
Un rapport de l’Unédic paru le 18 décembre dresse un bilan contrasté de la réforme de l’assurance chômage entrée en vigueur le 1er février 2023 qui réduit la durée possible d’allocation en fonction du taux de chômage dans le pays.
Par Eugénie BARBEZAT.
Présentée comme un outil d’ajustement automatique à la conjoncture économique, la « contracyclicité » repose sur un principe simple : réduire de 25 % la durée d’indemnisation lorsque la conjoncture est jugée favorable, tout en prévoyant un mécanisme correcteur en cas de retournement économique.
Deux ans après son entrée en vigueur, ses effets sont désormais mesurables en termes d’économies puisque l’Unédic estime, dans un rapport paru le 18 décembre, que la réforme de 2023 de l’assurance chômage a été la plus impactante financièrement de la dernière décennie avec « à l’horizon 2027 et sous l’hypothèse d’une conjoncture stable une réduction de dépenses pour le régime de l’ordre de 4,5 milliards d’euros par an par rapport à la situation antérieure ».
Des économies qui ne sont pas sans conséquences pour les allocataires concernés, soit 9 personnes sur 10 d’entre eux puisque certaines catégories comme les intermittents du spectacle, les travailleurs des DOM ou les marins-pêcheurs restent exclues de ce nouveau système.
Plus de chômeurs en fin de droits
Aujourd’hui, en raison de son application aux seuls nouveaux entrants, la réforme est encore en cours de montée en charge : fin juillet 2025, 71 % des allocataires étaient concernés étaient soumis aux nouvelles règles, à savoir le plafonnement du versement de l’allocation à une durée de 18 mois maximum pour les moins de 53 ans, contre 24 mois auparavant. Résultat : 40 % des droits ouverts en 2024 durent 18 mois et la durée moyenne des droits chute de 20 mois en 2022 à 16 mois en 2024, soit une baisse de 20 %.
Et la conséquence la plus inquiétante est qu’après plusieurs années de baisse, le nombre de demandeurs d’emploi arrivant en fin de droits sans possibilité de rechargement repart nettement à la hausse. Entre mars 2023 et mars 2025 : ils passent de 41 000 à environ 70 000 par mois, soit une augmentation de 65 %.
Cela se traduit logiquement par un recours massif à l’Allocation de solidarité spécifique (ASS), qui augmente fortement. La part des allocataires arrivant en fin de droits et basculant vers l’ASS est passée de 13 % mi-2022 à 20 % mi-2025. Selon la Drees, 267 000 personnes percevaient l’ASS fin 2024, et 40 % d’entre elles y étaient entrées au cours de l’année, un record historique.
CDD et intérim comme horizon après la fin des droits
Le complément de fin de droits (CFD), activable si le chômage dépasse 9 % ou progresse de 0,8 point en un trimestre n’est pas entré en vigueur car, selon les prévisions de l’Unédic et de l’Insee, ces seuils ne devraient pas être atteints avant 2027, même si au deuxième trimestre 2025, le taux de chômage s’établissait à 7,5 %, en légère hausse mais toujours loin des seuils déclencheurs.
Le ministre du Travail avait déclaré lors des débats parlementaires de 2022, que l’objectif était de rendre le régime « plus protecteur quand les choses vont mal, et plus incitatif quand les choses vont bien ». Deux ans après, la protection promise reste théorique, faute de retournement conjoncturel.
Concernant le but affiché d’un retour à l’emploi plus rapide et plus massif, il est atteint au prix d’une plus grande instabilité et d’une baisse qualitative pour les anciens chômeurs. Selon les données, 31 % des anciens allocataires ont un emploi salarié 3 mois après la fin de leurs droits au chômage, 58 % sont au moins une fois en emploi salarié dans l’année suivante. Cela signifie que de nombreux anciens privés d’emploi retrouvent un travail, mais souvent de façon fragmentée, enchaînant les CDD, intérims ou contrats courts.
Une réforme rentable mais socialement coûteuse
Dans ces parcours, les minima sociaux jouent un rôle de « filet de sécurité » temporaire, mais beaucoup restent dans une situation précaire, alternant emplois courts et périodes sans revenus. Différents travaux économiques suggèrent que réduire la durée d’indemnisation tend à accélérer le retour à l’emploi, mais avec une nuance importante : cela peut aussi conduire à ce que les chômeurs acceptent plus rapidement des emplois moins stables, moins bien rémunérés ou de moindre qualité.
La perspective d’une fin de droits rapide accentue la précarité psychologique, pousse à accepter plus vite des emplois moins adaptés ou éloignés du domicile. Les seuls à tirer leur épingle du jeu sont les aspirant entrepreneurs. Pour compenser la baisse des droits, le gouvernement a en effet relevé en juillet 2023 le taux de l’Aide à la reprise ou à la création d’entreprise (ARCE) de 45 % à 60 % du capital de droits restants.
L’effet a été immédiat : un bond des demandes avec + 35 % de bénéficiaires de l’ARCE entre 2022 et 2024 et 820 millions d’euros versés en 2024, soit + 37 % en deux ans. Trop tôt pour dire si ces nouvelles pousses à foison seront viables. Mais on peut soupçonner qu’une part des velléités entrepreneuriales constituent simplement un moyen de « récupérer » une plus forte indemnisation de l’assurance chômage.
Donc si la réforme atteint ses objectifs financiers, ce n’est qu’au prix d’une augmentation du nombre de personnes en fin de droits et d’un report vers la solidarité nationale, transférant une partie de la charge de l’Assurance chômage vers l’État.
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