
Le fleuron de l’industrie cosmétique bretonne Yves Rocher a annoncé la suppression de 300 emplois, pour l’essentiel en Bretagne, et la fermeture de l’usine de parfums de Ploërmel (Morbihan), il y a deux mois. La première machine de conditionnement vient de quitter le site pour celui de Rieux (Morbihan). Le déménagement d’une ligne de production est prévu en mai. De source syndicale, le départ d’une vingtaine de salariés est déjà acté par l’entreprise d’ici fin 2023.
Une réorganisation rondement menée. Deux mois après avoir annoncé la fermeture de l’une de ses trois usines bretonnes, à Ploërmel (Morbihan), « fin 2025, début 2026 », le groupe familial breton de cosmétiques Yves Rocher a entamé le transfert de ses machines. Début avril 2023, la première (de conditionnement) a été déménagée vers le site de fabrication de cosmétiques de Rieux (Morbihan). Une ligne de production de maquillage devrait suivre fin mai, la troisième rejoindra les autres à Rieux fin septembre.
Dans le même temps, l’effectif de cette usine (108 personnes en contrat à durée indéterminé), ouverte en 1982, aura sérieusement baissé pour atteindre, de source syndicale, « entre 70 et 80 salariés » à la fin de l’année.
« Vingt personnes vont quitter l’usine avant le 31 décembre. Les premiers départs se feront en septembre, souligne Nelly Mauvoison Simon, déléguée syndicale FO du site. Il y aura des congés de fin de carrière. Les personnes qui travaillent en production et qui sont à vingt-quatre mois de la retraite toucheront 75 % de leur salaire brut. Et si elles doivent faire un, deux ou trois trimestres supplémentaires en raison de la réforme des retraites, l’entreprise les prendra à sa charge. »
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« Toute l’activité vendeuse est transférée »
Plombé par l’érosion des ventes de la marque Yves Rocher (17,2 % d’acheteurs français fin 2022 contre 20,2 % en 2019), le pionnier breton de la cosmétique végétale accuse une baisse de 13 % de son chiffre d’affaires (2,4 milliards d’euros en 2021) et de 30 % de ses volumes par rapport à 2019. Il prévoit de supprimer 300 postes en trois ans, pour l’essentiel en Bretagne, où il compte quelque 2 000 salariés. Des suppressions de postes, sans licenciements secs, pour lesquels il a signé, avec la CGC et la CFTC majoritaires, une procédure de Gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) renforcée pour trois ans, incluant des départs volontaires.
« C’est une carte blanche que s’offre l’employeur. Il peut faire ce qu’il veut, peste Pierre-Jacques Blanchard, délégué syndical CGT pour les usines des Villes Geffs (La Gacilly) et de Rieux. Pour l’instant, c’est l’usine de Ploërmel qui est ciblée et toute l’activité vendeuse est transférée, mais demain, d’autres sites et d’autres métiers peuvent être visés. »
Fin septembre, seules les 10 lignes de parfums – « dont cinq beaucoup utilisées », fait-on valoir chez FO – devraient rester dans l’usine de Ploërmel. Pour combien de temps encore ? Le groupe n’a pas répondu à nos sollicitations. « On ne sait pas », assurent des responsables syndicaux, préoccupés par l’avenir de cette activité dont la production aurait baissé. Va-t-elle être déménagée, sous-traitée ou carrément abandonnée ? « Ils nous ont dit que le transfert était matériellement impossible », indique-t-on parmi les syndicats qui attendent des réponses « pour juin ». « Le groupe nous annonçait un plan pour septembre, soupire Pierre Jacques Blanchard, mais Yves Rocher, c’est un peu comme l’armée, c’est la grande muette. »
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« À Ploërmel, de bonnes conditions de travail »
« Les gens sont inquiets mais vivent avec l’incertitude. Ce n’est plus la colère des débuts, quand la fermeture de l’usine a été annoncée. » Nelly Mauvoisin Simon résume ainsi l’ambiance qui prévaut au sein de l’usine de Ploërmel qui emploie beaucoup de femmes ayant souvent fait toute leur carrière chez Yves Rocher et où la pyramide des âges est la plus vieillissante des sites bretons (plus de 50 % des salariés en CDI sont âgés de plus de 56 ans).
« Je vis très mal la situation. On ne sait pas où on va », confirme cette quinquagénaire sous couvert d’anonymat. En 2010, cette ex-salariée de Safir, une ancienne filiale du groupe, a déjà vécu la fermeture du site de 173 employés basé à Guillac (Morbihan).
À l’époque, ce centre de préparation des commandes des marques Daniel Jouvence et Pierre Ricaud avait été transféré par le groupe sur le site de La Croix des Archers à La Gacilly, où le centre de la marque Yves Rocher était déjà implanté. « À Ploërmel, j’ai trouvé de bonnes conditions de travail par rapport à Safir. Chez Safir, j’étais payée 1 100 € et chez Yves Rocher, on gagnait 1 900 €. Ça compensait la route et ce n’était pas négligeable. En plus, ici, tout est mis à disposition pour minimiser la pénibilité », raconte cette salariée qui a commencé à travailler à 21 ans.
Comme beaucoup de collègues, elle juge « limite impossible d’aller dans l’agroalimentaire. J’ai toujours travaillé en usine. Nos corps commencent à être fatigués ». Se reconvertir ? « Vers quoi ? À Ploërmel, il n’y a pas grand-chose ».
Laetitia JACQ-GALDEANO
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