En Bretagne, des artisans des travaux publics, des marins-pêcheurs et des entrepreneurs agricoles annoncent rejoindre la mobilisation des agriculteurs pour sa deuxième journée, ce jeudi 25 janvier. « La convergence des mouvements » est ouvertement espérée par David le Quintrec, un représentant du mouvement des Pêcheurs en colère, au nom de « revendications communes ».
Par Laetitia JACQ-GALDEANO
Dix ans après le mouvement des Bonnets rouges, qui agrégeait la colère des patrons, des transporteurs, des salariés de l’agroalimentaire et des agriculteurs contre l’écotaxe, les manifestations paysannes peuvent-elles encore faire tache d’huile en Bretagne ?
Ce scénario catastrophe est d’autant plus redouté que le mouvement actuel est « atypique », analyse André Sergent, le président de la chambre régionale d’agriculture. « Traditionnellement, les crises agricoles sont liées à des activités économiques très compliquées. Sauf que là, ce n’est plus ça. Aujourd’hui, notre agriculture est devenue tellement administrée. On n’en peut plus. Les agriculteurs sont à bout. »
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« Les pêcheurs et les marins ont des revendications communes »
L’amorce « d’une convergence des mouvements », ouvertement espérée par le pêcheur lorientais David Le Quintrec, qui a reçu Jordan Bardella, le leader Rassemblement national (RN) sur son bateau, mardi 23 janvier 2024, sera particulièrement observée ce 24 janvier, à Rennes, à quelques mois du scrutin européen de juin.
Dans la capitale régionale – où l’université de Rennes II est bloquée depuis mardi au moins jusqu’à jeudi, contre la loi immigration – la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole français, appelle à manifester devant la préfecture de région contre les « excès de la politique agricole européenne ».
Selon David Le Quintrec, en rupture avec le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, « 150 marins-pêcheurs au minimum » seront présents. Ils « porteront leur pantalon ciré ou leur veste » pour être différenciés des agriculteurs.
« J’ai contacté tous les syndicats paysans, la Coordination rurale a été la seule à me répondre. On les soutient à Rennes, ils nous soutiendront à Paris le 5 février. Les pêcheurs ont énormément de revendications communes avec les agriculteurs : le prix du gazole, l’acharnement de la Commission européenne, la persécution de l’administration, l’hémorragie d’entreprises dans nos filières. »
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Les artisans des travaux publics mobilisés
Au deuxième jour des manifestations paysannes bretonnes, il faudra aussi compter avec les travaux publics pour « bloquer » deux sites emblématiques du Morbihan et du Finistère : le dépôt pétrolier de Lorient et le pont d’Iroise, reliant Brest à Plougastel-Daoulas.
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« On devait aller à Rennes mais pour être parqués sur un parking, ce n’est pas la peine. On va plutôt se rassembler devant le dépôt de Lorient, souligne Norbert Guillou, président de la Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP) du Morbihan. Notre profession refuse la baisse de la détaxe sur le GNR (gazole non routier). On paie actuellement 1,20 € le litre alors que c’était 80 centimes le litre, avant. »
Dans le Finistère, la CNATP, par la voix de son responsable départemental, Stéphane Jézéquel, « rejoint le ras-le-bol général » et se mobilise face à l’inflation et « à l’augmentation constante » des matières premières et des charges, comme notamment les éco-contributions, ou éco-participations, « qui ne sont rien qu’une nouvelle taxe déguisée ».
La délicate question du prix du gazole non routier (GNR) est aussi au cœur des revendications des entrepreneurs agricoles qui se joignent au mouvement. Cette filière bretonne de plus de 5 000 salariés et 858 entreprises veut « obtenir des mesures d’urgence permettant de réduire la pression fiscale et un assouplissement de la réglementation », indiquent son délégué régional, Jean-Marc Leroux et son président, Frédéric Jan.
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« En 2023, 2 360 sociétés de transport ont déposé le bilan »
Invité par la CNATP à se mobiliser devant le dépôt de Lorient, le Collectif des transporteurs bretons de la CPME attend « d’être reçu par le préfet ». Selon son responsable, Claude Rault, l’organisation professionnelle a notamment demandé par écrit aux députés bretons et au préfet « des contrôles accrus contre les camions étrangers de plus en plus présents sur les routes, un prix plancher du transport en France pour éviter le travail à pertes des entreprises et le maintien de la détaxe sur le GNR ».
« En 2023, 2 360 sociétés de transport ont déposé le bilan, je n’ai jamais vu ça », se désole Claude Rault. Si l’organisation professionnelle n’obtient pas gain de cause, elle maintiendra son appel à des barrages routiers, avec le Groupement des transporteurs français, le 5 février, journée de mobilisation parisienne du collectif des « Pêcheurs en colère ». Ce qui laisse onze jours au gouvernement pour déminer la contestation paysanne.
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