Elections législatives 2024 : Pourquoi c’est faux de dire que LFI est un parti d’extrême gauche ? (20minutes-14/06/24)

Le parti de Jean-Luc Mélenchon est souvent qualifié d’extrême gauche alors qu’il n’est pas reconnu comme tel par le Conseil d’Etat tandis que le parti de Marine Le Pen a été classé dans le bloc « extrême droite » par cette même institution - Montage photos Canva (C. Martin et F. Greuez / Sipa) / Sipa

Par Elisa MARTIN.

epuis lundi, la création d’un nouveau Front populaire a beaucoup fait parler ses opposants, que ce soit pour invoquer Léon Blum ou pour « accuser » cette alliance des partis de gauche. Jordan Bardella du Rassemblement national estime être « le seul en capacité de faire barrage à Jean-Luc Mélenchon [chef de file de La France insoumise] et à l’extrême gauche ». Et pour François-Xavier Bellamy des Républicains, « le danger le plus grand pour la France, c’est l’arrivée au pouvoir de l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon ».

Mais ont-ils raison de qualifier LFI de parti d’extrême gauche ? D’après le Conseil d’Etat, non. Dans sa décision du 11 mars 2024, l’institution a tranché : La France insoumise, tout comme le Parti communiste français font partie du bloc « gauche », comme l’avait décidé le ministère de l’Intérieur qui attribue les nuances politiques au moment des élections.

Alors, pourquoi certains pensent-ils le parti plus à gauche qu’il ne l’est ? Décryptage.

« Une erreur provoquée par de la droitisation de l’échiquier politique »

« C’est quelque chose qui revient sans cesse, analyse Aurélien Dubuisson, chercheur associé au Centre d’histoire de Sciences po et auteur de L’extrême gauche en France aux éditions Presses universitaires Blaise Pascal. À mon sens, c’est une erreur qui est notamment provoquée par la droitisation de l’échiquier politique ces dernières années. » Le spécialiste note qu’en reprenant le programme de Mitterrand de 1981, il passerait pour « le pire des extrémistes à l’heure actuelle ». « Mais en 1981, le contexte politique était différent, il était imprégné par les thèmes de la gauche », souligne-t-il.

Avant d’ajouter : « L’assimilation de LFI à l’extrême gauche dépend aussi du PS qui assumait une politique ouvertement libérale qui ne le différenciait pas vraiment de la droite. Il suffit de se pencher sur le quinquennat Hollande pour s’en faire une idée. Ainsi, quand un mouvement politique de gauche émerge sur la base d’un programme qui assume sa volonté de rupture, même minimale, avec le néolibéralisme, ça peut affoler les commentateurs ».

La définition de l’extrême gauche

Pour comprendre pourquoi LFI n’est pas à l’extrême gauche, il faut revenir à la définition du terme. Pour Aurélien Dubuisson, qui cite Philippe Buton, Isabelle Sommier et Sébastien Repaire, la « gauche alternative » est « l’ensemble des groupes d’extrême gauche, trotskistes ou maoïstes, auxquelles s’ajoutent toutes les tendances du mouvement libertaire, essentiellement les anarchistes puis les autonomes, ainsi que toute une série d’expérimentations politiques issue de Mai-68 ». Cette « gauche alternative » étant caractérisée par sa volonté de « rupture avec le système capitaliste tout en procédant à la critique, plus ou moins radicale, de la gauche institutionnelle ».

Actuellement, Lutte ouvrière et le Nouveau parti anticapitaliste sont ainsi classés dans le bloc « extrême gauche ». Alors que, selon l’auteur, LFI serait plutôt « un mouvement réformiste qui ne vise pas une rupture nette avec le capitalisme mais désire plutôt, au moins dans un premier temps, l’adoption de mesures limitant les effets des formes débridées du libéralisme économique actuel ».

Pourquoi il est vrai de dire que le Rassemblement national est d’extrême droite ?

A l’inverse de LFI, le Rassemblement national a, lui, bien été classé à l’extrême droite de l’échiquier politique, selon la même décision du Conseil d’Etat. Le parti de Marine Le Pen avait saisi l’instance après cette attribution par le ministère pour les élections sénatoriales.

Selon la définition de Jean-Etienne Dubois, dans son ouvrage l’Extrême droite française, les partis d’« extrême droite » sont « les organisations qui contestent le système politique républicain et démocratique (anti-électoralisme, antiparlementarisme, aspirations autoritaires, etc.) et/ou le caractère universel des valeurs républicaines de liberté et d’égalité (antisémitisme, racisme, xénophobie, etc.) ».

Ainsi, « l’origine [du Front national, devenu Rassemblement national], son noyau de militants et les références idéologiques diverses qui s’y côtoient inscrivent indubitablement l’histoire de ce parti dans la filiation de l’extrême droite française ».

Mais est-ce que les extrêmes se rejoignent ?

Lors de sa conférence de presse de mercredi, Emmanuel Macron a également évoqué ses principaux adversaires pour les prochaines élections législatives et s’est présenté comme la seule alternative « aux extrêmes ». Il a ainsi placé au même titre « l’extrême gauche », que serait le nouveau Front populaire avec LFI, et l’extrême droite du Rassemblement national.

Cette idée que « les extrêmes se rejoignent », également appelée « la théorie du fer à cheval », est une « formule répandue », relève Aurélien Dubuisson. « En les présentant comme infréquentables et irresponsables, cette rhétorique vise souvent à neutraliser les formations politiques d’extrême gauche qui entendent rompre avec l’ordre politique et économique dominant », développe-t-il. L’idée derrière est « d’empêcher les alliances et casser une dynamique électorale ».

Pourtant, « tout ou presque différencie l’extrême gauche de l’extrême droite », rappelle le spécialiste. « Dans le contexte actuel, si LFI est visée par cette théorique, c’est en raison du conflit israélo-palestinien, poursuit-il. Certains accusent ses dirigeants et députés de tenir des propos antisémites, au même titre que Jean-Marie Le Pen lorsqu’il était président du FN. On peut avoir des désaccords avec LFI, notamment au sujet de la Palestine, leur qualification du 7 octobre a fait débat. Mais qualifier ce mouvement d’antisémite relève de la diffamation. Si les dirigeants et députés de LFI tenaient des propos antisémites, ils seraient, à raison, condamnés par la justice. À ma connaissance, aucun d’entre eux ne l’a été. On ne peut pas en dire autant à l’opposé de l’échiquier politique. »

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Source: https://www.20minutes.fr/politique/4096310-20240614-elections-legislatives-2024-pourquoi-faux-dire-lfi-parti-extreme-gauche?utm_source=pocket-newtab-fr-fr

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