En Allemagne, l’élection de Friedrich Merz est une défaite pour l’écologie (reporterre-7/05/25)

Le chancelier allemand Friedrich Merz embarque à bord d’un avion à Brandebourg, au lendemain de son élection, le 7 mai 2025. – © Michael Kappeler / DPA / DPA Picture-Alliance via AFP

Conservateur et libéral, Friedrich Merz a été élu chancelier de l’Allemagne, le 6 mai. La priorité est donnée à la compétitivité et à la relance économique. De quoi marquer un recul sur l’écologie.

Par Thomas SCHNEE.

Berlin (Allemagne), correspondance

C’est une mauvaise nouvelle pour l’écologie. À 69 ans, Friedrich Merz, le patron du parti chrétien-démocrate (CDU — conservateurs), a été élu chancelier de l’Allemagne, le 6 mai, et succède à Olaf Scholz. Celui qui a fait fortune comme avocat d’affaires et possède deux jets privés a été membre de nombreux conseils de surveillance, dont celui de BlackRock Allemagne, filiale du plus gros fonds d’investissement du monde. « Un recul est à craindre dans de nombreux domaines environnementaux, selon Olaf Bandt, patron de l’ONG écologiste Bund (Les Amis de la Terre). Le nouveau gouvernement veut saper des acquis essentiels et revenir en arrière. »

Pour le gouvernement Merz, la priorité va à la compétitivité et à la relance économique, plutôt qu’à la transition énergétique et à la lutte contre la crise climatique.

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Les grands objectifs du gouvernement précédent sont toutefois maintenus. L’accord de la coalition CDU/CSU — SPD (Parti social-démocrate) ne remet pas en cause l’objectif de neutralité carbone d’ici 2045. La date de sortie du charbon est aussi maintenue à 2038. Tout comme le versement de 100 milliards d’euros au Fonds pour le climat et la transition (KTF), obtenu en mars dernier par le groupe parlementaire écologiste, désormais dans l’opposition. De quoi prolonger bon nombre de programmes écologiques et relancer les primes à l’achat de voitures électriques.

La crainte d’une dépendance aux fossiles

Sur l’énergie, le plan de développement des énergies renouvelables est également maintenu et le retour du nucléaire n’est pas au programme. Deux phrases seulement du contrat de coalition évoquent un financement accru de la recherche sur la fusion nucléaire. En revanche, si le gouvernement Merz maintient le cap sur les énergies renouvelables, il veut le faire dans une optique de « neutralité climatique », « d’ouverture technologique » et de baisse significative des prix de l’électricité. Et c’est là où le bât blesse.

Il est ainsi prévu de construire plus de centrales à gaz pour une puissance totale de 20 gigawatts (GW). Autant pour stabiliser les réseaux que pour faire baisser les prix. Le tout adossé au développement massif du captage et stockage sous-terrain du CO2.

Ces plans seront mis en œuvre par la nouvelle ministre de l’Économie et de l’Énergie, Katherina Reiche, qui quitte pour cela la direction de Westenergie, un gros gestionnaire de réseau appartenant à EON, second producteur d’électricité allemand et ancien exploitant de centrales nucléaires. Les experts de Greenpeace et du Brund craignent la création d’une nouvelle dépendance aux énergies fossiles.

Climat : des normes restreintes

Sur le front de l’environnement et de la protection du climat, la politique sera menée par un ministre SPD, Carsten Schneider, originaire de l’est, spécialisé dans les finances publiques et sans expertise dans le domaine. Celui-ci va reprendre les actions du gouvernement précédent comme le Programme d’action pour une protection naturelle du climat ou le nettoyage de la mer Baltique. Mais la protection des espèces, par exemple, est totalement absente du contrat de coalition.

« Cela nuit à la protection du climat »

Par ailleurs, « sous couvert d’une réduction de la bureaucratie, [la coalition et ses alliés] prévoient de restreindre massivement les normes environnementales et les droits de participation et de recours des citoyens », a récemment dénoncé la ministre écologiste sortante, Steffi Lemke.

Les ONG environnementales comme le Deutsche Umwelthilfe (DUH), connu notamment pour ses nombreuses victoires juridiques face à Volkswagen, s’inquiètent d’une possible limitation du droit des associations à agir en justice.

Flou sur les transports et le logement

Sur les importants dossiers des transports et du logement, les nouveaux titulaires des maroquins ministériels sont inconnus du grand public et n’ont pas de programme marqué.

Le ministre des Transports, Patrick Schnieder (CDU), devra tout de même gérer les milliards d’euros prévus pour la modernisation des infrastructures et du rail. Quant à l’automobile, le slogan affiché de « l’ouverture technologique », avec un assouplissement des limites européennes d’émissions de CO2 pour les voitures particulières, fait voir rouge les écologistes.« Cela nuit à la protection du climat et à la compétitivité de l’industrie automobile allemande », estime Martin Kaiser, directeur général de Greenpeace Allemagne.

Côté logement, Verena Hubertz (SPD) s’attèlera à la crise du secteur et à la refonte de la loi sur la modernisation énergétique des bâtiments. Elle vient tout droit du monde des start-up d’internet, étant l’ex-directrice de Kitchen Stories, un site de recettes de cuisine.

Pour boucler le tableau, ajoutons le ministre de l’Agriculture Alois Rainer (CSU), boucher de formation, qui a inauguré ses fonctions en louant l’agriculture industrielle et en annonçant que les prix subventionnés de la viande n’augmenteraient pas.

Cela n’a rien d’étonnant. Les conservateurs et les sociaux-démocrates sont depuis toujours des partis proches des industriels, notamment ceux de l’automobile, via les fédérations patronales pour la CDU et les syndicats pour le SPD. Ils ont aussi longtemps freiné, via les gouvernements régionaux qu’ils contrôlent, la reconversion des deux grandes régions charbonnières d’Allemagne (la Ruhr à l’ouest et la Lusace à l’est). Enfin, en 2012 puis 2018, ils ont successivement brisé les industries solaire et éolienne allemandes en les privant de subventions.

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Source: https://reporterre.net/En-Allemagne-l-election-du-chancelier-Friedrich-Merz-est-une-defaite-pour-l-ecologie

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