avoir une défense de cette nature sans avoir une politique étrangère commune ? Qu’a-t-on de commun à défendre dans une réplique pareille. Si l’arme française était déployée pour l’Allemagne, les vecteurs nucléaires américains qui sont une cible repartiraient-ils aux États-Unis ? Je demande qu’en toute hypothèse on prenne le temps de la réflexion et du sérieux du traitement des questions posées. Les répondeurs automatiques sont priés de nous laisser tranquille pendant ce temps-là.
Le vote des Allemands vérifie la terrifiante règle où le bilan d’un gouvernement de centre gauche s’achève par une percée extraordinaire de l’extrême droite. Elle s’est observée partout dans le monde. Notamment en Amérique du Sud. La décennie de « gauche raisonnable », succédant à la tumultueuse époque populaire des révolutions de la vague Chavez, s’est traduite par une série de désastres politiques qui culmine aujourd’hui avec Milei en Argentine. Mais en Europe ce n’est guère mieux et parfois même pire, si c’est possible.
Voici le tour de l’Allemagne. Souhaitons que les sondeurs de ce pays soient aussi nuls que les nôtres qui annoncèrent 27 fois sur 27 la victoire du RN et la déroute du NFP. Pour l’instant ils annoncent les fascistes d’AFD en position n° 2 derrière la droite et Die Linke en queue de cortège. La gauche au pouvoir se traîne à la suite. Ils sont loin derrière ! Le PS (là-bas ça s’appelle SPD) et les Verts, donnés en modèle de réalisme pour toute l’Europe écolo (les « réalos »). Je ne suis pas assez connaisseur de l’Allemagne pour avoir un sentiment personnel. Restent les outils de la pensée et du raisonnement. Deux ans de récession, un bourrage de crâne libéral non-stop pendant une génération, un vieillissement et une dénatalité spectaculaire : autant de très mauvais signes.
L’AFD n’est pas le fruit du hasard, mais le signal de l’échec des politiques de dénazification en Allemagne. Mais j’en dirais autant pour la France. Car je vois bien aussi le renouveau de l’admiration pour le nazisme et le personnage d’Adolf Hitler dans notre pays. Ici aussi, la racine est profonde si l’on tient compte du niveau absolument inouï de la collaboration en France pendant et avant l’occupation. Et surtout la participation active aux politiques antisémites du régime de Vichy de toutes les professions « régaliennes » françaises. Rien n’est plus méprisable : comment peut-on avoir la moindre considération pour la période où ce pays a été gouverné par un ancien clochard autrichien, peintre raté et agent provocateur de la police allemande à la fin de son service militaire, assassin revendiqué de millions de ses compatriotes par racisme, antisémitisme, anti-gauche et ainsi de suite. Il a vaincu par hasard, entouré du soutien actif des milliardaires américains, avec des soldats drogués, des pays dirigés par des traîtres et des imbéciles. Ceux-là semblent avoir retrouvé le chemin des congrès nazis que fréquentait Henry Ford, comme l’a fait Vance après Musk, insultant sans vergogne les gouvernants et les démocrates allemands. Le remède fut administré autrefois : l’invincible résistance acharnée des Anglais, d’abord totalement seuls, qui sauvèrent notre civilisation. Puis l’Armée rouge du peuple russe qui a écrabouillé l’armée nazie. De nos jours, à notre échelle, un devoir antifasciste est tout tracé.
La riposte populaire est en route, comme on l’a vu en Allemagne avec plus d’un million de personnes dans les rues contre l’AFD, et elle s’est donné un rendez-vous partout en France : le 22 mars. Partout les moyens de la propagande de la formation et de la riposte nos amis doivent être prêts et actifs. Le meeting d’Echirolles du réseau antifasciste insoumis est un magnifique signal de départ.
Le modèle économique allemand était une très mauvaise blague. Mais il était interdit d’en faire la critique. Ou bien il fallait accepter de subir les foudres de toute la bonne société médiatico-politique française se gargarisant avec des trémolos sur nos « amis allemands ». N’importe quoi ! Partenaires déloyaux, les gouvernements allemands successifs se sont moqués des dirigeants français. Leurs politiques ont largement contribué à la ruine de notre pays. L’annexion de l’Allemagne de l’Est et son corollaire monétaire ruineux pour la France ont été engloutis sous les roucoulements à propos du « couple franco-allemand ». Pourtant la psychologisation de la politique, nouveau bromure de la pensée des « politologues » français, a battu son plein. Les très bonnes ventes de mon livre « Le Hareng de Bismarck » montraient le décalage entre les ravissements des « élites » et le sentiment de bien des gens qui lisent et pensent. Le meilleur moment fut l’emportement public de cet aboyeur de Cohn-Bendit, éructant contre ma mise en cause des « boches », terme ne figurant pourtant pas dans mon livre… Une fois de plus ça puait la distribution des éléments de langage. Je ne doute pas de le revoir bientôt à la télé française venir nous réciter ses nouvelles convictions xénophobes comme remèdes à la montée de l’AfD. Nous avons déjà cette variété à portée de main dans nos murs : « ne laissons pas à l’extrême droite le monopole de la xénophobie ». Nous avons aussi les héritiers de ceux qui susurraient « plutôt Hitler que le Front populaire » ou qui glapissaient contre les « judéo-bolcheviques », aujourd’hui repeints en « islamo-gauchistes ». Le tableau est sans surprise. Notre réaction et nos choix de même. Demain ils lècheront les pieds de Trump, de Banon, et de tous les proconsuls nord-américains qui appliqueront en Europe les méthodes qu’ils ont forgées en Amérique du Sud. Mais ce n’est pas le sujet de ce post, aujourd’hui.
La droite allemande va gesticuler. Va-t-elle s’allier comme son homologue autrichienne à l’extrême droite AfD ? Ou bien va-t-elle reprendre la méthode de la grande coalition avec le PS et les Verts ? La comédie de la « goche » va recommencer. D’ores et déjà ses leadeurs font une campagne à peine audible, dans l’espoir de retrouver des sièges dans un gouvernement de grande coalition. Cette stratégie de la « stabilité » et de « la responsabilité », produit évidemment déjà son effet prévisible. Si la trouille des nazis n’effraie pas tous ceux qui ont à y perdre, la « goche » va produire son gros quota de démotivation ou de dégoût pour des millions de travailleurs menacés dans leur emploi, de retraités devenus miséreux et de jeunes sans perspectives. Die Linke, qui siège au Parlement européen dans notre groupe, marque un fossé absolu avec toutes ces capitulations et se montre intraitable face à l’AfD. Avoir confiance ou bien supposer que le « passé est dépassé » c’est oublier que le PS autrichien a déjà gouverné avec l’extrême droite autrichienne au Burgenland pendant cinq ans.
Et c’est toujours la même histoire. Dans les années trente, le PS allemand aida les centristes et vota Hindenburg pour « faire barrage à Hitler ». Puis, bien sûr, les centristes et Hindenburg appelèrent Hitler à la chancellerie, pensant le dominer après son recul électoral… Tout le monde finit dans les mêmes camps de concentration ! On ne traite pas avec ce genre de personnages. Il faut les neutraliser à temps.
Source : https://melenchon.fr/2025/02/23/devons-nous-etre-vitrifies-pour-berlin/
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