Écologistes et Gilets jaunes main dans la main pour enterrer une autoroute (reporterre-19/05/25)

Évoqué pour la première fois officiellement en 1972, le contournement est de Rouen n’est jamais rentré dans la phase opérationnelle. – © Émilie Sfez / Reporterre

Après 50 ans de discussions, le contournement est de Rouen n’a toujours pas reçu le feu vert de l’État. Devant cet immobilisme, les opposants se sont réunis pour fêter la fin d’une autoroute qu’ils estiment déjà enterrée.

Par Guénolé CARRE et Emilie SFEZ (photographies).

Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), reportage

Une atmosphère de kermesse, avec ses barnums, ses stands de nourriture et ses jeux pour enfants, régnait samedi 17 mai aux abords du rond-point des Vaches, à Saint-Étienne-du-Rouvray, dans le sud de l’agglomération de Rouen. À l’appel du collectif Non à l’A133-A134, qui regroupe plus de 50 associations, collectifs, municipalités et partis politiques, les manifestants étaient venus fêter par anticipation l’abandon du contournement est de Rouen, un projet dont la première évocation date de 1972.

« Ce n’est pas facile de prendre la parole dans un enterrement, et pourtant, aujourd’hui, on fait la fête », lance d’un air enjoué Laetitia Sanchez, coprésidente du groupe écologiste à la région Normandie, devant une centaine de personnes.

Pas de décision avant 2028

En attendant de fêter l’annulation réelle de cette relique des années Pompidou — qui, sur 41 km, devrait artificialiser 516 hectares, dont 142 de forêt, et nécessiter la construction de huit viaducs — le projet reste toujours d’actualité. Seule la désignation d’un concessionnaire par le gouvernement manque encore pour faire entrer le chantier dans sa phase opérationnelle.

La manifestation aux allures de kermesse a rassemblé une centaine de personnes le 17 mai à Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). © Émilie Sfez / Reporterre

Mais, devant les atermoiements de l’État à lancer de nouveau projets routiers après le fiasco de l’A69, le calendrier, qui prévoyait un début des travaux en 2027, a depuis glissé de plusieurs années. Pour les opposants, c’est un signe de plus de la non-viabilité d’un projet qu’ils estiment déjà écarté par les pouvoirs publics.

« En off, ça ressemble à un abandon. Il n’y a pas eu de déclaration publique des différents ministres [depuis 2023], mais on voit qu’il y a un flou qui est de bonne augure pour nous », commente Laetitia Sanchez, interrogée par Reporterre. Allant dans le sens de l’édile, les récentes déclarations du président de la région Normandie, le centriste Hervé Morin, laissent en effet planer le doute sur l’avenir de l’autoroute. Bien qu’étant l’un de ses plus adents défenseurs, celui-ci a admis le 10 avril, qu’il n’y avait « aucune perspective de court terme » et qu’une décision ne serait pas prise avant 2028.

Haut lieu de la lutte des Gilets jaunes

Prenant place à l’entrée d’une zone industrielle où les hautes herbes poussent sur des talus de gravats, le lieu du rassemblement n’a pas grand-chose à voir avec un écrin de nature menacée par l’asphalte. Pourtant, ce choix n’a rien d’anodin. En plus d’être l’un des point de départ de l’une des branches de la future autoroute, le rond-point des Vaches est aussi un haut lieu de la lutte des Gilets jaunes, l’un des seuls à maintenir encore aujourd’hui une occupation régulière grâce à une vaste cabane qui sert de point de chute au collectif local.

Le rond-point des Vaches est l’un des derniers à être encore occupé par les Gilets jaunes. © Émilie Sfez / Reporterre

Arborant fièrement un gilet floqué d’une vache mugissante, Carlos rappelle que, même si ses camarades ne sont pas tous opposés au projet, ce n’est la première fois que des Gilets jaunes se tiennent aux côtés des anti-autoroute : « On a déjà été avec eux sur plusieurs actions, comme quand il y avait eu la coupure de l’A13 [en 2023]. »

« Ce sont des zones qui ont déjà bien trinqué socialement et qui ont bien subi la pollution »

« Pour moi, le contournement est va ramener plus de pollution, plus de péages, et va abîmer la nature », résume l’homme, riverain du rond-point, qui ne croit pas en la promesse d’une diminution de la circulation sur le boulevard Lénine, porte d’entrée de l’agglomération, souvent agitée par les pro-autoroute.

À la fin du rassemblement, les manifestants se sont rendus sur le rond-point pour y planter des arbres. © Émilie Sfez / Reporterre

De son côté, Laetitia Sanchez tient à rappeler que l’aire urbaine que l’autoroute devrait toucher est aussi l’une des plus défavorisées de la métropole : « Ce sont des zones qui ont déjà bien trinqué socialement et qui ont bien subi la pollution, et c’est encore là qu’on voudrait en rajouter. »

Après les prises de parole et à l’initiative des militants du parti Les Écologistes, un groupe de quelques dizaines de personnes s’est aventuré sur le rond-point pour y planter trois arbres fruitiers en symbole de la résistance à venir contre un projet pas encore définitivement mort, mais déjà enterré.

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Source: https://reporterre.net/Ecologistes-et-Gilets-jaunes-main-dans-la-main-pour-enterrer-une-autoroute

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