Du sport en bas des tours pour les « daronnes » de Choisy-le-Roi (StreetPress-25/09/25)

Depuis août, des séances de sport sont proposées aux mamans du quartier Gabriel, à Choisy-le-Roi, pour renforcer leurs corps fatigués et les sortir de leur isolement. Une initiative de Mamédy Doucara, champion du monde de taekwondo et enfant du quartier.

Par Assia HAMDI et Nnoman CADORET.

Le mercredi 17 septembre, à Choisy-le-Roi (94) – Le soleil de septembre irrigue le ciel du quartier Gabriel lorsque Fanta, Toumbou, Macalou et leur dizaine de copines se rassemblent en fin d’après-midi sur le parvis de leur cité pour leur séance d’activité physique hebdomadaire, depuis trois semaines. Face à leur barre d’immeuble de neuf étages, la bande se met en cercle.

Habillées avec de longues robes amples, un voile sur la tête, leurs pieds dans des tongs ou des claquettes à sequins, le groupe de voisines commence l’échauffement : « tant qu’elles se sentent bien, la tenue n’est pas importante », dit leur coach sportif, Mamédy Doucara, alors en train d’aligner des cônes orange fluo. Fatoumata, alias « Fanta », pianote sur son téléphone, casquette vissée : « On a un groupe sur WhatsApp, donc là, j’envoie des messages pour rappeler l’horaire de la séance ! »

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nmn_5153_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_2_copie.jpgElles se sentent en confiance avec Mamédy Doucara, un enfant du quartier devenu champion du monde de taekwondo. / Crédits : Nnoman Cadoret

Une heure de squats, d’étirements avec un élastique ou de montées d’escalier est proposée gratuitement par l’ancien champion du monde de taekwondo en 2001 avec l’équipe de France et enfant du quartier de 44 ans, Mamédy Doucara.

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nmn_5232_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_copie.jpgUne heure d’étirements avec un élastique est proposée gratuitement par Mamédy Doucara. / Crédits : Nnoman Cadoret

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nmn_5216_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_2_copie.jpgEncore des élastiques… / Crédits : Nnoman Cadoret

Les apprenties athlètes courent, fléchissent jambes et bras, s’époumonent sous le regard attentif du coach Mamédy : « Allez les filles, on ne lâche pas ! » Mi-intrigués, mi-admiratifs, les voisins les scrutent ou les observent depuis leur fenêtre. « Continuez, c’est génial », leur lance une voisine, en levant son pouce.

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nmn_5199_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_copie.jpgEncore et encore des élastiques. / Crédits : Nnoman Cadoret

Du sport accessible pour les « daronnes »

Des mères de famille, mais aussi des plus jeunes, comme Toumbou, 21 ans, viennent se dépenser gratuitement depuis août : « À la fin de la journée de travail, j’ai souvent mal aux jambes », raconte l’étudiante en école d’infirmière, vêtue d’une robe rose brillante et aux paupières maquillées, qui vit dans le quartier depuis 2019. « Avec la séance de sport, ça va mieux. »

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nmn_5130_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_copie.jpgL’une d’entre elles se charge d’envoyer un message sur le groupe WhatsApp « pour rappeler l’horaire de la séance ». / Crédits : Nnoman Cadoret

Kadiatou vient de terminer ses squats. La femme de ménage de 37 ans ajoute en soufflant :

« Au travail, il faut monter et descendre beaucoup d’escaliers, laver… Donc j’ai mal aux genoux. Mais ça va mieux depuis les entraînements. »

Kadiatou accompagne sa voisine et amie Fanta sur son footing matinal en bas de l’immeuble. Les séances ont été lancées au débotté. Le coach fournit tous les équipements car il n’a ni local ni salle. La priorité était de rendre la pratique sportive accessible et ainsi renforcer des corps souvent affaiblis par le quotidien, entre les courses, le travail domestique et les boulots précaires.

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nmn_5281_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_copie_0.jpgLes séances se font dehors car il n’y a ni local ni salle mis à disposition par la mairie. / Crédits : Nnoman Cadoret

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nmn_5300_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_2_copie.jpgÀ l’orée de l’hiver, le coach espère leur obtenir rapidement un local. / Crédits : Nnoman Cadoret

« Notre mère se plaignait de douleurs au dos. Mamédy lui a dit qu’il pouvait lui conseiller des exercices », raconte Cira, 32 ans, l’une des trois sœurs du coach. « Je pense que notre mère aurait aimé faire du sport mais il y a une certaine pudeur. » L’idée d’aider d’autres femmes — comme sa maman — trotte dans sa tête. « Certaines personnes que j’accompagne ont des ennuis de santé, donc je me suis dit que je pourrais peut-être aider », précise l’entraîneur.

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/6_-_mamedy_doucara_11zon.jpgMamédy Doucara espère faire prospérer cette initiative. / Crédits : Nnoman Cadoret

« Avec Mamédy, qui vient du quartier, elles se sentent à l’aise », poursuit Cira. Dans cette fratrie de six enfants, d’origine malienne, le sport est une affaire de famille et de solidarité. « Pour nos parents, c’était une solution pour éviter qu’on traîne dehors », dit-il. Lui a choisi la voie du taekwondo, comme son père Thieman, huitième dan, qui donne encore des cours d’assouplissement à 88 ans.

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https://backend.streetpress.com/sites/default/files/5_11zon_0.jpgPortrait de Niokoro. / Crédits : Nnoman Cadoret

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/4_11zon.jpgPortrait de Bintou. / Crédits : Nnoman Cadoret

Pour cette troisième séance, Toumbou est venue avec sa maman, Aïsse, qui l’accompagne depuis deux semaines. Souriantes, les deux femmes se challengent au nombre de flexions, et à celle qui tiendra le plus longtemps en faisant des squats. « Ça nous permet de passer du temps à deux. » « D’après Mamédy Doucara, les “daronnes” se sentent “en confiance”, car elles sont chez elles dans cet endroit où elles aiment se retrouver pour discuter de leur journée. « Chaque soir, on vient sur le banc, on parle entre nous et on vend du maïs », dit la souriante et volubile Macalou, surnommée « Jolie » : « Et maintenant, on fait du sport. »

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nmn_5243_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_2_copie.jpgEn bas de leur barre d’immeuble de neuf étages, elles soulèvent des poids et montent des escaliers sous le regard admirateur des voisins. / Crédits : Nnoman Cadoret

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nnom5688_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_copie.jpgEt cela depuis près d’un mois, à raison d’une séance par semaine. / Crédits : Nnoman Cadoret

En attente d’un local

« La semaine dernière, il a plu, mais on a fait du sport sous les arbres ! », enchaîne Jolie. Mais à l’orée de l’hiver, Mamédy espère obtenir rapidement un local de la part de la mairie. Le gymnase Léo Lagrange est à cinq minutes à pied. « On a beaucoup d’associations », recadre l’adjoint à l’urbanisme, Ali Id Elouali, venu pointer son nez, curieux. « Mais c’est génial ! On va voir ce qu’on peut faire. »

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/1_11zon.jpg« Chaque soir, on vient sur le banc, on parle entre nous et on vend du maïs », dit la souriante et volubile Macalou, surnommée « Jolie ». / Crédits : Nnoman Cadoret

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nnom5704_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_2_copie.jpgElles courent aussi. / Crédits : Nnoman Cadoret

Mamédy Doucara a lancé sur ses réseaux sociaux un appel au don pour financer l’achat de petit équipement sportif : « Si chacune d’elles a son élastique ou son haltère, elles passeront plus de temps à s’exercer. » D’autant qu’à peine un mois après la première séance, plusieurs daronnes réclament déjà un deuxième créneau dans la semaine.

https://backend.streetpress.com/sites/default/files/3_11zon.jpgPortrait de Hilly. / Crédits : Nnoman Cadoret

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https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17092025_nmn_5111_sport_mamans_mamedydoucara_cnnoman_2_copie.jpgMamédy Doucara veut lancer des cours de crossfit. / Crédits : Nnoman Cadoret

« Je leur ai dit d’attendre un peu », rit Mamédy Doucara. « Bien sûr, c’est top cette motivation, mais on essaye déjà de construire un groupe. » Le sportif souhaite créer une association et prévoit de lancer des cours de crossfit adapté : « J’ai plein d’idées pour elles ! », avant de conclure :

« On voit la manière dont elles s’amusent, dont elles rigolent. On a déjà un peu gagné. »

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Source: https://www.streetpress.com/sujet/1758712205-sport-tours-daronnes-choisyleroi-remiseenforme-iledefrance-initiative-mamedydoucara-taekwondo

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