
Quinze maires bretons ont saisi la justice administrative, jeudi 16 mai, pour dénoncer le non-respect par l’État des droits fondamentaux de la personne dans les Ehpad publics dont ils ont la responsabilité. En cause : « des toilettes de résidents faites plus rapidement, des soins bucco-dentaires reportés, le fait qu’on soit passé de l’alimentation normale à du mouliné, etc. », liste notamment Xavier Compain, l’édile de Plouha dans les Côtes-d’Armor.
Par Julia HAMLAOUI.
C’est une nouvelle alerte sur la situation des Ehpad publics que sonnent quinze maires bretons. Les édiles ont saisi la justice administrative, jeudi 16 mai, pour dénoncer le non-respect par l’État des droits fondamentaux de la personne dans ces établissements dont ils ont la responsabilité et qui souffrent d’un manque de moyens, a annoncé à l’AFP le maire communiste de Plouha (Côtes-d’Armor), Xavier Compain.
Une enveloppe de « 10 à 12 milliards d’euros par an »
C’est à l’occasion d’une réunion au ministère, lors de laquelle ils estiment ne pas avoir obtenu de réponses concrètes, que les dossiers, envoyés au tribunal administratif de Rennes, ont été remis à la ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées Fadila Khattabi. En cause : « des toilettes de résidents faites plus rapidement, des soins bucco-dentaires reportés, le fait qu’on soit passé de l’alimentation normale à du mouliné, etc. », liste Xavier Compain, qui estime avec ses collègues à 7 millions d’euros les demandes d’indemnités préalables pour tous ces dossiers.
Au total, une enveloppe de « 10 à 12 milliards d’euros par an » serait nécessaire pour « remettre à flot les Ehpad » au niveau national et « les maintenir en état de fonctionnement », ajoute-t-il, plaidant également pour un financement de la cinquième branche de la Sécurité sociale et une loi sur le grand âge pour avoir « une vision à long terme ».
Et les quinze maires bretons, qui font partie du mouvement « Territoires en résistance pour le grand âge », dont sont membres quelque 350 collectivités, entendent amplifier leur démarche. « Le défi pour nous dans ce rapport de force est d’avoir un mouvement d’ampleur national. L’objectif est de passer de 15 à 50 dossiers ou plus, afin d’avoir un effet de masse », explique l’édile de Plouha.
Une situation catastrophique dans toute la France
Car la situation catastrophique des Ehpad publics liée à un déficit de financements est loin de se cantonner à la seule Bretagne. Selon une étude de la Fédération hospitalière française (FHF) publiée en avril, 85 % des maisons de retraite publiques devraient contracter un déficit, pour l’exercice 2023, équivalant à un montant d’environ 800 millions d’euros. Déficit qui atteindrait plus d’un milliard en 2024. Un record. Pour rappel, les établissements déficitaires ne représentaient que 47 % du secteur en 2018, soit un manque à gagner de 152 euros par lits, contre 3 850 euros en 2023.
Le gouvernement a annoncé une aide d’urgence de 650 millions d’euros, dont 190 millions iront aux structures publiques, via une augmentation de 5 % du forfait soin (et 3 % pour le privé à but lucratif). La ministre s’en félicite et estime, interrogée par l’AFP sur le recours des édiles bretons, que « la part de l’État dans le financement des Ehpad, y compris Bretons, n’avait cessé d’augmenter ces dernières années ». Loin d’être suffisant pour les élus locaux comme les professionnels du secteur, qui y voient une goutte d’eau dans un océan de besoins.
La loi sur le bien vieillir, qui favorise la mutualisation des structurés, adoptée le 8 avril, n’a pas plus convaincu. « L’État s’obstine à proposer des lois gratuites et à faire de la charité avec des millions quand il faudrait des milliards ! », dénonçait alors dans nos colonnes la sénatrice Anne Souyris, co-rapporteure de la mission d’information sur la situation des Ehpad qui doit rendre ses conclusions en juin, craignant que le gouvernement ne soit en train de « condamner les Ehpad publics ».
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