Selon l’association Eau et rivières, le classement des eaux de baignade en Bretagne est « manipulé » et ne reflète pas la réalité des pollutions affectant le littoral. Le tribunal administratif de Rennes a examiné ce mardi 6 juin 2023 son recours contentieux visant l’Agence régionale de santé. Lors de l’audience, le rapporteur public du tribunal administratif a abondé dans le sens de l’association.
L’association Eau et rivière de Bretagne évoque un scandale sanitaire enfin révélé au grand jour
. Ce mardi 6 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes (Ille-et-Vilaine) a examiné son recours contentieux visant l’Agence régionale de santé (ARS). Cet établissement public administratif de l’État est accusé par l’association d’avoir manipulé
le classement des eaux de baignade en Bretagne.
Sur son site, l’ARS indique que neuf lieux de baignade sur 581 sont classés en qualité insuffisante en Bretagne (1). En fait, selon Eau et rivières, ce ne sont pas moins d’une cinquantaine
de lieux de baignades qui ne satisferaient pas aux exigences de qualité en vigueur. Des bactéries nocives à la santé humaine y proliféreraient bien au-delà des seuils réglementaires.
Selon Eau et rivières de Bretagne, l’ARS a écarté entre 2016 et 2020 les mauvais résultats sur la qualité des eaux de baignade et a ainsi déclassé d’importantes pollutions
. Ce qui aurait conduit à fausser le classement jusqu’en 2023, celui-ci prenant en compte des résultats d’analyse étalés sur plusieurs années.
Des échantillons sortis « à tort » des statistiques
En conséquence, toujours selon Eau et rivières de Bretagne, le public ne connaît pas précisément l’état des eaux et se baigne parfois, à ses dépens, dans une eau de mer polluée. Et la résorption des véritables pollutions n’est pas mise en œuvre
. L’association demande donc que les statistiques de l’ARS soient rétroactivement corrigées.
Lors de l’audience, le rapporteur public du tribunal administratif, Dominique Rémy, a abondé dans son sens. Il a tout d’abord rappelé que les statistiques ne disent pas forcément la vérité. Remontant dans le temps, il a ainsi évoqué les tripatouillages
de l’indice des prix, dans les années 1960, qui ont ébranlé pour des années la confiance dans les autorités
.
Concernant le classement des eaux de baignade en Bretagne, il estime que des échantillons ont été sortis à tort
des statistiques par l’ARS. Celle-ci a considéré qu’il agissait d’épisodes de pollution à court terme, c’est-à-dire dus à une cause accidentelle, ponctuelle, identifiable et curable. Typiquement, un débordement de station d’épuration à la suite d’un orage.
Pour le rapporteur public, cela conduit à ne pas prendre en compte les pollutions diffuses »,
qu’elles soient dues aux assainissements non collectifs ou aux problèmes de ruissellement sur les terres agricoles
.
La demande de « chiffres incontestables »
Le rapporteur public estime aussi que quinze échantillons dits de recontrôle auraient dû être sortis
des calculs. Quinze sur 19 000, cela peut paraître peu. Mais deux d’entre eux concernent la seule plage du Château, à Landunvez (Finistère). D’où ce paradoxe : La plage du Château a été durablement fermée à la baignade sans avoir été classée en qualité insuffisante.
L’exemple de Landunvez n’est sans doute pas totalement pris au hasard. C’est dans cette commune que se situe l’un des plus importants élevages de porcs de Bretagne, régulièrement mis en cause par les militants écologistes.
En conclusion, Dominique Rémy propose au tribunal administratif d’annuler le refus
opposé par l’Agence régionale de santé à Eau et rivières de corriger ses chiffres. Cela permettra d’avoir des chiffres incontestables
, souligne-t-il. L’avis du rapporteur public n’est que consultatif, mais il est suivi par le tribunal administratif dans 90 % des cas. Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu d’ici un mois.
L’Agence régionale de santé Bretagne n’était ni présente, ni représentée par un avocat à l’audience. Contactée par Ouest-France, elle précise avoir produit un mémoire en défense auprès du tribunal. L’ARS y rappelle notamment « qu’elle applique strictement les dispositions de la directive européenne baignade (directive n°2006/7/CE du 15 février 2006) et les différentes dispositions et instructions nationales qui la transposent ».
Dans cette affaire, Eau et rivières de Bretagne a également déposé plainte contre l’État auprès de la Commission européenne.
(1) Il s’agit exclusivement de baignades en mer : Lermot (Hillion – Côtes-d’Armor), Saint-Laurent – les Nouelles (Plérin – Côtes-d’Armor), Le Bourg nord (Saint-Michel-en-Grève – Côtes-d’Armor), Saint-Marc (Tréveneuc – Côtes-d’Armor), Le Valais (Saint-Brieuc – Côtes-d’Armor), Béliard (Lamballe-Armor – Côtes-d’Armor), Moulin de la Rive (Locquirec – Finistère), Illien (Ploumoguer – Finistère).
Auteur : Olivier MÉLENNEC.
URL de cet article : En Bretagne, le classement des eaux de baignade a-t-il été « manipulé » par les autorités ? ( OF.fr – 06/06/23 ) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)