
Par Isabelle LABARRE.
Les auteurs des dégradations se sont attaqués à leurs propres quartiers. Bénévoles, parents, éducateurs, cherchent les mots pour parler aux plus jeunes et désamorcer la violence.
Des odeurs de fumée flottent au-dessus du quartier de la Bottière, ce vendredi matin 30 juin. Le magasin Centrakor n’est plus qu’un enchevêtrement de tôles et de poutres calcinées. À quelques dizaines de mètres, des bris de verre d’abribus jonchent le sol. Plus loin, la carcasse d’un camion détruit par le feu, au milieu de la vie qui reprend, des enfants qui rejoignent l’école.
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« Je ne pensais pas que les événements de Nanterre auraient beaucoup d’écho ici », s’étonne un bénévole de l’association Jeunesse Bottière en mouvement (1), que l’on croise devant la mairie annexe. « On va essayer de comprendre, d’apaiser les tensions. Mais comment ? C’est difficile », reconnaît-il, en arpentant ce quartier encore ébranlé par le décès de trois jeunes habitants après l’accident survenu le dimanche 18 juin, sur le périph nantais : « On est toujours en deuil ».
« Ce n’est pas en privant nos parents d’un magasin qu’on va résoudre les problèmes »
Au lendemain d’une nuit de violences, alors que les élus appellent au retour au calme sur les réseaux sociaux, quels mots faire résonner au pied des immeubles pour faire baisser la tension ? Comme d’autres membres d’assos, culturelles et sportives, le président de Jeunesse Bottière en mouvement va endosser son rôle de grand-frère et « discuter avec les petits. Leur dire que ce n’est pas en détruisant ce qu’on a mis du temps à construire, en privant nos parents d’un magasin, qu’on va résoudre les problèmes. Ce n’est pas rendre hommage à Nahel que de mettre le feu ! »
Pour autant, l’enfant du quartier, aujourd’hui trentenaire, comprend la colère des auteurs des dégradations : « Je ne leur jette pas la pierre parce qu’ils n’ont trouvé que cela pour exprimer un mal-être qui dure. Depuis deux ans, on avertit la Ville qu’à la moindre étincelle, ça va péter. Là, on est dans l’urgence pour travailler une question de fond, c’est dommage. »
Des violences dues à une infime minorité
Au café associatif ouvert en septembre par l’association Beau tiers-lieu, des mères de famille se retrouvent pour cuisiner. « Ils veulent rendre justice en cassant, se désole l’une d’elles. La seule façon de trouver les bons mots, c’est leur demander leur avis, pourquoi ils sont en colère. »
Un sentiment partagé par Bénédicte et Jean-Marc, deux bénévoles derrière le zinc : « L’histoire catastrophique de Nahel est un déclencheur. Il n’y a que le dialogue pour désamorcer un peu. » Édith, une habitante venue prendre un café, embraie : « Pourquoi brûlent-ils leur propre quartier et nuisent-ils à leur maman ? Parce que quand on va très mal, c’est soi-même qu’on détruit. »
Un éducateur en poste dans un quartier voisin rappelle que les dégradations commises sont le fait d’une infime minorité.Ce qu’ont constaté les journalistes de Ouest-France présents cette nuit de jeudi à vendredi. « 99 % des jeunes sont dans leur famille le soir ! On va leur dire de rester chez eux, insiste l’éducateur. Qu’il faut protéger leurs petits-frères et leurs parents. La cellule familiale, c’est très important. »
Un de ses confrères, qui intervient en tant qu’éducateur spécialisé, aura le même message : « On échange avec les habitants pour qu’ils évitent de se mettre en danger. On espère par ailleurs qu’on ne rentrera pas dans une escalade de la répression. Ce qui nous inquiète, c’est que ça risque de continuer ».
(1) Les personnes citées anonymement n’ont pas souhaité que soit publiée leur identité.
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